Chapitre 16

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Jilian se sentit pris d'un vertige. Il cligna des yeux et déjà, il ne la voyait plus. Le souffle court, les yeux écarquillés, il s'avança, pencha la tête sur le côté, et chercha la couleur de la robe, en vain.

La silhouette de Line s'était effacée comme un mirage.

Ça ne pouvait pas être une hallucination, ça n'en avait pas la forme, il ne pouvait pas avoir rêvé de ce moment. C'était impossible. Son instinct lui dictait que c'était réel.

Line était là. Elle était revenue, elle était parmi ces gens-là.

Il se tourna, affolé.

Il revoyait son corps, il revoyait le sang, il revoyait ses funérailles. Comment était-ce possible ? Et lui, aveuglé par la vengeance, il était devenu fou.

Tout prenait soudain un autre sens. La mort de Line, son emprisonnement, le contrat, sa venue au manoir. Il avait été choisi comme majordome, lui qui n'était personne. Ézriel était-il dans le coup ? Sinon comment avait-il pu reconnaître son collier ?

Un ricanement siffla à son oreille et Jilian sursauta.

Soudain un doute.

Un horrible doute.

— Est-ce que vous allez bien ?

Il se tourna vers Ali sans la voir, les poings serrés tandis qu'elle murmurait platement :

— Vous êtes malade ?

Il regarda encore la salle, ces visages, ce décor, leur beauté irréelle, leurs tenues exceptionnelles. Il sentait leurs regards. Cet endroit était un monde de mensonge.

Il ne l'aperçut pas. Il la chercha encore, prêt à fondre parmi les convives pour la rattraper. Partir, ce serait laisser Ali. Ses épaules retombèrent. Il ne pouvait pas faire ça.

Il ignorait pourquoi, mais l'idée de la laisser seule, sans défense, le mettait mal à l'aise.

— Je vais bien, je suis désolé de vous avoir inquiétée.

Il reprit sa place en se raclant la gorge. Dans sa poitrine, son palpitant ne se calmait pas. Son corps frissonnait, et il se passa une main sur le visage comme si tout le sang avait quitté ses joues.

Les doubles portes de la salle s'ouvrirent une nouvelle fois. La dernière famille arrivait et savourait l'effet d'être au centre de l'attention.

Jilian peina à se concentrer, l'esprit parasité par l'image de Line. Il mit quelques secondes à reconnaître l'appartenance de ces nouveaux individus à l'île de Roya-al, au sud-est de la mer d'Ennët. Une zone chaude entourée d'un lagon étincelant qui en faisait une île naturellement protégée contre les invasions. Les habitants vénéraient des cultes anciens de divinités à plusieurs bras et jambes, et possédaient les plus grandes réserves d'or au monde.

Leurs tenues étaient connues pour être excentriques. Chaque partie de leur peau tannée était entretenue par des crèmes à base d'or, qui rendaient leur épiderme aussi brillant qu'un soleil.

La personne qui s'avança en premier était plus grande et plus grosse que Joy. Sa jupe tintait de perles, de pierres et de pièces, une véritable musique à chacun de ses pas. Le haut de sa tenue ressemblait à une armure. Excepté ses cheveux, tout était doré, de sa peau à son regard, et sa hauteur la faisait surplomber cet univers qui paraissait bien fade devant ses oripeaux.

— Romi, l'interpella Andrea en s'approchant, bienvenue.

La différence de taille entre ces deux femmes était impressionnante. La nouvelle venue s'adressa à sa troupe dans sa langue.

Le Manoir - Tome 1Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt