Chapitre 22

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Il restait trois jours de festivité.

L'ambiance était survoltée, et Jilian se demandait si le manoir lui-même n'allait pas imploser sous la pression. Comment cette situation pourrait-elle encore tenir sans que personne ne s'entretue ? Ou pire, que tous les humains, y compris les domestiques, ne meurent ?

Jilian ne savait plus où il en était. Qui il était. Où était sa place dans toute cette histoire ? Il devait se rendre à l'évidence : depuis qu'il savait qu'il ne pouvait pas faire revenir Line, et qu'elle n'était pas devenue vampire, il n'était plus le même.

Il se dissociait.

Par moment, une bulle éclatait à la surface de sa conscience, et il se surprenait à n'avoir aucun souvenir d'avoir effectué tel geste, ou de se trouver dans telle pièce. S'il ne se transformait pas, alors pourquoi toutes ces sensations apparaissaient-elles ?

Il voulait des réponses, mais à présent, il avait presque peur de les découvrir. Ne restait que le danger, en permanence.

Il le sentait dans chaque fibre de son corps. La proximité de la mort le glaçait de l'intérieur, l'empêchait de dormir. Il ignorait les heures, les jours, il ne savait plus quelle sensation procurait le soleil sur sa peau, ni depuis combien de temps il était enfermé dans ce manoir.

L'autre était de plus en plus actif, comme si, à présent que Jilian, s'affaiblissait, il prenait le pas sur lui.

Il n'aimait pas se sentir aussi vulnérable. Le pire était son poignet qui le démangeait et les souvenirs de la morsure d'Ézriel. Il culpabilisait de repenser à ce qu'il avait ressenti. Au sentiment de plénitude. Il s'en voulait de se demander quel effet ça donnerait si ça devait avoir lieu, à nouveau.

Il se détestait d'être ainsi, pétri de doutes et d'envies inacceptables.

— Allons à la bibliothèque.

C'était elle, le plus inexplicable. Si Jilian baissait les bras, démuni, épuisé, au bord de l'effondrement physique et mental, Ali faisait preuve de nouveauté.

Elle paraissait plus éveillée. Ce n'était pas flagrant, mais parce qu'il était chaque jour et chaque heure à ses côtés, il s'apercevait de la différence. Dans des moments d'égarement, il se demandait si elle n'avait pas absorbé son énergie.

Ce qui reviendrait à l'accuser de le vampiriser, alors il s'ébrouait pour revenir à la réalité.

L'idée faisait tout de même son chemin dans sa tête.

Elle était spéciale. Il le sentait, il le savait, mais il ne l'expliquait pas. Même si elle lui absorbait son énergie d'une quelconque manière, il ne lui reprocherait pas. Tant qu'il lui était utile.

Aujourd'hui, elle tenait à se rendre à la bibliothèque, celle où ils n'avaient pas pu se rendre, la dernière fois. Jilian frissonna en repensant à l'agressivité de Sakura, et à la manière dont elle s'était jetée sur sa main.

Depuis, l'étrange arbre dans son rêve n'avait pas disparu. Quelque chose avait poussé après cette morsure, et l'autre l'empêchait de regarder de plus près ce phénomène extraordinaire.

L'autre ne dormait jamais, s'asseyait devant le piano sans y jouer, mangeait une pomme qui ne finissait pas. Était-il prisonnier de cet endroit ?

Ou en était-il le gardien ?

Jilian s'interrompit dans sa marche. Il n'avait encore jamais pensé à ça de cette manière, et il eut soudain le sentiment d'effleurer une réponse du bout des doigts.

Il se passa une main dans les cheveux avant de se rendre compte qu'Ali avait continué son chemin sans l'attendre. Il s'apprêtait à courir pour la rattraper quand il aperçut deux yeux jaunes le fixer.

Le Manoir - Tome 1Where stories live. Discover now