18. Sabotage

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Alec

Le vent frappait mon visage et mes yeux s'embuèrent en réponse, ce qui était énervant considérant le fait que j'avais vraiment besoin de mes yeux pour voir où j'allais. Je clignais des paupières tellement de fois que je me fis l'effet d'un colibri mais cela me permettait de ne pas tomber sur le sable. Courir sur la plage était très difficile et très physique, cela demandait beaucoup plus d'endurance, d'équilibre et de force et j'aimais ça.

L'odeur du sel marin, le bruit des vagues qui s'écrasaient sur la plage, la vue des rayons de soleil de couleur rose-orangé à l'aube, tous ces éléments m'apaisaient profondément. J'aimais me sentir déconnecté, courir et me vider l'esprit. Le problème, c'était toujours ma jambe.

Mes consignes n'avaient pas changé, ne pas trop forcer. Et la course était une des activités qui sollicitait le plus ma jambe, c'était donc fortement déconseillé à haute dose. Pourtant, me voilà en train de faire un footing matinal tous les jours depuis une semaine.

Le Dr Olligan m'a très clairement répété que ma jambe ne retrouverait jamais sa condition musculaire si je la surmenais trop et trop vite. À ses mots, j'avais fait semblant qu'acquiescer à ses directives mais je ne pouvais m'y résoudre.

Parce que cela signifiait renoncer à mes sorties avec Killian, avec le temps passé avec lui, c'était renoncer à l'amusement, à la liberté d'être heureux. Et j'étais venu jusqu'ici exactement pour retrouver cette forme de bonheur et surpasser mon anxiété permanente et cette dépression. Pour combler la partie vide en moi. Percer la noirceur avec un rayon de clarté.

La montre à mon poignet sonna et je sus que je venais de courir depuis une demi-heure, je fis alors demi-tour et repartis dans le sens inverse pour rejoindre la maison.

Tout en courant, mes idées s'éclaircissaient, mes pensées virevoltaient et tout à coup, je fus frappé par une révélation. À cette prise de conscience, mon corps s'arrêta net sur le sable, creusant des traces au sol. Ma respiration était saccadée, et j'eus du mal à reprendre mon souffle parce que sans m'en apercevoir, mon cœur s'était emballé à l'idée de ce je faisais.

Là sur cette plage. Et là, à Malibu, Californie, États-Unis. J'étais en train de fuir. Pire ! Je me sabotais. Ce n'était pas qu'une question d'amusement avec Killian et les quelques personnes que j'avais rencontrées. Non, c'était bien plus profond, plus sombre.

Je courais tous les matins pendant près d'une heure depuis une semaine parce que si cette rééducation ne marchait pas, mon arrêt se poursuivrait pour cause médicale et je n'aurais pas à servir pour une durée prolongée de six mois. Je me sabotais volontairement.

Je me penchai en avant, appuyai mes mains sur mes genoux en essayant de reprendre une respiration normale. Une fois fait, je repris le chemin du retour en marchant, les mains et les jambes tremblantes. La honte me donna le vertige. Je me sentais comme écartelé entre ce que je devais faire par honneur et loyauté et ce que je voulais faire par égoïsme et convoitise.

Pouvais-je continuer à me regarder dans un miroir si je ne retournais pas faire mon travail avec mon équipe ? Si j'abandonnais la lutte, si je préférais mon bonheur au détriment de celui de la nation ?

Arrivé au pied du chemin de terre me menant à la maison, je m'arrêtai et m'assis dans le sable face à l'océan. La liberté était devant moi, dans cette ville, dans cette maison avec ma sœur, Killian et peut-être de nouveaux amis. Le bonheur était là, mais pas mon honneur.

Je restais assis sur la plage longtemps à simplement regarder l'étendue d'eau puis je me levai, résolu à ne pas continuer mes conneries et respecter le plan et la rééducation. J'allais me remettre de ma blessure tout en profitant du temps avec les gens que j'aimais ici puis je rentrerais faire mon devoir. Venir ici avait toujours été temporaire, un répit.

Alter EgoWhere stories live. Discover now