À l'encre indélébile | Haikyuu

Chapitre 37 - Le quatrième ticket

Les dix dernières minutes de cours de la matinée avaient paru interminables pour Akemi, qui n'avait attendu qu'une chose : mettre son idée de génie à exécution à la cafétéria. Assise à une table avec Ritsuka, comme à leur habitude, elle observait avec attention l'entrée de la salle. Les lycées défilaient sous son regard azuré, se succédaient les uns les autres sans que jamais la silhouette de Suna n'apparaisse.

— T'es sûre que c'est une bonne idée ? questionna sa meilleure amie pour la troisième fois déjà depuis qu'elles avaient ouvert leurs bentos. Je veux pas vous déranger, toi et Suna-kun... Et puis, si Kita-san est pas dispo dimanche ? Ou pire, s'il refuse car il veut pas être avec moi !

— Tu nous déranges pas Ricchan, je t'ai dit déjà ! soupira Akemi – qui assumait ainsi pour la troisième fois sans le lui redemander que cela ne dérangeait pas Suna. Et puis s'il est pas dispo, on décale ! Et vraiment, arrête avec tes idées noires, ça va finir par devenir contagieux à force. Si on déprime toutes les deux, bonjour la galère !

Les pommettes de la volleyeuse se parèrent d'un rose délicat – pour la troisième fois – au gré du sourire qui poignait sur ses lèvres. Plus que quiconque, elle espérait ne jamais voir son amie remplie de la négativité qui la rongeait elle-même. Pourtant, en dépit de tous ces encouragements et cette motivation, elle ne parvenait pas à relativiser.

— Mais je vais pas aller lui demander comme ça ? Je recommence à bégayer quand je lui parle, et honnêtement je préfère aller m'enterrer plutôt qu'il voit ça...

— Et c'est là que j'interviens ! Vraiment, t'inquiète, je gère, déclara Akemi en croisant fièrement les bras sur sa poitrine.

Ritsuka plissa les yeux. Chaque fois qu'Akemi avait affirmé gérer, elle avait su démontrer l'exact contraire... Elle n'eut toutefois pas le temps de se questionner bien longtemps à ce sujet car les yeux de son interlocutrice s'illuminèrent d'enthousiasme. Le sourire qu'elle arborait déjà s'élargit, et bientôt elle commença à agiter ses bras en direction de l'entrée de la salle.

— Suna-senpai ! lâcha-t-elle à voix haute, attirant ainsi l'attention des quelques tables alentours.

Sa raison se confronta à sa curiosité, et il ne fallut que quelques secondes d'hésitation pour que la volleyeuse ne se retourne. Son cœur lui parut louper un battement lorsqu'elle distingua, comme elle s'en doutait et pour une raison qui lui échappait – cette manière qu'avait eue Akemi de guetter l'entrée depuis le début de leur pause était peut-être cette raison – la silhouette de Kita aux côtés de Suna. Plongé sur son smartphone, ce dernier releva le visage à l'entente de son nom, rapidement imité par l'ancien capitaine et leurs coéquipiers de terminale à leurs côtés.

— Je croyais que tu utilisais plus cet honorifique ? s'étonna Ritsuka en se tournant de nouveau vers sa meilleure amie.

— C'est pour l'embêter, expliqua Akemi, un sourire aux lèvres devant le front plissé et la moue renfrognée du volleyeur qu'elle désignait du doigt.

Un léger rire aurait pu échapper à Ritsuka, si elle n'avait pas été prise de court par la présence de Kita derrière elle. Ce fut sa voix lui apparaissant à travers une proximité qu'elle n'avait pourtant par sentie qui lui arracha un sursaut de surprise :

— Salut, Nagano-san, Fumiya-san.

— Salut K-Kita-san, bafouilla-t-elle, prise de court – et elle se maudit intérieurement de ce bégaiement qui n'échappa visiblement ni à Akemi ni à Suna.

— Salut, Kita-senpai ! C'est gentil d'être venu nous saluer, sourit Akemi.

D'une certaine manière, voir sa meilleure amie ainsi à l'aise fit office de remontant, pour Ritsuka. Les épines de rosiers qui lui enserraient la gorge semblèrent amoindrir leur étreinte au gré des quelques échanges qui volèrent par-dessus la table. Le regard d'Akemi glissa sur elle, aussi furtif et rapide qu'un aérolithe, et l'esquisse du sourire doux qu'elle distingua sur ses lèvres dans la seconde qui suivit suffit à l'apaiser.