L'ennuie.

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« Ma vie est banalement simple, ai-je entendu, un jour, d'une bouche quelconque. » Sa voix. Ce jour. Sa voix n'était qu'un flottement aigue dans l'air, qu'un souffle collant dans la brume, qu'un murmure retentissant dans l'atmosphère. Sa voix avait les échos terrifiants d'une plainte et les inflexions dures d'un désespoir. Entre peine et ennuie. Je le maudissais. Entre mes lèvres pincées et ma mâchoire crispée, derrière ma ligne de dents serrées, se faufilèrent des paroles comme hachées au couteau. Sortes d'incantations qui troublent la vue, qui obstruent les pensées, qui font trembler les chairs. Je le maudissais. Devenant dans mon esprit, une sorcière penchée au-dessus d'un feu qui crépite, d'un chaudron qui bout, les doigts remuant entre les pans d'effluves enivrantes, les mains dansant autour d'une chaleur étourdissante. Devenant dans mon esprit, comme la sorcière maudissant l'âge de la Belle au bois dormant, comme les sorcières sacrifiant le destin de Macbeth.

Je maudissais celui qui disait s'ennuyer de la simplicité, qui choisissait d'emprunter lui-même un chemin tortueux. Celui qui place, avec ses mains, sur cette voie droite, simple, facile, s'ouvrant pleinement devant lui, sans embuche, une grosse pierre. Trébuchant ensuite sur cette grosse pierre. Semblant vouloir se plaire de la douleur lancinante de son genou en sang. Souriant jusqu'à rendre visible ses molaires. Ne sait-il pas que les cœurs en souffrance ne s'ennuient pas ? Que l'ennuie n'est que frère de la paix ?

Cœur briséWhere stories live. Discover now