Chapitre 3-3

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Pira

Dans la salle froide et silencieuse s'étalaient des dizaines de corps. Accroupie devant l'un d'eux, Ester semblait aussi immobile que les gardes allongés autour d'elle. Pleurant silencieusement, elle serra dans ses doigts la main glacée de son maître. Seule, déboussolée, désespérée, elle ne savait plus ce qu'elle devait faire. Qu'allait-il advenir d'elle à présent ? Doucement, Espérion la saisit par les épaules. La jeune femme se blottit dans ses bras et il l'enlaça avec tendresse.

— Viens, murmura-t-il. C'est l'heure.

Ester savait qu'il lui fallait partir. Elle ne serait plus là lors de la cérémonie de crémation et, bien que cela lui brisât le coeur, elle n'avait pas le choix. Se redressant, elle salua une dernière fois l'homme étendu au sol, lui faisant ses adieux. Enfin, tournant à regret les talons, elle quitta la pièce glacée, laissant la mort derrière. Devant, sa vie refusait d'attendre et il lui fallait se dépêcher.

Ils rejoignirent la prairie jouxtant l'académie. Déjà, un immense vaisseau apparaissait à l'horizon. Luvo aurait pu envoyer une navette, mais le garde suprême voulait montrer sa puissance. Sur l'aire d'atterrissage improvisée, Elio échangea un regard avec Astre. Cela servait leurs desseins.

Alors que le monstre de métal descendait lentement se poser sur la plaine, un petit chasseur quitta l'astroport. Le jeune roi le regarda s'élever dans les airs jusqu'à disparaître, accompagnant de ses voeux les deux passagers. Un bref soulagement l'envahit, rapidement effacé par l'ombre grandissante qui recouvrait la plaine. La première partie de leur plan s'était déroulée sans anicroche. Restait à espérer qu'il en soit de même pour la seconde.

Autour d'Elio, ses hommes attendaient, tendus. Prêts. Le vaisseau immobile, une passerelle se déploya lentement. Astre sauta dessus avant même qu'elle n'eut touché le sol, et monta à bord en courant. À l'autre bout, Luvo n'eut pas le temps de faire un pas que l'homme annonçait d'une voix de stentor :

— Le roi monte à bord !

Sitôt sa proclamation faite, Astre se tourna vers l'ouverture et s'agenouilla. Dans le large hangar, plusieurs rangées de gardes attendaient de débarquer. Disciplinés, ils n'hésitèrent pas et tous mirent un genou à terre. Furieux, Luvo fut obligé de suivre le mouvement. Tête baissée, le chef de la garde dissimula un sourire satisfait. Ils venaient de marquer un point décisif.

Elio s'avança sur la passerelle d'un pas lent et calculé, suivi de ses hommes, puis des apprentis en rangs serrés. Parmi eux, Ubio contemplait avec émerveillement l'intérieur du vaisseau qui se dévoilait petit à petit à ses yeux. Le froid et l'odeur métallique le saisit tandis qu'il avançait. La passerelle menait à un hangar immense, dans lequel les troupes royales s'étaient massées. Plus de neuf-cents hommes à genoux, têtes baissées, dans leurs uniformes d'un blanc éclatant, saluaient l'entrée de leur roi. Le vertige saisit le jeune apprenti, qui se rattrapa discrètement à son camarade. Espérion le regarda, inquiet, mais il secoua la tête.

Comment aurait-il pu lui expliquer le sentiment glaçant qui l'avait saisi à l'instant ? Il pouvait les voir, clairs et nets, ces fils qui les reliaient tous dans une toile aux contours impénétrables. Des nœuds se faisaient, d'autres s'effilochaient, certains cassaient même, mais chaque brin avait un rôle à jouer. Eux aussi participaient au dessin arachnéen qui mêlait toutes ces existences. Le cœur d'Ubio battait la chamade, tandis qu'un voile de transpiration se formait sur son front. Il s'essuya aussitôt, tâchant désespérément d'oublier son angoisse. La vision se dissipa aussi vite qu'elle était arrivée. Malgré tout, la peur étreignait toujours son coeur. Leurs jeunes existences résisteraient-elles à la pression qu'exerceraient bientôt sur elles leurs aînés ?

[Sous contrat d'édition] Les Syyrs - Tome 3 - La révélation de l'OracleOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz