80. Après la soirée

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Ils sont partis. Je les ai entendus. Je n'ai pas ouvert les yeux. Pas une seule fois.

Parce que tant que je n'ouvre pas les yeux, je peux me dire que rien ne s'est passé. J'ai fait un cauchemar. En réalité, je suis chez moi, dans mon lit. Je suis rentrée de la soirée en même temps que Mariam et je suis en plein sommeil. Je fais un mauvais rêve. Un très mauvais rêve. Je vais me réveiller d'un instant à l'autre et me rendre compte que je suis bien emmitouflée dans ma couette et que tout va très bien. Que je vais très bien.

J'ai beau me répéter ça en boucle, j'ai beau imaginer le moelleux de ma couette autour de moi, le froid et la dureté du sol me rappelle où je suis. Et ce qui vient de m'arriver.

De forts tremblements ébranlent tout mon corps. Ce n'est pas à cause du froid. C'est la peur. La sidération. L'angoisse. Je me roule en boule sur le côté et je reste immobile. Longtemps. Ma hanche me fait souffrir, plaquée sur le sol rugueux et glacial, mais je ne bouge pas. Je suis dans cette cabane. En pleine nuit. En pleine forêt. Perdue. Seule. Et j'ai mal. Je suis transie de peur. De froid.

Je réalise que je suis en train de pleurer en sentant les larmes couler abondamment sur mes joues. Je ne prends pas la peine de les essuyer, elles glissent jusque dans mes oreilles, elles inondent mon cou. Je ferme fort les paupières. Je me mords les lèvres. J'ai envie de hurler. Mais je reste muette, ma coix est bloquée dans le fond de ma gorge. J'ai l'impression de ne plus maîtriser mon corps. Il ne m'appartient plus. Ces garçons me l'ont volé.

Soudain, j'entends du bruit dehors. Des voix. Deux voix. Différentes des deux garçons qui m'ont amenée ici. Il faut que j'aille voir.

Je me lève lentement, j'ai les jambes en coton. J'avance à tâtons dans la cabane plongée dans l'obscurité. Je ne distingue pas grand-chose autour de moi. J'arrive près de la porte, elle était restée entrebâillée. Je la pousse légèrement. Les voix sont plus fortes. Je glisse ma tête et regarde à l'extérieur. D'abord, je ne vois rien, puis j'aperçois des ombres. Des silhouettes. De l'aide. Ils vont m'aider !

Je sors de la cabane et m'approche. Leurs voix sont de plus en plus fortes. Leurs formes se précisent. Ils sont deux. Face à face. Je comprends alors qu'ils se disputent. Très fort.

— Garde ça pour toi ! s'écrie l'un d'eux. Sois discret, bordel !

Je me fige. Ce n'est peut-être pas une bonne idée d'aller les voir. Je devrais faire demi-tour. Le bruit de mes pas, mes semelles crissant dans la neige les interpelle. Tandis que l'un se retourne dans la direction, le deuxième se met à courir, comme s'il profitait de l'inattention de l'autre pour s'enfuir.

Celui qui est resté et me fait face hurle :

— Qui t'es-toi ? Qu'est-ce que tu fous là ?

Mon corps se pétrifie. Mon souffle se bloque dans ma gorge.

Mes yeux n'ont mis que quelques millisecondes pour remarquer ce qu'il tient à la main.

Et pointe droit sur moi.

Une arme. 

Keep It QuietOù les histoires vivent. Découvrez maintenant