Les Sphères d'Ebesse...

Por Ginie_13

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"Dans un monde troublé, certains parleront de chance quand d'autres parleront de fatalité...Et si une success... Más

Chapitre 1 : Insouciance
Chapitre 1 : Suite 1
Chapitre 1 : Suite 3
Chapitre 2 : Le Bal des Unions
Chapitre 2 : Suite 1
Chapitre 2 : Suite 2
Chapitre 2 : Suite 3
Chapitre 3 : L'ombre des noces
Chapitre 3 : Suite 1
Chapitre 3 : Suite 2
Chapitre 3 : Suite 3
Chapitre 4 : Déferlante
Chapitre 4 : Suite 1
Chapitre 4 : Suite 2
Chapitre 4 : Suite 3
Chapitre 5 : Les graines de la discorde
Chapitre 5 : Suite 1
Chapitre 5 : Suite 2
Chapitre 5 : Suite 3
Chapitre 5 : Suite 4
Chapitre 6 : Témérité

Chapitre 1 : Suite 2

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Por Ginie_13


Solynn

C'est la première fois que je voyage au-delà de notre domaine et je ne pensais pas que cela puisse être aussi ennuyeux. Un peu plus de trois longues et incommodes semaines de chariot auront été nécessaires pour rejoindre la capitale et satisfaire ma regrettable curiosité. Il n'était pas prévu que je fasse cette route, mais la possibilité de voir Heyméah, qui plus est avant mes prochaines noces, était une occasion au combien attrayante ! Rares sont les femmes nobles, à fortiori mariées, qui peuvent se glorifier d'avoir vu du pays ! Pour la large majorité d'entre elles, l'union maritale laisse présager des années de solitude, à s'occuper de potins et broderies. En parallèle, les épousés s'emploient à la gestion de leurs terres, à la politique et à autant d'entraînements militaires. Quant à la descendance, elle est confiée aux bonnes d'enfants et instituteurs de prestige, chargés de leur éducation moyennant finance, logis et couvert.

Nous sillonnons les rues pavées de la basse Heyméah, gâchées par les relents des immondices qui jonchent le sol, délestées ça et là par les citoyens. Le tout mêle des odeurs d'urine, d'excrément, de sang et de bois brûlé, en un ensemble peu ragoûtant. Du moins, il ne s'agit là que de ce qu'il m'est capable d'en discerner. Les dernières neiges nous sont en cela salvatrices. Je savoure leur présence à leur juste valeur qu'elles satinent en sus cette cité, la faisant briller de mille et un éclats adamantins, au contact du matinal rougeoiement solaire. Ici les maisons ont toutes un étage ou deux, et sont faites de pierres calcaires d'un camaïeu allant du blanc au ocre. J'observe à cet instant que les habitations sont composées de davantage de pierres blanches, à mesure que nous nous rapprochons de l'île qui surplombe, du haut de sa modeste colline, la ville basse. Me reviennent alors en mémoire les premières maisons, qui étaient pour ainsi dire totalement ocres. Devant ma mine dubitative, Lomynn, mon érudite de sœur, se hâte de déverser sur ma personne une once de ses disparates connaissances :

— La couleur des habitations varie selon la richesse de leurs propriétaires. Les roches calcaires blanches sont plus denses que les jaunes, qui sont elles plus poreuses et friables. La plupart des constructions de Fréomne sont ainsi faîtes. Les humbles familles occupant des logements aux pierres ocres, et la famille royale bénéficiant d'un château des pierres les plus nobles et résistantes de la région, les blanches.
— Je vous remercie pour ces éclaircissements chère sœur.
— C'est toujours un plaisir chère cadette, me nargue-t'elle. D'ailleurs, il en va de même au sujet des toitures. Alors que celles des demeures des ordinaires sont de tuiles, celles du château sont d'ardoises. Malgré le climat de Fréomne, contre lequel les ardoises offrent une bien meilleure protection, leur coût reste invariablement inaccessibles aux badauds. Saviez-vous que...
— Dîtes-moi ma sœur, pensez-vous que ces futilités puissent véritablement m'intéresser, ou vous adonnez-vous simplement allègrement à la jouissance que vous procure le son de votre voix ?
— Par Ttocs mes enfants ! Faîtes-moi grâce de vos humeurs ! Le voyage est ma foi assez éreintant sans en rajouter. Rétorque en un long soupir notre père.
— Chère Solynn, avec tout l'amour que je vous porte, je vous saurai grée de ne pas conformer ma personnalité aux vices de la vôtre.
— PARDON ! M'insurgé-je.
— Mes filles s'en est assez ai-je dis ! Jusqu'à notre arrivée, je souhaite que vous priviez mes oreilles de vos chamailleries !

