28. Temps écoulé

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Alec

Près d'une semaine après, je me retrouvais à mon énième rendez-vous rééducatif.

— J'ai réalisé une synthèse de vos scanners et de vos résultats depuis près de deux mois, m'informa Dr Olligan. Mes analyses ont été rassemblées dans un dossier que j'ai transmis à vos supérieurs comme il était convenu.

Le bureau était neutre voire austère. Tout était gris ou blanc et la seule touche de gaité était la plante verte dans un coin de la pièce. Mais j'avais l'habitude d'être dans ce bureau chaque semaine et cela ne me dérangeait plus.

— Et donc ? l'encourageai-je.

— La rééducation à l'heure actuelle ne permet pas à mon sens une reprise du service actif. En conclusion, l'expertise devra être faite avant la fin de vos cent-quatre-vingt jours pour avoir le temps de procéder à un prolongement si vos spécialistes militaires jugent de même que moi.

Il me fallut plusieurs secondes d'intense concentration pour comprendre.

— Quoi ? m'exclamai-je, le coeur battant à tout rompre.

— Notre programme de rééducation s'achève. Ils vous communiqueront les détails et la date de votre rendez-vous.

Je restai abasourdi, ne comprenant pas ce que j'entendais. Ou plutôt, ne voulant pas comprendre. J'allais devoir rentrer en France pour consulter le médecin en chef de ma section. Un bilan pour statuer de mon état. C'est l'heure.

Mon corps s'engourdit sous la nouvelle. Ma rééducation était close. L'idée de retourner en France m'oppressa, mais je fis mine de rien.

Alors que le rendez-vous se termina, il me souhaita une bonne continuation. Qu'est-ce que c'était censé vouloir dire ? Je n'en savais rien. Toutefois, cela donnait un goût amer dans la bouche.

En sortant du bureau, Mira s'approcha, le sourire toujours gravé sur son beau visage.

— Alors piscine aujourd'hui ? Killian a dit que tu étais super dans ton maillot de bain tout moulant, rigola-t-elle.

— Non, répondis-je, ma voix devenant presque robotique.

— Non ?

J'eus du mal à réaliser et à m'ancrer dans la réalité. Mon cerveau répétait les mots du Dr Olligan et les implications qui allaient me tomber dessus inévitablement. C'est trop rapide, trop rapide, trop rapide.

— Alec ? Ça ne va pas ?

Sa petite main se posa sur mon bras et je rivai mon regard dans le sien. Voir son fin visage familier m'ancra et l'anxiété reflua légèrement.

— Pas de séance aujourd'hui, rentrons à la maison, dis-je simplement.

À la maison. Ce constat me fit mal. Il n'y aurait plus de maison.

Mira fronça les sourcils, mais je la contournai pour sortir et rejoindre la voiture. Elle garda le silence, s'installa et démarra le moteur pour prendre la route. Au bout de je ne sais combien de temps, elle tourna la tête vers moi.

— Qu'est-ce qui se passe ?

Sa voix trahit son inquiétude et cela me brisa le coeur de devoir lui dire, de devoir lui expliquer que j'allais partir.

— Ma rééducation est terminée. Je vais rentrer en France.

Mira hoqueta, et je forçai mon regard à fixer sur la route, je ne voulais pas voir la tristesse sur ses traits.

— Quand ?

— Je vais... appeler mes supérieurs, mais rapidement j'imagine.

Elle ne répondit rien et le silence nous enveloppa jusqu'à la maison.

Alter EgoWhere stories live. Discover now