Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EDITE sélection neovel]

Nouveaux horizons - partie 1 (VERSION 2)

Après deux petits jours de repos à Amira, Aimeric nous fit finalement convoquer pour nous remettre sa lettre. Cachetée, il nous était impossible d'en lire les lignes avant de la remettre à Ahédan. Erich ne s'en inquiéta guère, m'assurant que cela était le protocole habituel, mais personnellement, je n'aimais pas m'avancer dans un camp adverse sans savoir ce que je lui tendais.

Malheureusement personne ne sembla se soucier de mes craintes de tout le voyage, que ce fût Erich ou les soldats d'escortes, d'autant plus que mes connaissances de la faune locale, ainsi que du chemin à suivre, les intéressaient davantage.

Entourés d'une maigre troupe de dix hommes, nous traversâmes les terres de cette contrée aux ressources inhabituelles. Nous bifurquâmes vers l'Ouest pour longer la chaîne montagneuse qui séparait plus de la moitié de l'île d'Askaz en deux. Ses pics étaient bien trop hauts et escarpés pour être traversé par des troupes. À ses pieds, nous bivouaquâmes dans de nombreux petits villages qu'Aimeric avait colonisés, puis nous fîmes plus discrets dès que nous arrivâmes vers la partie centrale de l'île. Nous étions alors bien trop loin de l'influence d'Amira pour être accueillis chaleureusement par les Askaziens. Et je ne pouvais user de ma nature draconique sans éveiller les soupçons.

En descendant vers le Sud, nous débouchâmes sur les plaines qui entouraient le célèbre lac röth. Erich et les autres natifs de Dorsük s'affolèrent lors de notre première rencontre avec les Namrids de ces lieux. Ces créatures n'avaient nulle comparaison dans les royaumes de Rian ou Domenic. Plus hautes que deux étages, leur corps était perché sur quatre longues pattes aussi fines que de simples baguettes. Une minuscule tête qui s'étirait à l'image d'un bec observait les eaux du lac et en léchait la surface de sa langue gluante. Des plaques de cuirs imperméables, qui auraient pu se confondre avec de lourds amas de laines, prenaient naissance le long de l'échine de l'animal et tombaient autour de son cou et de ses flancs comme des multiples tapis.

J'expliquai au groupe que ces gracieuses créatures à la peau nue, allant du blanc au bleu couleur d'un ciel d'été, étaient totalement inoffensives et se nourrissaient exclusivement de planctons ou de poissons. Mais il restait difficile pour des étrangers d'avancer sans crainte, dos à des bêtes colossales. J'évitai néanmoins de rire alors qu'Erich et les soldats traversèrent les plaines entourant le lac, aussi tendus que des lignes de linges.

Plus bas dans les terres, nous dûmes traverser le col Gardash et ses neiges éternelles. Il était le seul passage reliant le nord et le sud d'Askaz. Et sans grande surprise, Ahédan l'avait fait rudement bien gardé. La capitale n'était qu'à quelques jours de marche, coincée au pied de la chaîne montagneuse qui entourait la ville telle une mère lovée autour de son enfant. Hérissée de nombreux pics aussi dangereux que couverts de neiges par toutes saisons, les habitants d'Askaz la surnommaient l'échine de dragon. Son nom, très porteur pour ceux de ma race, m'avait poussé à choisir ses monts comme tombeau de mon premier corps en ce monde. Depuis le temps, seuls mes os et mes écailles les plus solides devaient encore se trouver en leurs sommets.

— Qui va là ? gronda un garde qui nous héla au pied de la gigantesque porte renforcée qui barrait le passage du col.

Ce monument n'existait pas à l'époque où je survolais les terres d'Askaz. Ahédan l'avait fait ériger pour se protéger du pion de Domenic. En plus d'être de redoutables guerriers, les Askaziens restaient aussi des bâtisseurs de génie. En quelques années, ils avaient réussi l'exploit d'ériger une arche en pierre plus haute que deux namrids et fermée d'une porte aux doubles battants plus épais qu'un pont-levis. Des clous gros comme mon poing humain hérissaient son bois, empêchant tout bélier de venir l'enfoncer.

— Je suis un messager envoyé par sieur de Roux ! gronda Erich.

Il fit doucement avancer son cheval et leva les mains au-dessus de sa tête.