Chapitre 23

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J'ai l'impression que tout est décuplé, toutes mes sensations, mes émotions... Je ressens tout, je n'arrive pas à mettre de mot sur le flot de sentiments qui me percute. J'ai comme l'impression que ma vue s'améliore, même si je ne décèle rien de particulier, aucune présence, je vois juste mieux dans l'obscurité. Je ne peux me résoudre à retourner au rez-de-chaussée, j'aurais trop l'impression d'abandonner cet esprit à son sort.

Il n'est plus question de doute, je sens cette présence et qu'elle veut parler. Il faut que je travaille sur ma patience. Pour l'instant, il s'agit plus d'un jeu du chat et de la souris que d'être médium, dès que je m'approche un peu, l'esprit part et semble se cacher. Sa présence n'est perceptible que lorsque j'exprime mon souhait de partir, comme si le simple fait de sentir ma présence lui suffit, après autant d'années de solitude.

Ce ne sont que des hypothèses, je n'ai pas encore eu de véritables échanges. Cet esprit doit avoir des nerfs d'acier pour écoute sans se plaindre toutes mes jérémiades. J'ai l'impression de perdre mon temps donc je décide de m'occuper l'esprit. Pour cela quoi de mieux que de sortir mes fiches de révisions et de réviser avec la petite lampe d'appoint que j'ai ramené spécialement pour cette occasion. Même si j'ai terminé mes études, il ne faut jamais se reposer sur ces acquis. Je veux me former quotidiennement pour ne rien perdre de mon niveau et surtout ne louper aucune avancée scientifique.

Je m'installe plus confortablement et commence ma lecture. Lors de celle-ci, je vois une petite erreur et me félicite de ne pas avoir plastifié mes dernières fiches. Je ne suis pas assez concentrée et je n'arrête pas de retrouver des coquilles dispersées un peu partout. Je prends donc le stylo que j'ai dans mon sac et je m'attelle à tout corriger. Je sens alors une légère pression, le stylo semble vouloir se mouvoir par lui seul, je tente de ne pas montrer mon enthousiasme. Je sors rapidement une feuille vierge et même si je suis exaltée dans cette avancée, il n'est pas question de gâcher ce que j'ai pris des heures à réaliser.

Je pose mon stylo sur la feuille blanche et le jeu de patience reprend. Après de longues minutes, je me rappelle d'Harry Potter et la chambre des secrets, au lieu de communiquer à voix haute, j'écris ma question en espérant ne pas rentrer en contact avec Tom Jedusor. "Bonjour je suis Mathilde. J'aimerais communiquer avec toi, tu en es capable ?". Le stylo s'anime tout de suite utilisant ma main comme un pantin.

Tout s'enchaîne assez bizarrement, je pose une question et la réponse arrive tout de suite. Plus je communique avec l'esprit, plus je le sens s'ancrer dans le présent. Je ressens une étrange sensation comme si des particules commencent à s'accumuler au fur et à mesure, reconstituant un corps. Je me retiens de toucher ce qui se dessine devant moi, pour vérifier que mon esprit ne l'imagine pas.

Je tente de lancer plusieurs coups d'oeil et je distingue qu'il s'agit d'une femme de la trentaine au maximum. Elle est habillée avec des vêtements anciens, notamment un corset que j'arrive à reconnaître avec l'explosion de celui-ci via la tendance Tik Tok. La personne à mes côtés devient de plus en plus visible, je peux dorénavant distinguer ses traits.

Je souhaite vérifier que je suis toujours éveillée et que je n'hallucine pas, pour cela je suis une liste mentale avec tous mes signes vitaux, j'aspire à plusieurs reprises pour calmer mon mal de tête qui commence à être présent. Je ne rêve pas, le stylo s'active toujours et cela même si je n'initie pas en première la question : "Êtes-vous semblable à l'ombre noire ?" me demande la femme.

Mes sourcils se contractent automatiquement d'incompréhension, j'écris sur ma fiche bristol sans réfléchir et en la murmurant au fur et à mesure : "Je ne connais pas cette ombre noire, de quoi s'agit-il ?" Mon stylo s'enflamme, griffe la page, je remarque que mon écriture n'est pas la même que d'habitude. Je ne sais pas comment cela ne m'a pas choqué. J'ai toujours eu une écriture propre et nette mais ici, c'est en italique. J'ai l'impression de retrouver les textes écrits dans des vieux journaux que l'on voit dans des musées.