Battant le pavé, le bruit des sabots équins cadence notre approche de la cour et son faste. Le pont qui dessert la cité royale, la traversant de part en part, se présente à nous par son imposante arche de pierres. Sur la hauteur de chacun des piliers est sculpté un ange aux ailes étoilées, figure camouflée par un casque austère munie d'une fente en T. Mains jointes sur la poignée de son épée longue, pointe vers le bas, il affiche une posture profondément solennelle.
L'arôme des premiers pains parvient à nos narines, signe indiscutable d'une ville en éveil. Il s'accompagne du chant des coqs, ainsi que de l'agitation de quelques autres animaux de basse-cour, comme d'autant d'hommes et de femmes, endossant chaque jour à cette heure les métiers les plus matinaux. Tandis que nous passons la seconde et dernière arche du pont, partie intégrante des colossaux remparts de la ville, nous pénétrons enfin dans la haute Heyméah. Nous croisons en trajet la carriole du livreur de lait poursuivant sa distribution quotidienne, et celle d'un falotier, qui en éteignant les réverbères, y ajoute l'huile indispensable à leur prochain allumage. Les volets claquent sur les façades des maisons les uns après les autres, et des demeures de plus en plus majestueuses s'imposent à nos regards émerveillés. Leurs encadrements de portes et fenêtres sont tous superbement travaillés, se faisant une concurrence farouche dans la maîtrise de l'art respecté qu'est la taille de pierres. Les motifs sont variés, allant des simples veinures aux somptueuses dentelles, en passant par des imitations de robes animales, velues ou écaillées, jusqu'à la gravure de symboles religieux ou guerriers. Ceux que je préfère sont définitivement les floraux. Leurs délicates torsades grimpantes me ramènent aux rosiers qui agrémentent l'enceinte du jardin intérieur de notre château familial. En fermant les yeux, je suis certaine d'en sentir les embruns. Toutefois, peut-être suis-je dupée par la subtile fragrance distillée par les chèvrefeuilles et disparates gardénias qui nous surplombent, appuyés sur leurs treillis, offrant un ombrage éthéré aux rues de la haute Heyméah. Au milieu de cette végétation se laisse observer ce qui me semble être une vigne en sommeil. Parfaite alliance des avantages de ces plantes, apportant de tout temps ombrage et parfum, et si je ne m'abuse, quelques fruits l'automne venu. Je constate que de nombreuses grandes familles de la royauté de Fréomne sont représentées ici, par les différents emblèmes qui surplombent les entrées de toutes ces opulentes résidences. Cette vision fait écho à une leçon qui m'a été dispensée petite.

—Sœur bien-aimée ?

Père et Lomynn se regardent, paraissant attendre, suite à la nature de notre récent échange, une sorte de bénédiction de l'une ou l'autre partie.

— Oui ? Répond-elle enfin.
— Vous qui savez tant sur tant de choses... Je crois me souvenir que dans ces quartiers vit au moins un représentant de chaque famille noble du royaume de Fréomne. Si ma mémoire est juste, ceci a pour dessein de symboliser la servitude de chacune d'elles à celle du Roi, n'est-ce-pas ?

