Dix-huit. ✷ Bataille de Troie.

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Juin 2022, Italie. ✷ SVEVA.

⸺ T'es vraiment bête, Suzie.

⸺ Quoi ? Ne me dit pas que ce n'est pas vrai.

Elle gloussa puis ses yeux sombres se posèrent sur Suzana Di Blasio. ⸺ Et pour être honnête, ils ne le sont pas autant d'habitude, mais ses pupilles nacrées, grossièrement dilatées à la vue de sa meilleure amie, donnent cette impression de noirceur. Ça doit être l'effet Suzana qui agit sur elle ; mauvaise influence que Sveva chéri. ( Sveva chéri ou Sveva chérie ? Son cœur se serre dans sa poitrine à la simple pensée de ce surnom affectif. Suzana laisse ses empreintes sur la mémoire de Sveva. Sveva aimerait qu'elle ne devienne pas un souvenir qu'elle ne déterre qu'une fois par an, comme sa grande sœur qui s'est fait dévorer par les nécrophores. )

⸺ Je ne mens pas, moi ! Donc je ne vais pas répondre à cette question.

⸺ Si tu veux Sveva, si tu veux...

Notre Suzie connaît parfaitement la réponse de la brune. ( Même si elle aurait aimé la lui soutirer, les lèvres pincées de Sveva lui apportent la satisfaction dont elle avait besoin ; ou du moins, c'est ce que Sveva tend à lui laisser croire car pour une fois, ses lèvres pincées ne cachent pas un sourire taquin qui fait frémir la commissure de ses lèvres pailletées, mais bien un sourire de façade qui camoufle le doute accroché dans sa gorge nouée, avant que la rancœur ne vienne lui voler sa place de sentiment préféré dans quelques temps. )

Suzie sourit. Ça fait battre le cœur de Sveva Cesare, un peu trop rapidement pour que cela soit platonique. Mais la brune souriante fait semblant de ne pas le voir. Comme toujours. Sveva a fini par comprendre que pour la grande sœur de Palmira, elle ne sera jamais assez. Qu'elle ne sera jamais la préférée. ( Pas comme elle l'aimerait. )

"Tu m'as toujours préféré à Federico, n'est-ce pas ?", qu'elle avait demandé. Sveva n'avait pas osé dire oui. Sveva n'avait pas osé dire non. Sveva Cesare est un peu perdue, en ce moment. ( En ce moment seulement ? Elle hausse les épaules, son regard fixé sur ses deux pieds hâlés par les rayons de Soleil. Sa franche empêche Suzie de croiser son regard brouillé par la honte. C'est pour cela qu'elle en a une. Pour avoir la possibilité de se dissimuler derrière, entre deux représentations enjouées. )

L'épaisse bague en or qui embellit son majeur gauche commence à s'oxyder. ( Suzana avait demandé à la brune qu'elle la porte sur ce doigt là. "Cela nous représente plus", que l'italienne avait dit. Svevani aurait peut-être aimé la porter sur son annulaire. Peut-être. Avant, quand elles avaient dix ans de moins, Sveva aurait été certaine de son choix. Mais elle ne l'est plus. Elle n'est plus certaine de vouloir appartenir à Suzana et ses lèvres carmins. Alors elle n'a pas répondu à sa question, car elle n'est pas certaine de la réponse. )

À Troie, la bataille s'arrête. Patrocle et Achille se regardent dans le blanc des yeux. Ils ne sont plus dans le même camp. Hector s'approche d'eux, passe son bras autour des épaules d'Achille. Il sourit légèrement. Son char solaire traîne un peu plus loin, sur le champ de bataille. Enveloppé dans un tissu imbibé de rouge, il entraîne Achille avec lui. ( Personne ne sait vraiment qui est le méchant, dans l'histoire. Il faut dire que nos héros de fortune font tout leur possible pour brouiller les pistes. Ils ont raison. L'antagoniste est souvent celui dont on se rappelle. La lumière blanche les attirent. Celle des projecteurs n'est pas assez forte. Pas assez, comme Svevani. Ça chiale dans les coulisses. Elle essaie de nettoyer le sang andrinople qu'elle a fait couler. )

✷ Smoke Signals.Where stories live. Discover now