Chapitre 21 : La cour des Miracles

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Je posai une main sur mon ventre en attendant mon repas. Je ne savais toujours pas que penser de cette grossesse. À dire vrai, je m'empêchai d'y penser car trop de questions embrouillaient mon esprit sans me donner de réponses. Que ferais-je une fois que j'aurais accouché ? Serais-je capable d'élever un enfant ? Voulais-je vraiment un enfant ? Cette nouvelle m'était tombée dessus, comme toutes les autres ... Mais maintenant que le père de cet enfant était mort ... J'avais sans doute assez d'argent avec le testament de mon père pour bien vivre, moi et l'enfant mais ... Je ne savais quoi en penser ... 

J'étais une femme non mariée et sans famille. La Cour de France n'accepterait pas mon sort et je serais sans doute pointée du doigt. Et François ? Comment réagirait-il ? Il m'avait promis de ne pas me chasser de sa Cour, mais s'il apprenait que je portais un enfant illégitime ? Je n'avais pas épousé Francesco avant de coucher avec lui. Bien que je ne regrette rien. Cet enfant ... C'était la dernière part de lui qui me restait ... Mon dernier souvenir ...

Je fus arrachée à mes pensées moroses par une femme rondouillarde, mais au sourire accueillant. Elle déposa une assiette de viande, de pain et des légumes devant moi et me conseilla de tout engloutir, estimant que je n'avais que la peau sur les os. Je laissai la viande sur le côté, étant végétarienne comme mon père, mais mangeai tout le reste avec appétit. Je me sentais bien ici. Personne ne faisait attention à moi. 

Un groupe d'hommes s'esclaffait à une table plus loin, une femme et un homme piquetaient dans leurs assiettes et un musicien jouait un air de luth dans le coin de la grande pièce. C'était très agréable. 

Je vis alors une jeune femme et deux hommes entrer à leur tour. Ils se dirigèrent vers l'aubergiste et prirent des clefs pour la nuit. Eux aussi allaient dormir ici ? La femme était très belle avec ses longs cheveux bruns qui lui chatouillaient le creux des hanches. Je supposais que l'autre près d'elle devait être son père et l'autre homme, leur serviteur. En tout cas, ils portaient leurs affaires. Étaient-ce des nobles ? Sans doute pas car jamais je ne les avais vus à la Cour de France. Des bourgeois alors ? 

La femme échangea un regard énamouré avec le serviteur, mais cela ne dura qu'une fraction de secondes, pas assez pour que son père ne puisse voir quoi que ce soit.

Je finis mon assiette goulûment, appréciant l'air mélancolique du joueur de luth. Puis, je grimpai à l'étage pour me reposer. Mais je n'eus pas poser le pied devant ma chambre que la brune de tout à l'heure se dirigea vers moi.

— Pardonnez-moi, mais puis-je vous demander un service ?

Je haussai un sourcil, suspicieuse. Se pourrait-il que ce soit un piège ? Sang Bleu n'avait sans doute pas de femmes dans leurs rangs, sachant qu'ils les méprisaient. Ou ne méprisaient-ils que ma famille ? 

Restant néanmoins sur mes gardes, je dis seulement :

— Dites-moi.

La brune parut nerveuse l'espace d'un instant, se retournant vers la chambre juste à côté de la mienne, avant que ses yeux verts ne reviennent dans ma direction.

— Pourrais-je échanger ma chambre avec la vôtre ?

— Échanger nos chambres ? répétai-je, de plus en plus perplexe.

— Mon père est ... Il refuse que je sois avec Henri, voyez-vous, alors ...

Son regard s'égara vers l'autre chambre. Je ne mis qu'un instant pour comprendre. Son père s'était arrangé pour laisser plusieurs chambres entre son serviteur et sa fille, afin de s'assurer que cette dernière n'aille pas rejoindre son amant en plein cœur de nuit. Car il était fort aisé de comprendre qui était ce Henri pour elle. 

La flamme de la SalamandreWhere stories live. Discover now