"Il s'agit d'une personne qui possède la même capacité que vous et qui est apte à converser avec nous. Les personnes dans ma condition ne doivent surtout pas l'approcher."

Je retourne rapidement la feuille, la place manquant et ne souhaitant pas partir dans tous les sens pour relire l'échange à tête reposé.

"Pourquoi donc ?", mon poignet commence à souffrir, je tourne rapidement ma main vers la gauche pour enlever la douleur.

"Ce n'est rien de plus qu'un fableor. Il promet de nous faire passer de l'autre côté, mais ce n'est qu'un vil mensonge, il nous garde à son service et à ses côtés. Vous possédez les mêmes capacités que lui, pensez-vous pouvoir me faire traverser ?"

J'abandonne l'écriture et lui pose ma question à voix haute.

- Qu'est-ce qui te fais penser que j'en suis capable ?

Cela ne semble pas la choquer puisqu'elle me répond sans s'attarder en utilisant de nouveau ma main.

"Vous me voyez, vous en êtes forcément capable."

- Je ne pense pas... Je ne sais pas comment ça fonctionne. Je suis justement venue ici pour obtenir des réponses. Je ne voulais pas te brusquer et t'harceler avec des questions par centaines. Et pour l'instant, cela fonctionne tu m'apprends quelque chose sur cette ombre. Pourquoi il fait ça ? Je ne vois aucun intérêt de contrôler des...

Je cherche mes mots ne voulant pas la vexer, ni la faire fuir... Elle reprend ma main et complète ma phrase par elle-même.

"Fantômes. Vous savez, il ne s'agit pas d'une insulte."

Je commence à paniquer, la gêne montant doucement avec la rougeur sur mes joues.

- Je ne savais pas, si tu savais ce que tu étais.

Mes mimiques s'enflamment, mes mains deviennent incontrôlables faisant des gestes plus grands que nécessaire. Une douce pression me guide vers le papier me ramenant à la raison.

"Bien entendu, j'ai la faculté de passer au travers des murs."

Je ne peux cacher mon enthousiasme quant à cette nouvelle.

- Mais c'est génial ! Tu ne veux pas me montrer ? Ce n'est pas obligatoire hein !

"Ce n'est rien de bien compliquer. Il faut foncer sans réfléchir." Tout le poids que je ressentais sur mon poignet droit par d'un seul coup, me poussant à lever la tête.

Elle se lève devant moi, en prenant appui sur le sol, comme si cela lui servait vraiment. Celle-ci fonce dans le mur, elle disparaît quelques secondes et sa tête apparaît de nouveau à travers la cloison. Je ne peux rien faire mis à part laisser échapper un petit rire de joie et d'amusement, je recule en tapant dans mes mains.

- Extraordinaire, ça ne te fait pas mal ?

Elle revient vers moi en voletant puis se laisse tomber à mes côtés. Toujours avec une grande élégance, je vois sa main se diriger vers la mienne.

" Pas le moindre du monde."

- Excuse-moi, mais j'ai tellement de questions qui me viennent. Déjà comment tu t'appelles ? J'ai été complètement impolie, je suis désolée. Est-ce que tu peux sortir de cette maison ?

La sensation de chaleur reprend, m'interrompant dans toutes les questions que j'ai envie de poser.

"Je ne peux pas sortir de ma maison. Des entités en sont capables, elles sont déjà venues me rendre visite. Je n'ai jamais rien connu d'autres que cette demeure et j'en suis beaucoup trop attachée pour m'en éloigner."

- Et tu ne souhaites pas comment rejoindre l'autre côté ? J'ai cru comprendre qu'il y avait une sorte de lumière blanche qui devrait t'attirer.

Cet échange est très étrange à visualiser je pense mais pourtant semble si naturel. Je n'entends pas sa voix, je ne sais même pas son prénom mais pourtant je sens un lien de confiance se tisser entre nous. L'écriture apparaît sans même que je m'en rends compte.

"C'est vous la lumière blanche". 

Haunting MatWhere stories live. Discover now