Keep It Quiet

29. Mariam

Au lycée, rien ne semble différer d'une journée normale. Les rires fusent, les éclats de voix s'élèvent, les cris résonnent. Ça et là, des grappes d'élèves se marrent, bavardent. On pourrait croire que tout roule comme d'habitude. Peut-être pour le reste du monde, mais pas pour moi. Car Juliette manque à l'appel.

Je sais que la nouvelle de sa disparition s'est répandue dans le lycée. En passant à côté de différents groupes, je capte des bribes de discussions. Le prénom de Juliette y revient fréquemment. Je suis certaine que c'est parce qu'elle a participé à la fête chez Leo. Lors de sa fugue, elle n'avait pas autant été le sujet de conversations.

Je grimpe au deuxième étage, en direction de la salle 212. Lorsque la cloche retentit, toutes les portes alignées s'ouvrent avec fracas. Une vague d'élèves surgit des salles de classe et se déverse dans le couloir. Je slalome parmi la nuée de lycéens pour atteindre la bonne salle tout en regardant à droite, à gauche, scrutant les visages en quête de Léa et Charlotte.

En arrivant devant la bonne porte, je repère un petit groupe posté un peu plus loin, près de l'escalier. Parmi eux, il y a Leo. Nos regards se croisent et instantanément, il affiche un large sourire chaleureux. Il m'adresse un petit coucou de la main, puis désigne de l'index deux filles qui bavardent un peu plus loin. Les deux personnes que je cherche. Je réponds à Leo par un pouce levé en l'air et je rejoins Charlotte et Léa.

— Salut les filles.

Elles se retournent d'un même mouvement. Elles me saluent, leurs expressions oscillant entre sympathie et curiosité. Charlotte parle la première.

— On a appris pour Juliette. Il paraît qu'elle a disparu. C'est bien vrai ?

— Ça l'est. Du coup, je voulais savoir comment ça s'était passé quand je suis partie avec Zac et Marie et que Juliette est restée avec vous.

Léa croise les bras sur sa poitrine et se gratte la tempe.

— Je t'avoue que j'ai peu de souvenirs de la soirée donc je ne vais pas pouvoir t'apprendre grand-chose...

— Juliette est bien restée avec vous ?

Léa opine vigoureusement.

— Exact. Ça, je m'en souviens !

— Qu'est-ce que vous avez fait ?

— On a discuté, je crois, répond Léa, hésitante.

— De quoi ?

Elle gonfle les joues et hausse les épaules.

— Pas la moindre idée.

Charlotte prend le relais.

— Pas mal du lycée, des profs. Un peu de musique et de films. J'ai dû couper court à la discussion quand mademoiselle Léa a dû être escortée.

La concernée lève un sourcil.

— Escortée ?

— Tu ne te souviens pas que tu avais bu plus que de raison ?

Léa se marre.

— Je l'ai su à cause de mon mal au crâne, samedi matin !

— Donc tu l'as escortée chez elle ? je demande.

Charlotte secoue la tête.

— Pour commencer, je l'ai accompagnée aux toilettes. Je ne te fais pas un dessin.

Je froisse le visage.

— Non, ça va. J'imagine très bien.

— Quand on est revenues dans le salon, Juliette était toujours sur le canapé, poursuit Charlotte. Elle discutait avec un gars.

— Qui ça ?

— Je ne connais pas son prénom.

— Tu le reconnaîtrais ?

— Oui, sans souci.

Je sors mon téléphone de ma poche, je le déverrouille et me contacte à Instagram.

Je tourne l'écran vers Charlotte et je fais défiler des photos de la soirée.

— Lui ! s'exclame-t-elle. C'est avec lui que Juliette parlait.

— Super, merci ! Et elle est restée longtemps avec lui ?

— Je ne peux pas te dire. Peut-être deux minutes, peut-être deux heures. Je ne l'ai pas revue avant qu'on s'en aille et que je ramène Léa chez elle.

Léa se frotte le front, sourcils froncés, comme si elle fouillait sa mémoire.

— Même notre départ de la soirée, je ne m'en souviens absolument pas. Je ne me revois que dans mon lit juste avant de sombrer.

Une nouvelle sonnerie résonne. Tous les élèves se mettent en mouvement autour de nous.

— Merci les filles. Si vous pouviez parler à la police, ce serait bien.

Léa secoue vivement tête et mains.

— Vu mon état lors de cette fête, ça ne risque pas !

Charlotte paraît sceptique.

— Parler aux flics ? Pour leur dire quoi ?

— Ce que vous venez de me dire. Il faut retracer la soirée de Juliette pour réussir à savoir quand elle en est partie et si elle était accompagnée ou non.

— Tu as raison, convient Charlotte.

Léa commence à marcher, toute leur classe étant déjà entrée dans la salle de leur prochain cours.

— Tu leur parleras ? j'insiste à l'attention de Charlotte.

Elle me répond par l'affirmative.

— Je vais le faire, même si, honnêtement, je ne crois pas que ça va servir à grand-chose.

— Tout élément peut servir, je conclus, juste avant que les deux amies ne s'éloignent.