9. Poison

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IX.

Le soleil avait disparu et le vent commença à se lever. Lancée à toute vitesse en direction de l'ouest et de son intriguant lac, la jeune femme ne regardait plus que droit devant elle.

Va le plus vite possible !

Persuadée d'avoir évité de justesse un drame qu'elle croyait encore évitable, elle ferma les yeux un moment et laissa la vague de cette brise lui emporter l'esprit. Son cheval dévalait d'immenses plaines d'herbes sauvages, de terres battues, avant de finalement rencontrer les hautes friches de terrains encore inconnus de l'alchimiste. En l'espace d'une heure, la nuit recouvrit complètement son monde, sa pesante obscurité enveloppant Ansol et sa monture.

Elle ne ralentit que lorsqu'elle attegnit un abri abandonné et s'y arrêta jusqu'au lendemain.

Mais elle ne dormit pas. Impossible. Le noir était porteur d'un mal qu'elle ne connaissait que trop bien. Et soudain, elle redevint cette petite fille aux cheveux atrocement courts qui chaque soir se cachait par peur de représailles. La jeune femme était pétrifiée à l'idée qu'on la traque, qu'on la prive de sa chance de vivre.

Elle sombra finalement dans un court sommeil, son corps incapable d'en endurer davantage. L'adrénaline avait dévoré son énergie, et la peur son âme. Ansol n'avait plus de quoi garder ses yeux ouverts.


* * *

L'humidité écrasante des environs et les premiers rayons du soleil la ramenèrent soudain à elle. Dans un sursaut, elle reprit ses esprit et se précipita hors de son abri. Son cheval n'avait pas bougé. Son sac était toujours avec elle. Aucune menace en vue. Alors, elle s'accroupit et pris sa tête entre ses mains.

— Concentrons-nous, se dit-elle tout bas. Ne mélangeons pas tout.

Elle refusait de laisser la peur la consumer. Sa curiosité, sa passion et sa science devait continuellement passer avant tout. Elle ne vivait plus que pour ça.

Elle se rinça le visage, fit un rapide brin de toilette avec l'eau de sa gourde, et reprit sa route, sa carte pliée entre ses mains.

Clouée à sa monture, elle parcourut l'ouest sans presque jamais s'arrêter ; traversa plaines interminables et petits villages encore inconnus, et vis petit à petit le temps changer.

Incapable de se situer plus que ce qu'elle pouvait deviner en lisant cette brève carte de l'île, Ansol commença à se demander si tout ceci n'était pas un dangereux coup de folie.

Le soleil était de nouveau sur le point de disparaitre, et elle ralentit finalement. Son cheval avait grandement besoin de repos et la faim commençait sérieusement à la ronger. Elle était partie dans la précipitation et la peur, n'emportant avec elle que les friandises autrefois achetées sur le marché avec Darya et un peu d'eau.

Le cheval avançait au pas et elle fut tout à coup confrontée au silence du monde autour d'elle. Il n'y avait absolument personne. Elle était seule.

L'air était différent. Iodé, lourd et parfumé, il lui rappelait soudain celui de sa région. Mais contrairement à ses terres, il n'y avait autour d'Ansol plus qu'un gigantesque terrain vague sans aucune vie. Peu sereine, elle donna un vif coup sur les rênes de sa monture et dévala une dernière fois cette énième grande plaine.

C'est trop calme, se dit-elle.

Les cheveux filant à toute vitesse à travers le vent, elle regardait constamment derrière elle. Et lorsqu'elle refit face au chemin devant elle, une sombre et tordue silhouette se dessina brusquement au loin.

Les Mouettes aux Ailes RougesWhere stories live. Discover now