Chapitre 7

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L'épouvante marquait les traits de Max. Ses yeux écarquillés lui donnaient l'air d'un fou, et la pâleur de son épiderme, celui d'un fantôme. Il accrochait si fort son avant-bras que Jilian s'arracha un cri de douleur.

— On doit partir ! Tout de suite !

L'urgence générait une panique qui emplissait la chambre, et Jilian chercha à se libérer de sa poigne, en vain. Son cœur tambourinait à vive allure.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?

Max sortit de sa poche un communicant blanc, reconnaissable entre mille. Jilian battit des paupières, estomaqué. Appartenait-il à la jeune fille ou à la grand-mère ? L'une d'elles l'aurait-elle donné à Max, ou l'aurait-il pris par la force ? La situation lui échappait et il se sentit contaminé par la peur viscéral de l'autre.

— On part. Maintenant. Ça ouvrira sûrement les portails, on doit essayer, c'est notre seule chance !

— Max, qu'est-ce qui se passe ?

Il avait l'air dans un état second, et Jilian ne le voyait qu'à la lueur des bracelets communicants phosphorescents. Les ombres le rendaient hideux, et il avait ce regard fixe, écarquillé, tellement perturbant que le jeune domestique ne se sentit pas à l'aise de se retrouver seul avec lui dans sa chambre.

— Ce sont des monstres...

Sa voix n'était qu'un murmure, soufflé du bout des lèvres comme si une malédiction pouvait s'abattre à tout instant.

— Tu... Tu comprends... Ces gens, ces propriétaires, ces... Ils ne sont pas humains, ils... font des choses... Ils...

Il perdait ses moyens, et sa détresse, sa vulnérabilité, lui conféraient un nouveau visage. Il paraissait tellement jeune. Max se rembrunit, avec une telle violence que Jilian sursauta quand il hurla :

— On doit s'en aller ! Tout de suite ! Avant qu'ils nous trouvent !

Il se sentit tiré en avant, arraché à son lit sans pouvoir se défaire de la poigne de son acolyte. Il dévala les escaliers de la demeure des domestiques, et traversa les couloirs jusqu'à la grande salle à manger, vide, à cette heure-ci. Max ouvrit la porte qui menait à l'extérieur, mais Jilian recula.

Il parvint à arracher son poignet de la main glacée de l'autre et tituba en arrière avant de se cogner contre un banc.

Dans la pénombre, le seuil électronique qui enregistrait les entrées et les sorties apparaissait en une fine ligne rouge. Invisible de jour, menaçante la nuit.

— Qu'est-ce que tu fais ? persifla Max.

— Je ne peux pas... Je ne peux pas sortir. Le seuil, il sonnera... Je n'ai pas le droit.

— Il faut qu'on s'en aille !

Sa voix était vibrante, méconnaissable.

— Tu avais dit que tu viendrais avec moi !

— Je...

Est-ce qu'il voulait vraiment partir ?

Est-ce qu'il voulait y croire ? Croire que les personnes qui habitaient ici pouvaient être des monstres ? Ce manoir lui donnait froid dans le dos, n'était-ce pas là une preuve nécessaire ?

Mais lui, il n'était pas en danger, n'est-ce pas ?

Il repensa au contrat, à ce que Deirdre avait laissé supposer, à l'extérieur, aux conséquences de cet acte, et il se laissa contaminer par l'inquiétude. Pourquoi devait-il suivre son camarade qui l'avait autant dénigré ces dernières semaines ? Quelles preuves avait-il de ce qu'il avançait ?

Le Manoir - Tome 1Where stories live. Discover now