23. En arrivant à la soirée

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Je regrette ma tenue. Ce débardeur est trop petit. Et trop serré. Depuis que je l'ai enfilé, il ne fait que remonter. Ça doit bien faire la vingtième fois que je tire dessus discrètement, en faufilant un bras sous mon manteau, puis sous mon pull, sinon Mariam me fera les gros yeux : elle m'avait prévenue que je ne supporterai pas ce haut plus de cinq minutes. Et je le porte exactement depuis trente minutes ; le temps du trajet entre chez moi et chez Leo, qu'on a parcouru à pied avec Mariam.

Du coup, j'ai le visage rougi par le froid et le nez congelé comme un glaçon. Je ne pense pas être vraiment à mon avantage, mais bon, on n'avait pas trop le choix. C'était soit le trajet à pied en trente minutes soit prendre le bus, mais ça voulait dire patienter quarante cinq minutes minimum (le bus, c'est pas toutes les cinq minutes ici) sans aucune certitude qu'il passe vraiment. C'est déjà arrivé à plusieurs d'entre nous d'attendre pour rien. Quand je dis que ce bled est pourri, ce n'est pas juste pour me plaindre. Il y a des faits qui appuient mes propos.

— Saloperie de débardeur ! je marmonne entre mes dents.

Je m'immobilise, entrouvre mon manteau et soulève mon pull. Le froid s'y engouffre, un frisson me saisit.

— Putain, putain, putain !

Mariam ricane en serrant son propre manteau contre son corps.

— Rien que ça.

Je me place dos au vent glacial, je cale le bas de mon débardeur par-dessous la ceinture de mon jean, histoire qu'il reste en place et tant pis si mon décolleté est maintenant plus que plongeant, puis je remets pull et manteau en place. Pourquoi me suis-je torturé l'esprit pour trouver une tenue si c'est pour finir avec quelque chose d'inconfortable ?

Ce pantalon que j'ai choisi ? Dois-je en parler ? Trop, trop étroit. Je ne l'ai pas mis depuis plus d'un an et ce n'est pas sans raison : j'ai pris du poids et une bonne taille. À moi, ça ne me pose aucun souci mais à mes anciens vêtements, oui.

En un mot, je me sens boudinée. Boudinée de partout. Mais dans ce bled de merde, les pauvres magasins de vêtements qu'on trouve sont vieillots et hors de prix. Il faut se rendre à perpet pour dénicher des fringues convenables. Trop pratique.

Bon sang, j'aurais vraiment dû écouter Mariam. Cette tenue ne me va pas. Et me gonfle déjà. Mais tant pis pour moi, ça me servira de leçon pour la prochaine fois. Maintenant que la majestueuse villa de Leo n'est plus qu'à quelques pas, plus question de faire demi-tour. Si je retourne chez moi, je n'aurais pas la force d'en repartir, le froid est trop prégnant. Et cette fête, je veux en être.

On arrive enfin devant l'immense maison de Leo. J'en avais entendu parler mais la voir en vrai, c'est impressionnant. La porte n'est pas fermée à clefs, mais pour la forme, on sonne. On n'est pas chez nous, quand même.

Je passe le seuil de l'entrée à la suite de Mariam. L'intérieur est plein à craquer et la musique joue à plein régime. Mariam regarde autour d'elle, les yeux écarquillés. Moi aussi, j'hallucine. Quelle baraque ! C'est gigantesque. Rien que le salon dans lequel on pénètre fait la taille de ma maison.

La chaleur est presque insupportable, tous les chauffages doivent être à fond, ce n'est pas possible autrement ! J'enlève mon manteau et mon pull. Mariam m'imite aussitôt. J'observe autour de moi, à la recherche d'un endroit où déposer mes affaires.

— Hé, bonsoir les filles ! s'exclame une voix masculine derrière nous.

D'un même mouvement, Mariam et moi on se tourne. Leo nous fait face, un grand sourire aux lèvres.

— Ravi de vous voir ici.

— Encore merci à toi pour l'invitation.

— Merci à vous ! Ma mère était enchantée de son cadeau. Ça n'aurait pas été le cas sans votre aide.

Je me frotte le menton, faussement songeuse.

— Tu as raison, d'ailleurs, je crois qu'il faut au moins une dizaine d'invitations à tes fameuses fêtes pour être quittes.

Leo éclate de rire.

— T'es maligne, toi !

Il pointe le doigt vers une pièce.

— Là-bas, vous avez une chambre où laisser vos affaires si vous voulez et de l'autre côté du couloir, il y a la cuisine. Vous trouverez votre bonheur en boisson. Alcoolisé et non alcoolisé, il y en a pour tous les goûts.

— Merde, on n'a rien apporté ! je lâche à voix haute.

Mariam fait la grimace. Elle réalise la même chose que moi : on est clairement venues en touristes. Leo balaye mes mots d'un grand geste du bras.

— Pas besoin ! J'ai tout ce qui faut.

— Mais arriver les mains vides, c'est malpoli, j'insiste. Je suis désolée.

— Arrête, je te dis que ça pose aucun souci. Personne n'amène jamais rien.

— Ce n'est pas une raison. La prochaine fois, on viendra les mains pleines, OK ?

Mariam me jette un regard en coin, un sourire aux lèvres. Leo se marre.

— Tu ne perds pas le nord, toi, hein ?! Vois déjà si tu passes une bonne première soirée.

— Je n'en doute pas.

— Tu me diras après coup, d'accord ?

Au loin, quelqu'un l'appelle. Leo lui fait signe puis reporte son attention sur nous.

— Faites comme chez vous et surtout, amusez-vous.

— Compte sur nous, je réponds avec un grand sourire.

— À plus tard !

Notre hôte nous adresse un clin d'œil et nous laisse. C'est parti !

Keep It QuietOù les histoires vivent. Découvrez maintenant