7. Hostile

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VII.


— Ansol ! s'écria Darya en courant.

Marchant d'un pas lent, l'alchimiste déambulait dans les rues désertes d'Elgara. Plongée dans l'obscurité de la nuit, sa silhouette trempée s'avançait sans but. Mais lorsque Darya la retrouva enfin, celle-ci s'élança vers elle l'air grave.

— Je t'ai cherché partout !

Ansol avait le visage couvert de crasse, les cheveux humides et emmêlés, et le regard dénué de toute vie.

— Q-Que s'est-il passé ? Parle-moi ! Pourquoi es-tu dans cet état !?

Et tandis que Darya entraina la jeune femme avec elle, son bras l'entourant fermement, l'alchimiste semblait encore ailleurs. Sa peau était encore tachée du sang de Hani. Les yeux verrouillés sur ce point invisible, elle pouvait encore voir la créature se matérialiser devant elle.

Ansol revenait d'un périple impossible à expliquer ; un enfer dont elle trouva néanmoins la force de sortir. Elle remonta finalement ce labyrinthe de souterrains pendant deux longues heures sans jamais se retourner. Elle prit machinalement la route face à elle et ne s'arrêta plus de marcher, ignorant les cadavres éventrés des soldats et leur expression d'horreur toutes figées par la mort. Et finalement, lorsqu'elle se retrouva au bout de cet énième tunnel, elle grimpa cette autre longue échelle face à elle et sortit par chance de son trou.

Son esprit était encore prisonnier de ce prédateur aux écailles. Ses souvenirs étaient maculés d'un sang qui n'était pas le sien. Son âme abritait des voix d'un monde profond et terrifiant.

— Il faut qu'on te réchauffe, tu risques de sévèrement tomber malade !

Les deux se précipitèrent à l'intérieur d'un bâtiment aux briques rouges donc Darya possédait visiblement les clés, et celle-ci poussa aussitôt Ansol à s'asseoir. Elles se trouvaient dans une petite pièce où cheminée et casserole chauffaient à faible intensité.

— Où sommes-nous ? fit doucement la rescapée en observant lentement les alentours.

— Chez moi. Enfin, plutôt chez un vieil ami. Ne t'en fait pas, tu es en sécurité.

Le vieil ami en question, encore bien jeune et bien bâti, apparut soudain depuis une autre pièce, un manche à balai à la main qu'il tenait levé en l'air, et les dévisagea toutes les deux.

— Bon sang, c'est toi ! Je t'ai dit de ne pas venir sans t'annoncer, surtout la nuit !

— Qira, j'ai besoin de vêtements propres et d'une serviette !

L'homme aux cheveux blonds et courts s'approcha et contempla Ansol. Il ne s'attarda ni sur la crasse, ni sur le chiffon de ses vêtements. Il n'avait d'yeux que pour le sang de son visage.

— Elle est belle, dit-il simplement à Darya.

— Et elle a besoin de linge sec et chaud, idiot ! s'empressa de répondre celle-ci comme pour le presser.

Il s'exécuta et réapparut avec une corbeille en osier sous le bras.

— Je n'ai rien qui puisse aller à cette petite dame. Tu sais que je n'ai pas encore de femme qui...

— Merci, la coupa Darya en s'emparant de la longue robe de chambre blanche et du chiffon que son ami lui apporta.

— Où t'es-tu fourrée ? Je ne connais pas un endroit qui puisse te mettre dans un état pareil ! continua alors celle-ci en essuyant grossièrement la figure de la jeune femme. Où est Hani ?

Sa question vint frapper Ansol en pleine poitrine et elle revit le temps d'un instant le cœur de la voleuse se faire arracher sous ses yeux.

— Elle est partie.

Les Mouettes aux Ailes RougesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant