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Je n'ai rarement été aussi stressée que lorsque le dimanche où Eliott doit m'accompagner chez ma mère arrive.

Je suis arrivée à la gare de Poitiers avec quarante minutes d'avance pour être sûre d'avoir le temps de faire diminuer la pression avant qu'il arrive. Malheureusement, cette technique ne marche pas aujourd'hui. Subir les critiques de ma mère ou toutes les autres choses dont elle est capable en étant seule avec elle est une chose, subir ça devant une personne en est une autre. Je vois bien qu'elle fait réellement des efforts et va un peu mieux comparé à toutes ces dernières années, mais ça ne m'empêche pas d'avoir une petite voix dans ma tête qui me dit que ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle gâche tout et que tout redevienne comme avant. Je prie pour que, si ce jour arrive, je serai la seule à assister à sa rechute. J'espère donc qu'elle ne sera pas ivre quand nous irons là-bas avec Eliott.

— Tu es prête ? me demande-t-il en sortant du train.
— Oui. Non. Je ne sais pas ?

Eliott esquisse un sourire avant de poser sa main sur mon épaule. Ce simple geste suffit à me détendre.

Après être sorti de la gare et avoir été frappé par l'odeur de l'essence des voitures, on entreprend le chemin jusqu'à chez ma mère dans un silence total. Ce n'est pas le genre de silence pesant et gênant mais plutôt le genre réconfortant.

— Coucou An-An, lance ma mère d'une voix plus aiguë que d'habitude en nous voyant arriver.

Je pâlis instantanément en comprenant ce qu'il se passe et resserre mes poings pour me retenir d'exploser. Eliott semble le remarquer parce que je le sens passer discrètement sa main dans mon dos pour le caresser.

— Comment tu vas ma chérie ? me demande-t-elle. Et qui est ce beau jeune homme que tu as emmené avec toi ?

D'un coup, elle s'approche de moi et chuchote à mon oreille:

— C'est ton copain ?
— Mon dieu, maman ! Non !
— Oh ça va, on peut plus rien dire avec toi.
— Oui, d'accord, c'est de ma faute, encore.

Je jette un œil à Eliott qui semble gêné par la situation. Moi aussi, je le suis, plus que tu ne le penses... Pourquoi a-t-il fallu qu'elle replonge aujourd'hui ? Pourquoi pas demain ? Ou jamais ?

— Bonjour madame Thomas, ose-t-il. Je suis Eliott, le partenaire de travail d'Anna.

Ma mère se tourne vers lui et se met à l'observer de bas en haut.

— Enchantée, répond-elle d'un ton qui ne me plaît pas du tout.
— Bon, on s'attaque au travail ? demandé-je froidement.

Ma mère acquiesce avant de rentrer et de se poser sur un des sièges du salon.

— Alors, première question, commencé-je.
— Doucement Anna, doucement. On a tout notre temps, glousse-t-elle d'une voix mielleuse.

Je déteste quand elle prend cette intonation-là.

— Est-ce que vous voulez du thé ? nous demande ma mère. Je vais vous en faire.

En une seconde, elle disparaît dans la cuisine, me laissant seule avec Eliott.

— Je suis tellement... Mais tellement désolée... J'étais persuadée qu'elle allait mieux, et je... Je ne t'aurais jamais invité si je n'étais pas persuadée que ça pouvait bien se passer, et...
— Hé, me coupe-t-il. Tu ne pouvais pas savoir, ce n'est pas de ta faute. Tu n'as pas à gérer les problèmes de ta mère. Et par-dessus tout, je ne t'en veux pas le moins du monde. On va faire de notre mieux pour avoir les réponses dont on a besoin et on partira. C'est la dernière fois que l'on aura à faire ça, je te le promets, d'accord ?

Nos coeurs entaillésΌπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα