Legend of Shapeshifters (T1)

Chapitre 1 : Le Conseil d'Ewilem

En douze saisons de loyaux services, Occidor n'avait jamais modifié son chemin pour se rendre sur son lieu de travail. Dans la capitale, Ewilem, il préférait les longues avenues boisées et bondées aux ruelles sinueuses qui se glissaient entre les bâtisses. Pour ce changeur de peau, capable de passer d'un corps humain à la forme farouche d'un chat, descendre l'allée de son quartier était non seulement une habitude, mais aussi un plaisir. Ainsi, il croisait chaque jour ses voisins qui eux se rendaient soit dans la forêt pour une matinée de cueillette et de chasse, soit dans les quartiers en contrebas pour travailler. Des chevaux, des cerfs, des chiens, des lièvres, des hommes... Toutes les formes défilaient dans les rues, s'ignoraient ou se saluaient, accoutumées à cette vie urbaine et collective.

Ils étaient en l'an 53 de leur ère, et la société des shapeshifters semblait prospérer.

Après avoir tourné dans une dernière rue, Occidor arriva devant de hautes grilles fermées et tenues par deux gardes : un homme armé de sa lance et un ours de ses dix griffes. Le petit shapeshifter, enveloppé dans sa toge rouge vif, fit briller la broche dorée sur son épaule. Les gardes inclinèrent la tête en signe de respect et laissèrent passer le sénateur.

C'était un élégant regroupement de chênes et de merisiers, percé par un chemin de terre qui menait à son centre. En cette saison printanière, les arbres laissaient éclore leurs bourgeons et l'air embaumait d'un doux parfum. Occidor suivit le sentier, et enfin, parvint à la salle du Conseil.

Un grand bâtiment, tout en longueur, protégeait une petite clairière surplombée par les branches des chênes. Elle était ronde, tapissée d'une herbe verte, baignée dans la lumière du jour. Mais surtout, elle abritait des bancs en bois, disposés en amphithéâtre autour d'un promontoire. C'était le siège politique d'Ewilem, la capitale de la terre des shapeshifters. Sur cette place, les membres élus par suffrage universel venaient débattre et décider des lois et des projets pour la ville. Ce n'était pas seulement une clairière chargée de symboles, c'était le lieu de réunion des êtres les plus influents et les plus puissants de cette terre.

« Bonjour Occidor. »

L'intéressé hocha la tête.

« Bonjour Alastor. »

Assis sur un banc non loin du promontoire, Alastor était l'un des plus vieux sénateurs d'Ewilem. Il approchait la soixantaine et allait bientôt fêter ses trente ans de service au Conseil. Par conséquent, c'était l'un des politiciens les plus respectés. Son tempérament doux et sage l'aidait en ce sens. Avec son crâne dégarni, ses cheveux blancs et son ventre rond, il avait une apparence inoffensive de doyen de famille. Occidor salua les autres membres déjà présents et vint s'asseoir aux côtés du vieil homme.

Ils étaient tous vêtus de la toge traditionnelle des politiciens. Celle du Conseil d'Ewilem était teinte en rouge, tissée par un tailleur pour les plus riches, récupérée et retaillée dans un drap pour les autres. La broche dorée qui tenait le tissu était, elle, un objet précieux récupéré dans les ruines et légué de membres en membres. Cet habillement, plus qu'un vêtement, était un symbole de pouvoir. 

« Commençons, décida un bouc qui portait sa toge autour du poitrail. Occidor, vous deviez nous parler du traité renouvelé avec Venatio.

- Tout-à-fait ! » Sursauta-t-il.

Il se leva de son siège, sous l'œil bienveillant d'Alastor à ses côtés.

« J'ai rencontré l'un de ses représentants il y a deux jours, fit-il haut et fort. Nous avons pu retravailler sur le Traité de paix entre Ewilem et le quartier sectaire de Venatio. Ils ont répété, bien sûr, qu'ils ne voulaient aucun habitant extérieur sur leur secteur, et que toute transgression serait punie par leurs propres lois. En échange, ils ne dépasseront pas leurs frontières.