💎Néo-Sphère💎

Depuis le début
                                    

L'épais nuage noir semblait grandir à vu d'oeil. S'il se mettait à pleuvoir, il serait perdu. Le blond le savait. Survivre à l'air empoisonné était une chose, mais survivre à l'eau du ciel... Mais aucune goutte ne tomba. La masse murmurait. Elle commençait à s'approcher dangereusement de lui. Alors enfin, il les remarqua. Les petits, touts petits, monstres ailés et leurs six ignobles pattes. Son pire cauchemar prenait vie. Nerisael se mit à courir, à fuir, le plus loin, le plus vite possible. Il courait pour sa vie. Mais c'était peine perdue. Les petites bêtes étaient bien trop rapides. Il trébucha. Elles l'encerclaient. Elles semblaient le dévisager, le juger. Était-il coupable de quelque chose à leurs yeux ? Il ne le saurait probablement jamais. Les insectes tournoyaient en une étrange danse autour de lui. Ils en devenaient presque hypnotiques. Finalement, ils s'éloignèrent du jeune homme sans même l'avoir touché. La nuée repartit haut dans le ciel. Cela confirma la crainte de Nerisael : il n'y avait plus de voile.

***

Le blondinet devait en avoir le cœur net. Il se précipita à travers la ville, jusqu'à la frontière la plus proche de lui, celle de l'ouest. Au bout de plusieurs minutes de course, il ralentit le pas. Le sport n'était vraiment pas fait pour lui et il commençait à avoir un point de côté. Il se tenait les côtes et respirait bruyamment tout en continuant de marcher jusqu'au mur externe. Enfin, il l'atteignit. Ou plutôt, il atteignit ce qu'il en restait. En effet, le mur était tombé. Les pierres épaisses de la plus ancienne fortification du monde connu étaient éparpillées au sol. Certaines avaient même été réduites en poussière. Nerisael se demanda quel genre de force avait pu provoquer un tel résultat. Le mur tenait depuis des temps immémoriaux ! On racontait aux enfants qu'il avait été bâti après la chute du monde, le jour où les derniers hommes s'étaient rassemblés ici. Le jour où le soleil s'était effondré.

Alors que le jeune homme commençait à crapahuter à travers les gravats, un cri retentit derrière lui. Il se retourna vivement et aperçut une forme humanoïde courir vers lui. Il l'aperçut seulement car les insectes s'étaient regroupés autour et ne laissaient plus rien voir de la personne effrayée. Nerisael se rua vers les monstres bien qu'ils le dégoutaient au plus haut point mais il n'eut pas le temps d'arriver que la masse s'envola à nouveau. Il n'y avait plus personne. Les bêtes l'avaient dévorée. Alors pourquoi pas lui ? Qu'avait-il de si différent pour que les insectes l'épargnent ? Ou bien ils jouaient ? Nerisael avait vu au musée que certains animaux jouaient avec leurs proies avant de les dévorer parfois agonisantes mais encore vivantes. Mais dans son souvenir, il s'agissait de félins. Et les insectes n'étaient pas des félins, et inversement. Alors quoi ?...

Le jeune homme s'approcha de l'endroit où se trouvait la victime quelque instants plus tôt. Il n'y avait absolument aucune trace, aucun reste. Malgré l'impeccable propreté du sol, Nerisael eut un haut-le-cœur. Il venait de voir quelqu'un disparaître. Il venait d'assister à une mise à mort. Il détourna le regard. Ses yeux trouvèrent machinalement le mur effondré et ses jambes s'activèrent sans même qu'il n'ait le temps d'y penser. Il se dirigea à nouveau vers le vaste monde. L'au-delà de Néo-Sphère. De toute façon, il n'y avait plus de sphère et il n'y avait plus rien de nouveau. L'univers qu'il quittait pas à pas s'était écroulé avec sa muraille. Il n'en restait qu'une ruine lisse et imperturbable. Des écrans qui n'affichaient plus rien, des lumières qui n'éclairaient plus rien. Seulement des édifices qui tenaient debout comme si le temps s'était arrêté. Peut-être tomberaient-ils à leur tour, un jour. Et sitôt cette pensée traversa l'esprit du dernier survivant de Néo-Sphère, sitôt un bruit assourdissant résonna jusqu'à ses oreilles. Il se retourna et vit que, dans un grand fracas, le quartier des buildings avait disparu de l'horizon.

D'où il était, il aurait dû pouvoir voir le sommet des tours et pourtant, le ciel était étonnamment dégagé sur ce morceau de ville. Il était temps qu'il quitte les lieux. Nerisael pressa le pas, enjamba les pierres tombées, dérapa, heurta une énième roche, ouvrit sa main sur une saillie tranchante, s'arrêta un instant.

Les Contes de Maya [Recueil]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant