L'apprenti - partie 3 (VERSION2)

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Le lendemain matin, je me réveillai aux aurores. Les rayons du soleil naissant perçaient avec peine au-dessus des hauts bâtiments de pierre de la ville. À genoux sur mon lit, je jetai un coup d'œil par la fenêtre. La ruelle en contrebas était encore sombre et inanimée.

Je sautai pied à terre et descendis dans le salon. Là aussi, tout était calme. Les douces fragrances de bois et d'herbes aromatiques embaumaient l'air, mais le froid mordant amoindrissait leur accueil chaleureux. L'absence de vie, dont la présence du magicien qui dormait toujours, donnait elle-aussi une sensation de froideur au salon. Je profitai néanmoins de ce calme pesant pour tester mes pouvoirs dans ce frêle corps humanoïde.

Les éléments naturels m'obéissaient. Feu, terre, eau et air apparaissaient dans le creux de ma paume sans mal. Leur puissance restait moindre, mais suffisante pour le quotidien. Je m'avançai vers la cheminée, encastrée dans le mur ouest, et enflammai les bûches d'un claquement de doigts. Un sourire satisfait étirant mes lèvres, j'observai les flammes danser paisiblement dans le foyer noir de suie. Leur douce présence réchauffait mes os glacés...

— Par dieu ! souffla soudain une femme.

Je fis volte-face et découvris une grande brune, la main sur le cœur, devant une longue tenture. Elle portait un panier de linges sous son autre bras.

Une domestique ?

— Qui es-tu ? s'enquit-elle d'un ton cinglant. Que fais-tu dans la maison de mon maître ?

Ma présence l'énervait plus qu'elle ne l'avait surprise... contrairement à moi dont le cœur palpitait encore.

— Je suis son apprenti, répondis-je en me calmant doucement.

— Je n'en ai point été informée !

— Cela s'est fait dans l'imprévu, devant le roi.

Elle fronça les sourcils et saisit plus fermement le panier de linges qu'elle portait contre son flanc.

— Tes belles paroles ne me tromperont pas, petit voleur ! gronda-t-elle. Retourne tes poches !

Je lui glissai un regard en coin et pinçai mon pantalon de toile sur mes hanches.

— Qu'espérez-vous que je cache là-dedans ? Je n'ai même pas de poches.

Elle jeta son panier sur une table et s'avança vers moi d'un pas pressé. Son tablier blanc voletait gracieusement sur sa longue robe au bleu pastel, et retomba en un pan bien raide comme elle s'arrêta à un mètre de moi, les mains sur les hanches. Sûrement se pensait-elle intimidante, mais elle restait simplement une jolie demoiselle d'une vingtaine d'années au teint clair. Ses prunelles caramel témoignaient néanmoins d'un caractère bien trempé.

Mon âme de vieux dragon s'emmêlait entre l'amusement devant son comportement ridicule, et la frustration que mon nouveau corps paraissait si aisé à apeurer.

— Que se passe-t-il ? grogna alors le magicien qui sortit de sa chambre.

Je retins un sourire devant son air absurde avec sa longue barbe aussi hirsute qu'un hérisson, ses paupières clignant sous la luminosité qui perçait à travers les fenêtres et sa robe de chambre froissée.

— Maître Ennris ! s'affola la domestique. Mes excuses de vous avoir réveillé.

Le magicien la fit taire d'un geste de main exaspéré.

— Pourquoi donc criez-vous dès le petit matin ?

— Un jeune enfant vous volait, maître !

Dérouté, le vieil homme nous observa tour à tour, l'air hagard.

Prince et Dragon - Tome 1 : Ixen [EDITE sélection neovel]Where stories live. Discover now