— Tu m'écoutes ?

La voix de ma mère me tire de mes pensées.

— Oui, pardon. Tu disais quoi ?
— Je te demandais comment se passait la fac.
— Euh, très bien.
— C'est tout ?

Je souffle intérieurement avant de lui répondre ce qu'elle a envie d'entendre.

— Ça va très bien. J'ai de bonnes notes, j'aime mes cours et les comprends. J'ai juste un projet de groupe à faire avec un ami mais on est bloqué.
— Pourquoi ?
— On doit trouver un cas clinique pour notre projet mais on n'en a pas.
— Moi, je peux peut-être aider.

Sa remarque me fait sourire. Ce serait bien une des rares fois où elle me serait utile, mais quand elle saura sur quoi le projet porte, je suis presque sûre que je vais m'en prendre une. Mais qui ne tente rien n'a rien, pas vrai ?

— C'est dans le cadre de notre cours sur les addictions et on a choisi de le faire sur l'alcoolisme. Donc oui, tu pourrais.

Même si je n'en ai pas envie, je prie tout au fond de moi pour qu'elle accepte parce que sinon, je ne sais pas comment nous allons faire avec Eliott.

— Ah oui... d'accord. Parce que je suis tellement une mauvaise mère que tu es obligée de faire ton truc sur moi.

Je ris jaune.

— Premièrement, je ne le fais pas sur TOI en particulier. Arrête d'être égocentrique pendant deux minutes, s'il te plaît. Deuxièmement, tu es la première à dire que tu n'es pas alcoolique, donc tu n'es tout simplement pas logique. Et dernièrement, on devait choisir une addiction et oui, c'est celle que je connais le mieux. Donc maintenant, accepte ou non, j'en ai rien à faire.

Un lourd silence s'installe entre nous. Je savais que la conversation allait tourner comme ça, c'est la même chose à chaque fois. Ne supportant plus ce jeu de rôle, je décide de me lever pour partir mais c'est à ce moment-là que ma mère décide de rompre ce silence.

— Je serai ton cas clinique, Anna. Ne pars pas maintenant, s'il te plait.

Dos à elle, j'expire tout l'air que je peux faire sortir de mon corps avant de me retourner. Je déteste quand elle me prend par les sentiments de cette manière. Elle ne sait faire que ça, manipuler émotionnellement les gens et profiter d'eux.

C'est pour ça que je vais profiter d'elle à mon tour pour mon projet.

— D'accord, dis-je en retournant m'asseoir sur ma chaise.
— Je vais devoir faire quoi ?
— Avec mon collègue, on va préparer une série de questions qu'on te posera concernant l'addiction et tu devras y répondre honnêtement et sincèrement.
— Ce sera quel genre de question ?
— Je ne sais pas, on en a pas encore parlé lui et moi. Il faudra aussi que tu fasses zéro mention du fait que tu es interviewée par ta fille, d'accord ?
— D'accord. Je ferai attention à ça.
— Super.

Je sais que c'est un peu paradoxal mais je n'aime pas quand ça se passe "bien" entre elle et moi. C'est ce genre de moment qui me donne l'espoir d'un jour avoir une relation normale avec ma mère, sans son alcoolisme, puis peu de temps après, tout redevient comme avant. Elle boit, m'insulte, me critique, me rabaisse et m'humilie. C'est un cercle vicieux.

Je sais également que je prends un énorme risque en l'incluant dans ce projet parce que la connaissant, à tout moment elle peut décider d'arrêter et me mettre dans la merde sans aucun scrupule. Je me dois de tenir au courant Eliott et il décidera s'il est prêt à prendre ce risque-là.

Ma mère se lève pour aller aux toilettes et je profite de ce temps-là pour prendre mon portable et envoyer un message à Théo.

Moi: Je suis arrivée chez ma mère. J'ai hâte de rentrer et d'être ce soir !

Nos coeurs entaillésOnde histórias criam vida. Descubra agora