1. Blessé

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« La plus grande tragédie de la vie n'est pas la mort, mais ce qui meurt en nous tandis que nous vivons. » - Norman Cousins

Huit ans plus tard

Alec

J'écoutais vaguement le Docteur Martin parler du Syndrome de Stress Post-Traumatique, le regard perdu dans le vide.

Le SSPT se développe et se manifeste sous différentes formes. Il survient à la suite d'un événement traumatisant qui peut être lié à la violence physique ou psychique, la mort ou les accidents graves. Il est courant dans l'armée mais ce serait une erreur de systématiser le phénomène. Tous les soldats ne sont pas atteints de ce mal. Le diagnostic est difficile et subtil, j'ai besoin d'une totale honnêteté.

Je connaissais des frères qui en souffraient, ils étaient irritables, violents, ils faisaient des insomnies et des cauchemars, ils subissaient des flash-back intenses et terrifiants de ce qu'ils avaient vu ou fait. Je n'avais pas l'intégralité de ces symptômes mais j'en avais quelques-uns. Insomnies, cauchemars, crises de panique. En revanche, je ne déclarais pas tout, me contentant de parler des cauchemars et de l'anxiété permanente. Le psychologue de la base militaire, le Docteur Martin, devait évaluer la présence d'un stress post-traumatique. Je le consultais obligatoirement avant et après une mission. C'était parfois libérateur et d'autres fois on se sentait complètement ridicule assis dans ce fauteuil d'une couleur indéterminée. Moutarde, peut-être ?

— Comment allez-vous ?

— Ça va, mentis-je.

Je ne voulais pas parler de mes angoisses ou de certaines crises de panique que j'avais parfois en revenant sur le sol français. Inutile de remuer le couteau dans la plaie.

— Mais vous êtes anxieux et visiblement à cran, constata-t-il.

— Ouais.

— À cause de votre blessure ?

Je soupirai, regardant le bureau aseptisé du psychologue. Tout était blanc et froid. La seule couleur provenait de son fauteuil et du mien ainsi que du tapis. La zone de couleur au milieu de la pièce créait l'illusion d'un espace de vie au milieu du néant. Pensait-il que cela poussait les gens à se confier ?

— Non, répondis-je automatiquement avant de le regretter.

— Votre blessure guérira, avec la chirurgie et la rééducation que vous ferez scrupuleusement, votre jambe sera complètement rétablie d'ici quelques mois.

— Si vous le dites.

Les souvenirs de ma dernière mission me revinrent en mémoire. J'avais été pris dans une embuscade et deux balles s'étaient logées dans ma jambe au niveau de la cuisse et du genou. Rapidement, j'avais été rapatrié pour poursuivre des soins médicaux. Opération et rééducation jusqu'à ce que je puisse à nouveau marcher. À présent, j'étais en arrêt maladie pour entamer une autre rééducation visant à me servir de ma jambe comme avant afin de pouvoir reprendre ma place auprès de mon équipe.

— Contre quoi êtes-vous en colère ?

— Contre quoi ? ricanai-je avec sarcasme. Je suis en colère contre quelque chose qui nous dépasse vous et moi, psy.

J'étais rentré de mission depuis deux mois déjà et cela ne faisait que deux semaines que j'étais sorti de l'hôpital. Jusqu'ici tout ce qui me préoccupait était de savoir si un jour je pourrais à nouveau marcher et c'était le cas à présent. À aucun moment, je n'avais pensé à repartir. J'étais simplement soulagé de savoir que j'étais toujours entier, que mon corps à défaut de mon esprit était toujours intact. Cette blessure m'avait fait un sacré coup. D'habitude, j'attendais l'appel avec impatience pour repartir mais dernièrement, je n'avais plus cette envie, ce besoin. Quelque chose avait changé.

Alter EgoWhere stories live. Discover now