Chapitre 33

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Le silence les oppressa de longues secondes qui auraient pu être des heures. Andrea observa longuement la porte par laquelle Ali était sortie. Jilian sortit de sa sidération, et avec un temps de retard et sous des iris de feu, il quitta la salle à manger.

Dans son dos, il entendit :

— Sortez tous.

Les chaises raclèrent immédiatement le sol. Ça n'avait pas été un ordre ni une supplication, mais un murmure à mi-chemin entre les deux. Sans se retourner, Jilian se mit à courir pour rattraper Ali.

Elle n'avait fait que la moitié du chemin jusqu'à ses appartements quand il parvint à sa hauteur. Elle se tourna vivement vers lui. Ses émotions n'étaient pas retombées.

— J'aimerais rester seule.

Sans un mot de plus, elle le planta au milieu du couloir.

Il soupira longuement, une main dans les cheveux, peu certain de ce qu'il devait faire. L'idée émergea d'elle-même.

Confronter l'autre. Basculer de l'autre côté, dans ce lieu qu'il nommait sanctuaire. Tenter d'obtenir des réponses une bonne fois pour toute.

Un frisson lui remonta soudainement la nuque. Il sentit la présence d'Ézriel dans son dos alors il pivota.

Il savait que personne ne l'avait jamais regardé ainsi, avec ce mélange d'attraction, de fureur et d'attente. L'instant dura de longues secondes jusqu'à ce qu'Ézriel retire les mains de ses poches. D'un simple mouvement de tête, il l'invita à le suivre. Jilian prit une grande goulée d'air avant de lui emboîter le pas.

Les appartements étaient sombres, comme à chaque fois qu'il y mettait les pieds. Jilian se dirigea lentement vers l'établi encombré qui monopolisait l'espace. Le seul mobilier dans cet espace vide. Sur le plan de travail, il y avait de nouveaux objets démontés, des mécanismes d'horloge, des outils dont il ne comprenait pas l'utilité ; mais cette fois, son regard fut attiré par du papier froissé. Sous une pile de petits objets et de circuits imprimés se trouvaient des dessins. Tandis que Jilian se penchait pour tenter d'en apercevoir davantage, la présence dans son dos le fit tressaillir.

Son corps frustré, en état de manque, grondait de mécontentement.

Il se maudit intérieurement de s'être approché du bureau car il se retrouvait bloqué entre ce dernier et le vampire. Une fois encore, il se demanda pourquoi il continuait de se tendre inconsciemment des pièges.

Délicatement, la main d'Ézriel effleura son avant-bras jusqu'à son poignet, et d'un mouvement habile, fit sauter le bouton de manchette. Dans la lumière tamisée de la chambre, sa chair apparut. Jilian eut du mal à déglutir.

Il n'avait pas oublié.

Cette sensation de morsure, l'écho, l'intensité de l'effet sur son corps, la pulsation de son cœur...

Il ne pouvait pas succomber.

Il ne pouvait oublier le contre-coup qu'engendrait un tel acte : la souffrance, les tremblements, la folie, la sueur, le sang et les larmes.

Il avait tenu bon jusqu'ici, ce n'était pas pour que tous ses efforts s'arrêtent maintenant. Jilian dégagea rudement son poignet. Il crut pendant un instant que le vampire s'éloignerait, mais ce ne fut pas le cas, et une prise sur son épaule le força à pivoter pour lui faire face.

Il était déconcertant d'être aussi près de lui. Il y avait de la rudesse dans ses gestes, mais paradoxalement, une certaine forme de délicatesse. Jilian se laissa faire, sur la défensive. Il craignait un débordement de colère. Il put ressentir une culpabilité émaner du vampire quand ce dernier passa une main dans son cou.

Le Manoir - Tome 1Where stories live. Discover now