13. La Tête d'Or

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XIII.


Ansol d'Elgara, jour quatre.

On m'a attribué une plus grande chambre qu'à mon arrivée et j'ai désormais de quoi voir par-dessus toute la ville. Je ne sais pas pourquoi j'ai été guidée jusqu'ici. Rien n'est clair.

Dès l'aube, on vient me réveiller pour rejoindre les autres alchimistes. Ceux qui me méprisaient encore quelques jours plus tôt se voient désormais me prêter leurs propres manuscrits.

On me parle de médecine plus poussée que celle pratiquée en général, de traitements plus approfondis, plus puissants. J'entends que la situation est de plus en plus urgente et tous viennent confirmer la rumeur.

Le roi est souffrant, mais je ne sais encore de quoi.

Mes questions ne sont pas toujours les bienvenues. Ce qu'on veut, c'est mon savoir sur les toxines et les potentiels bienfaits de celles-ci. Voir si un venin peu renforcer l'effet d'un remède, si le poison peut apporter à leur science un nouvel ingrédient capable de peut-être faire des miracles.

Ce qu'on veut, c'est que j'apporte à leurs projet cet œil dangereux et critique que personne ne possède.

Ce matin, des alchimistes on mentionné l'état inquiétant du roi et je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter. On dit que les Collecteurs n'ont pas quitté ses quartiers depuis deux jours ; qu'il a les yeux vitreux et le souffle atrocement court. Plus déroutant ; on dit que sa peau est si fine et mole qu'elle a recommencé à s'accrocher au tissu de son vêtement.

Recommencer.

Cette situation se serait donc déjà produite auparavant ? Quel mal pouvait bien produire une telle réaction ?

Je sentais l'urgence grandir de jour en jour et je ne comprenais toujours pas pourquoi.

Aujourd'hui, j'ai enfin posé la question au seul alchimiste ne me regardant pas comme une idiote. Il m'a laissé l'appeler par son prénom, Kai, et m'a répondu.

Le roi Poseus souffre d'un poison. La vieillesse.

Et nous sommes ici pour l'aider à freiner la mort. Tel est le luxe dont peut bénéficier un souverain. Là furent les seules réponses que l'on m'apporta.

J'écris donc ces lignes avec cette même et puissante confusion. Comment pouvions-nous nous atteler à un tel projet ? N'y avait-il donc personne au sein de ce château capable de raisonner sa Majesté ? Aucune médecine ne pouvait empêcher l'inévitable.

Et bien qu'étrange et physiquement déconcertant, je ne l'imaginais pas autant aux portes de la mort. Il était certes visiblement plus vieux que les Collecteurs, mais je ne le voyais pas dépasser l'âge de Kai qui lui approchait la soixantaine.

On attendait de nous un miracle, une potion capable de l'impossible. Mais tous semblaient conscients de la chose et s'exécutaient malgré tout, sans requestionner les demandes du roi.

Je suis donc dans un combat contre la mort, alors que je tente depuis si longtemps de la fuir.

Enfin, j'en viens au point le plus fort de ces derniers jours.

Je n'ai jamais ressenti autant de crainte et de haine en même temps. Les représentants du Deux me terrorisent. Le garçon qu'on m'a demandé de soigner lors de mon test ne serait en fait qu'un malade parmi d'autres. Il y a bel et bien un mal qui grandit dans les villages voisins et personne n'est encore capable de l'identifier. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agit pas d'une seule et même maladie.

Les Mouettes aux Ailes RougesWhere stories live. Discover now