Chapitre Dix-sept

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Les émotions ne se contrôlent pas, ou du moins, moi je n'y arrive pas. Si quelque chose réussit à me contrarier, alors je ne peux pas mettre mes sentiments de côté : je fonce tête baissée, à mes risques et périls. C'est sûrement pour cette raison qu'on ne s'entend pas, lui et moi.

_ Je pensais que tu allais gagner en maturité avec le temps, mais c'est de pire en pire.

Au bout d'un moment, ses paroles ne m'atteignent plus. Je suis habitué à l'entendre me rabâcher sans arrêt la même chose. C'est bien pour ça que je ne rentre plus chez moi les week-ends, mais aujourd'hui c'est différent : mon paternel s'est pointé à l'école pour venir me parler en face-à-face. Je ne vous raconte pas la tronche que j'ai tiré lorsqu'une surveillante est venue me chercher en classe pour m'annoncer en privé la bonne nouvelle. Actuellement, alors que nous sommes dans la cafétéria du lycée, heureusement vide à l'heure-là, je préfère jouer avec l'anneau autour de mon pouce plutôt que de le regarder dans les yeux. 

_ Kloe m'a dit que tu avais simplement voulu la défendre, mais à mes yeux ce n'est pas une raison pour frapper quelqu'un.

_ Si on insulte ta fille de "pute", c'est pas une bonne raison pour toi ?

Il fronce ses sourcils broussailleux face à ce que je viens de dire, cette fois je le regarde. C'est dingue à quel point on se ressemble : sa mâchoire est aussi carrée que la mienne, son regard aussi sombre que mes yeux. Heureusement, je tiens mes cheveux bruns et mon nez concave de ma mère.

_ Ce n'est pas ce que je veux dire, et tu le sais. Il y a d'autres manières pour régler les choses.

_ Pardon, j'ai oublié que toi tu étais du genre à tout régler avec ton fric.

Je sais que je suis en train d'atteindre les limites de sa patience, parce que sa mâchoire se contracte et une petite veine commence à ressortir sur son front dégagé.

_ Gabriel, je suis venu ici pour te dire quelque chose. A la fin de ton semestre, tu vas quitter l'école.

_ Oui, je sais que je dois retourner chez vous. Sérieusement, t'es venu pour me répéter la même chose que la dernière fois ? C'est bon, j'retourne en cours.

Nonchalamment, je me lève de ma chaise sans lui adresser un dernier regard, bien pressé de m'en aller, loin de lui.
Cependant, la voix de mon paternel résonne à nouveau, ses paroles me figeant sur place.

_ Tu vas quitter ton école, je vais t'envoyer chez ton grand-père, tu vas vivre avec lui désormais. J'ai déjà préparé tous les papiers pour ta nouvelle admission. Tu n'es pas capable d'agir comme un adulte ici, ce sera l'occasion pour toi de reprendre un nouveau chemin une fois là-haut. 

Je ne sais même pas quoi lui dire, parce que je n'arrive pas à croire qu'il se débarrasse de moi comme ça, pour m'envoyer à l'autre bout du pays. Sa large main tapote mon épaule et c'est impuissant que je regarde sa silhouette quitter les grandes portes de la cafétéria. Quelque chose me brûle dans la gorge, je ne sais pas si c'est de la colère ou de la tristesse. Mes poings se serrent, mes ongles se plantent dans ma peau pour y laisser plusieurs petites marques en forme de lune.

J'ai envie de lui crier des insultes, qu'il n'est qu'un simple lâche, qu'un connard incapable de voir que je ne suis encore qu'un gamin. Je le déteste tellement que je sens mes yeux devenir humides. Pourtant, je refuse de verser une seule larme pour lui. La sonnerie qui annonce la fin des cours me fait revenir les pieds sur terre et je passe rapidement ma main sur mes yeux pour enlever toutes les traces de ma frustration. Comme je n'ai pas mon sac étant donné que je l'ai laissé dans la salle de classe, je m'empresse de quitter les lieux pour aller le récupérer, saluant brièvement les quelques élèves qui m'adressent la parole sur le chemin. J'ai du mal à cacher que je suis en rogne, que je veux tout envoyer en l'air, que j'ai envie de m'arracher la peau tellement que cette situation me retourne l'estomac.

La règle d'Or du cliché [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant