30. Promesses

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Alec

Le vol fut atrocement long. Une torture lente mais vive. Une fois en France, mon monde s'écroula autour de moi. La perte de Killian, de ma soeur, de mes nouveaux amis et de la vie incroyablement apaisante à Malibu, devint réelle et impossible à nier. J'envoyais un texto à Killian pour lui dire que j'avais bien atterri et que je l'aimais. Le décalage horaire nous éloignait encore plus que la simple distance, nos échanges seraient compliqués et nous le savions.

La première nuit, je dormais à cause de ce décalage horaire, la fatigue m'aidant à profiter du sommeil. Lorsque j'ouvris les yeux, le bruit d'une sonnerie très étrange me réveilla complètement. Je suivis le son jusqu'à ma cuisine où je compris que c'était mon téléphone fixe.

— Allô, décrochai-je, la voix pâteuse.

— Kerovski.

Je fermai les yeux, déjà agacé d'entendre la voix de mon supérieur. Il parla, m'expliquant que j'avais rendez-vous le surlendemain à la base militaire. Ce qui signifiait que je devais préparer un sac, acheter un billet de train et me rendre là-bas pour plusieurs jours.

J'acceptais automatiquement puis lorsqu'il raccrocha, je retournai me coucher. J'étais épuisé et la douleur dans ma poitrine ne pouvait être géré que par le sommeil et l'inconscience.

Durant deux jours, je restais comme anesthésié de tout. Mangeant à peine, dormant toute la journée jusqu'à ce que l'obligation me pousse à acheter un billet et me rendre à la gare routière. Ce fut une fois dans le train que je réalisais que j'avais besoin de contacter Killian. Voir s'il m'avait répondu.

Je pris mon téléphone dans mon grand sac en toile de l'armée et l'écran sombre m'indiqua que je n'avais plus de batterie. Plus de deux jours sans recharge avait anéanti mon téléphone. Et cette constatation bien qu'insignifiante et pas vraiment grave, me démoralisa complètement. Les larmes me montèrent aux yeux et mon coeur fut douloureux. Voir que je n'avais pas de chargeur dans le sac m'asséna un autre coup et j'eus envie de hurler.

Plusieurs heures plus tard, j'arrivais à destination. La base militaire était telle qu'elle l'était des mois auparavant lorsque je l'avais quittée. Rien n'avait changé. Je fus rapidement accueilli et amené dans le bureau de l'un de mes supérieurs de section.

Toute la conversation se déroula dans un brouillard, il m'expliqua le programme pour moi, à savoir faire des analyses, des examens, voir le médecin en chef puis le psychologue en deuxième temps. Encore une fois, je hochai simplement la tête.

Après ce rendez-vous, je fus conduit aux bâtiments de logement. Malheureusement pour moi, il n'y avait aucun des camarades de mon unité puisqu'ils n'étaient toujours pas rentrés de leur mission. Je vis néanmoins quelques soldats que je connaissais des formations et des entrainements. Ils logeaient là en attendant de repartir à l'étranger.

Dès que je posai mes affaires, je me changeai pour enfiler une tenue décontractée puis filai dans le bureau du médecin pour mon premier examen. Toute cette prise en charge ne durerait que quelques jours puis j'aurais une réponse définitive sur mon statut. C'est-à-dire je saurais si ma rééducation me permettait de reprendre un service actif ou si au contraire, ma jambe nécessitait plus de rééducation et de temps. C'était une décision capitale pour moi et mon avenir, pour mon histoire avec Killian. Partir à nouveau en mission serait beaucoup plus compliqué pour nous, ce serait... une séparation bien plus brutale et inévitable.

En attendant cette réponse, je m'enfermais dans un état d'esprit bien singulier que j'adoptais lorsque j'étais à l'étranger, au combat. Je fus concentré, imperturbable et coupé de toute émotion. Je remisais sciemment Killian dans un coin de ma tête, l'enfermant dans une case précieuse mais qui ne m'aiderait pas à tenir le coup ici.

Alter EgoWhere stories live. Discover now