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Aujourd'hui est un des jours que je redoute le plus au monde: retourner à Tours pour voir ma mère. Je sais d'avance que ce sera terriblement gênant et qu'il y a 98% de chance que ça se passe mal en l'espace de quelques heures.

Je me rends à la gare vingt minutes avant le départ de mon train. J'arriverai dans ma ville d'enfance un peu après le repas du midi et partirai en fin de journée, vers dix-huit heures. Ma mère voulait que je reste un peu plus mais je lui ai bien fait comprendre que j'avais un emploi du temps chargé à partir de demain et que je voulais me reposer avant tout. Elle m'a engueulée, mais elle a fini par comprendre, du moins je crois.

Je m'installe dans le sens de la route et sors mes écouteurs ainsi que mon ordinateur pour travailler durant le trajet. Après trente minutes de trajet, je tombe de fatigue et décide de faire une sieste pour avoir le plus d'énergie possible afin de survivre aux prochaines heures qui m'attendent.

Une fois arrivée à la gare de Tours, je prends le temps de me balader au bord de l'eau avant d'aller dans la maison du diable. Mon téléphone sonne et je sais déjà qui c'est. Je décroche.

— Anna ?
— Oui, maman. Qu'est-ce qu'il y a ?
— Tu es arrivée ?
— Oui.
— Pourquoi tu n'es pas encore à la maison, alors ?
— Je me balade un peu, j'arrive bientôt.
— D'accord, ne tarde pas trop, déjà que tu ne viens pas longtemps.

Bim. Première pique lancée parmi la longue liste qui m'attend.

— Oui, je rentre bientôt.
— D'accord, à tout de suite, bisous.
— Ouais.

Puis je raccroche.

Je ne l'ai même pas encore vue mais je suis déjà épuisée mentalement et de mauvaise humeur à l'idée d'y aller. Mais bon... mieux vaut faire semblant pour ne pas m'attirer les foudres de ma mère.

Quand j'arrive, elle m'accueille avec un grand sourire. Quelle hypocrisie. J'avais complètement oublié cette partie-là d'elle. Je ne sais pas comment j'ai pu.

— Coucou ma puce ! lance-t-elle d'une voix si peu naturelle.
— Salut, répondisréponds-je d'un ton un peu froid.

Je sens sa forte odeur quand elle s'approche de moi et devine rapidement qu'elle a bu. Evidemment qu'elle est bourrée. Elle n'aurait pas été capable de s'empêcher de boire le seul jour où je viens après une longue absence.

— Toujours aussi aimable à ce que je vois.

Bim, deuxième pique.

— Je suis fatiguée, c'est tout. Je n'ai pas le droit de l'être ?
— Tu m'insupportes. Allez, rentre donc.

Elle passe devant et je rentre après elle. La maison est étonnamment propre pour une fois. C'est peut-être le seul effort qu'elle a fait pour ma venue.

— J'ai rangé parce que ce soir j'ai quelqu'un qui vient à la maison.

Aïe. Moi qui pensait que c'était pour moi, je me suis encore trompée à son sujet.

— C'est qui ?
— Quelqu'un que j'aime bien.

Je rassemble toute la bonne volonté que j'ai en moi pour ne pas exploser de rire. Elle ? Aimer quelqu'un ? Alors qu'elle n'est même pas foutue d'aimer sa propre fille ? Quelle ironie, et quel culot surtout.

Je commence à regretter silencieusement d'avoir fait le déplacement et de ne pas avoir trouvé d'excuse pour rester chez moi et voir Théo à la place. Heureusement qu'on se voit ce soir, lui et moi.

On a beaucoup parlé ces derniers jours. Il ne parle pas souvent de lui et évite souvent les questions que je peux lui poser à son sujet mais je ne peux rien dire puisque je fais la même chose. En revanche, on parle beaucoup de sociologie, de psychologie et j'aime constater qu'on est tous les deux très curieux sur la vie et le monde qui nous entoure en général. Je sais que c'est encore tôt, mais je crois qu'il me plaît bien. Je ne pense pas avoir déjà des sentiments ou quoi que ce soit, mais ce qui est sûr, c'est que je passe vraiment de bons moments à parler et rire avec lui. J'ai hâte de le revoir.

Nos coeurs entaillésحيث تعيش القصص. اكتشف الآن