Chapitre 24

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Je m'étouffe avec ma propre salive et ne peux m'empêcher de tousser

- Pardon ? Comment ça je suis la lumière ?

Ici, la terreur reprend doucement son chemin dans mes veines. Je sursaute quand ma main est possédée de nouveau. Mon cœur bat la chamade prêt à tout instant à prendre ses jambes à son cou. Une fine goutte de sueur glisse au centre de mon dos, me faisant ressentir de nouveau le froid de la demeure. "Je la vois en te regardant".

Je m'ausculte en tentant de n'oublier aucun détail, il n'y a pas l'ombre d'une lumière blanche émanant de moi. Je me force à ouvrir mon esprit, tentant de faire sauter toutes les barrières de mon inconscient. L'irréel est réel, je dois pouvoir le voir maintenant. Je ne vois rien d'inhabituel, je ne comprends pas comme la moitié des choses que j'observe ici.

- Excuse-moi mais qu'est-ce que tu veux dire par là ?

"Vous brillez, je suis à l'instar d'un papillon attiré par la lumière. Vous êtes un soleil me suppliant de toucher, de m'approcher. La seule barrière étant les tissus qui cachent votre éclat."

- Tu es prête à tenter l'expérience ? lui dis-je en lui tendant ma main. Je n'ai pas de tissu dessus.

Ma main tremble, il ne fait pourtant pas froid. La température n'a pas baissé depuis que je suis arrivée, ce n'est qu'une question de ressenti je le sais. Le stress est présent, j'ai l'impression d'être scruté dans tous les sens, de rentrer dans une arène et que l'on observe chacun de mes gestes. Cette anxiété se traduit chez moi par des frissons répétés et une chair de poule qui ne manque pas. J'analyse tout ce qui se passe, je ne veux louper aucun détail et pouvoir retranscrire tous les événements à la virgule près.

Rien ne m'échappe, un courant d'air devenant de plus en plus fort rentre par-dessous mon sweat. Je le sens bien, tout va bien se passer. L'auto-persuasion il n'y a que ça de vrai. Rien ne peut m'arrêter je vais continuer aussi fort que possible, même si je sens une boule d'angoisse se créer au fond de ma gorge. Rien ne peut m'empêcher d'avancer, je vais continuer à foncer dans le tas. L'angoisse fait dériver mes pensées, je pense automatiquement à mes frères qui me tueraient s'ils savaient ce que je faisais et où je me trouvais.

Une raison de plus d'angoisser même si ce n'est pas logique, je suis majeure et vaccinée, je peux prendre mes propres décisions. C'est décidé, ici même, à ce jour, c'est le signe de mon indépendance. Je tourne une page et je ne pourrais jamais revenir en arrière. L'angoisse ne diminue pas pour autant, j'ai tout de même un faible poids qui quitte mes épaules, me rendant heureuse. Je vois pour la première fois, cet événement non pas comme une fatalité mais la chance de vivre ma vie en me faisant plaisir avant tout. Je ne sais pas quoi faire de ma vie, ni même de mon futur. Plus je pense à mon avenir et plus je me dis qu'il est lié à cet événement. Rien n'a de sens... Et pourtant je tente de vivre comme si rien n'avait changé. Le passé est le passé... Maintenant c'est à moi de faire face à mon futur et de ne pas oublier d'aller vers l'avant. Rien ne pourra changer ma situation.

L'entité me regarde, nos regards se croisent et pendant quelques secondes nous communiquons sans aucun mot. La confiance est présente tout comme l'attente. Je prends une profonde aspiration et acquiesce avec la tête. Plus nos mains se rapprochent et plus je ressens une électricité, comme si un fluide passait entre nos deux corps, prenant mon énergie et la transférant au fantôme se trouvant devant moi. Ma chaleur corporelle semble se concentrer dans ma main, mon coeur pulse, j'ai l'impression de le sentir battre dans mes tempes.

Dès que nos mains rentrent en contact tout se brise. Une brûlure insurmontable me prend et me tordant de douleur. J'ai l'impression d'être en contact direct avec le soleil ou une lave en fusion. Par réflexe, je bondis en arrière en jurant. Dès que le contact est brisé, la douleur part ne laissant que la fatigue.

J'ai l'impression d'être une tomate séchée même ma gorge ressemble au Sahara. Lorsque je déglutis, il n'y a que de la douleur. La première idée qui me vient est de retenter l'expérience. Il peut s'agir d'une mauvaise chance, en testant de nouveau cela peut apporter un nouveau résultat. Je tente de m'en convaincre mais mon esprit refuse de foncer la tête baissée et de réagir de manière aussi butée. Je sais que tenter plusieurs fois la même expérience sans changer la moindre variable est proche de la folie. Et surtout, j'ai encore le souvenir de cette douleur extrême. Lorsque je lève les yeux pour voir la réaction de l'entité, je vois qu'elle ne me regarde pas. Elle est focalisée sur sa propre main, son regard pourrait la transperser si elle n'avait pas déjà cette faculté. Je m'éclaircis la gorge pour attirer son attention.

- Tu vas bien ? Cela n'a pas eu réellement l'effet escompté, n'est-ce pas ?

Pendant quelques secondes, je vois qu'elle me regarde sans pour autant me répondre; fronçant les sourcils et me montrant une direction. Le temps que l'information remonte dans mon cerveau, je la fixe de façon perplexe.

- Merde le stylo.

Je saute sur ma fiche et me prépare à noter sa réponse.

"C'était étrange."

- Pourquoi cela n'a pas fonctionné ?

"Je n'en ai pas la moindre idée."

- Tu n'as pas eu mal ?

"Absolument pas, au contraire, j'ai ressenti la chaleur pour la première fois depuis longtemps."

DRIIIIIIIIIIING.

L'alarme de mon téléphone me rappelle à l'ordre et me fait oublier tout ce que je voulais lui demander.

- Merde, je dois partir sinon Nic va paniquer et rappliquer. Je reviens très vite, c'est promis. On va réessayer. Tente d'obtenir un maximum d'informations de ton côté, lui dis-je en balançant toutes mes affaires dans mon sac et en le secouant dans tous les sens pour les rentrer.

Haunting MatWhere stories live. Discover now