Legend of Shapeshifters (T1)

Chapitre 8 : Venatio

Légère comme une plume, le cœur gonflé de joie, Elv vagabondait dans le quartier de l'Amarok. De nouveau seule, elle pouvait s'arrêter plus longuement devant les artistes, et échanger quelques mots avec eux. La jeune shapeshifter était née dans le quartier de Waheela, non loin des cabanons abritant les points de rendez-vous des braconniers. Ainsi, elle n'avait jamais eu le droit de sortir seule, d'aller s'aventurer trop loin de la maison.  

Pourtant, ce n'était pas dans cette partie de la ville qu'elle souhaitait se perdre. Elle ne cessait de ressasser la question de Wade  : "Vivre dans le Minotaure ou le quartier sectaire ?". Elle qui avait soif d'aventures et de rencontres,  ne pouvait s'empêcher de tourner son regard vers l'Ouest et se demander ce qu'il en était de ce mystérieux quartier. Elle se souvenait que son grand frère lui racontait des légendes à propos de ce pâté de maisons, que derrière ces hautes grilles en fer se cachait un monstre aux grandes dents. Et au lieu de le réprimander, leur mère alimentait plutôt ce mythe, pour être sûre que ses enfants ne s'y glissent pas une nuit.

Mais Elv n'était plus une enfant. Plus la rouquine avançait vers l'Ouest, plus le décor changeait. Rapidement, il n'y eut plus de foule, plus d'artistes, seulement de la musique qui résonnait encore en écho. Elle accéléra le pas. Elle espérait que le coin qu'elle cherchait en valait la peine. Et s'il s'avérait que le mythe de son enfance était empreint de vérité, elle se changerait en belette et grimperait sur les toits. Elle observerait d'en haut le spectacle.

Brusquement, la progression des modestes cahutes s'arrêta. Devant Elv, se dressait une palissade hérissée de barbelés. Elle resta bouche bée devant la délimitation si claire entre les deux quartiers. D'un côté, des huttes en torchis, de l'autre... Des manoirs. Derrière la barricade, s'élevaient avec puissance et grandeur d'immenses demeures. Des chalets en rondins de bois et en granit surplombaient superbement la ville. Décidée, Elv reprit la marche. Le soleil commençait à décliner. Elle longea la barrière et tomba finalement sur un portail en métal rouillé. On disait du quartier sectaire qu'il était impénétrable.

Mais à la grande surprise d'Elv, le portail était entrouvert. Elle ne réfléchit pas bien longtemps et se faufila à travers les battants. La rue qui s'offrait à elle était déserte, calme et d'une propreté inquiétante. Le bois des habitations brillait à la lueur du soleil. 

« Eh ! Toi ! Reste où tu es ! »

Elv tressaillit. De l'angle d'une maison avait surgi une femme immense, bâtie comme un taureau. Elle s'approcha dangereusement.

« Qu'est-ce que tu fous là ?! » Aboya-t-elle.

Troublée par cette agressivité, Elv ne répondit pas. Deux autres individus apparurent, et à trois, ils encerclèrent l'intruse.

« Réponds ! Tu sais pas que c'est interdit de venir ici ?

- Mais arrêtez de crier ! C'était ouvert. »

Le femme jeta un regard noir vers son acolyte, sûrement celui qui était censé garder la porte. Brusquement, elle saisit Elv à la gorge.

« C'est pas une raison. Dégage de là sale bête.

- Arrêtez de m'insulter enfoirés ! » S'écria Elv, une lueur de rébellion dans les yeux.

Une douleur vive se saisit de sa joue droite. Elle gémit, et percuta le sol avec violence. Dans quoi venait-elle d'être embarquée ? Qu'était cet endroit ? Avant qu'elle ne puisse se relever, on lui saisit les cheveux, et on la traîna jusqu'au portail. Quelque chose se mit à bouillonner dans le ventre de la jeune fille. Une rage sourde et révoltée. Enfin lâchée, elle se redressa, et dans un dernier accès d'insolence, cracha sur les chaussures de son agresseur.