Elle sourit avec tendresse :

— C'est exact. Vous venez de vous remémorer la leçon de notre Maître Sola ? Rit-elle à la façon d'une enfant. J'ajoute à votre souvenir une précision. Dans ce quartier vit également un représentant des familles nobles du royaume de Mélona. Si ces territoires ont conservé leur indépendance et le titre de royaume, il n'en restent pas moins assujettis au Roi Priahd. Depuis leur défaite lors des Guerres Hérétiques, ils doivent annuellement renouveler leur allégeance, et à cette occasion verser un tribut de repentance.
— En y repensant, c'est une décision plutôt étrange. Quel Roi vainqueur laisserait un titre équivalent à son ennemi, et plus encore préserverait la souveraineté de son territoire ? Dis-je.
— Ma foi la raison est simpliste et aussi incongrue à mes yeux qu'aux vôtres. De petite noblesse, les Guien ne pouvaient accéder au trône que par une union. L'histoire rapporte qu'après arrangement d'épousailles avec une princesse de sang, en la qualité de l'une des filles du Roi Ouhn vaincu, le Roi Phëny a pérennisé, par la conservation de ce titre à son ennemi, la légitimité de sa lignée au trône.

— Il me semblait que son droit au trône était d'ordre divin ?
— Ça c'est ce que tout bon croyant défend suite à l'enseignement religieux que les jeunes Fréomniens reçoivent. La réalité est, selon moi, plus terrestre qu'une prétention royale appuyée par la possession d'une soi-disant sphère de pouvoir.
— Ma fille ! Qu'importe vos idées tant qu'elles demeurent prisonnières de votre esprit impie. Je ne vous autorise pas à blasphémer ! S'énerve notre père.
— Ttocs ! Frappe-moi de ta foudre si cette vérité est blasphème ! S'esclaffe Lomynn, bras tendus en l'air. Et voilà ! Rien du tout ! Termine-t-elle en haussant une épaule, adjoint d'un clin d'œil espiègle.

Père grogne de mécontentement, alors que je ne peux qu'esquisser une mimique complice. L'enceinte de la haute-cour nous ouvre à présent ses portes de pierre. Elles roulent littéralement sur le sol au gré d'une astucieuse mécanique dont les rouages m'échappent. Au-delà, une vaste cour verdoyante, mêlant à ravir les fonctions de potager, verger et jardin d'ornement. Un espace ostensiblement pensé et dessiné avec soin. Plusieurs formes géométriques pleines de rondeurs, ainsi qu'une large allée centrale cernée de petits chemin fleuris, mettent majestueusement en valeur la grande porte sculptée qui donne accès au donjon. Notre carrosse tourne vers la gauche où notre cocher ordonne l'immobilisme de nos chevaux, pour mieux venir nous ouvrir la porte. Père descend le premier et les montures de notre vingtaine de soldats sont conduites aux écuries par les palefreniers du château. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le Roi Guien arrive au devant de notre Père et lui empoigne amicalement l'avant-bras, jaugeant par la même occasion de leur virilité respective. Succèdent au souverain toute sa suite, quelques centaines de personnes du meilleur monde, au bas mot. Dans cette scène émerge de la masse le reste de la famille royale. Avant que chacun n'ai pris place au côté de notre hôte, Père nous tend tour à tour la main pour nous aider à descendre les deux marches séparant le sol du plancher de notre voiture. Il faut dire qu'avec nos atours la manœuvre peut vite s'avérer périlleuse. Mon imposante robe de satin mauve, bordée d'un large biais froncé finement rayé de gris et de blanc, ne passe la porte qu'au moyen d'une adroite pression de ma main vacante. Sans cela ma chute serait assurée, déséquilibrée par le port des multiples couches de textiles servant à étoffer le volume de ma tenue. Mon bottillon touche seulement le falin de la cour que Père se hâte :

—Mon Roi, laissez-moi vous présenter mes filles ! Ma fille aînée, Lomynn, et Solynn, ma cadette ! Les joyaux de ma vie !
— Que le temps a fuit mon ami ! Te voilà accompagné de deux resplendissantes jeunes femmes ! Nulle doute qu'elles sont plus belles que tu ne le seras jamais mon cher Ürane !

Les hommes se gaussent quand le Roi saisi affectueusement notre père par les épaules, le faisant passer sous son bras et lui tapotant la joue de l'autre d'un air badin. Un raclement de gorge rappelle le suzerain aux usages protocolaires, lui extirpant un soupir contrarié :

— Comtesses de Korf, je vous présente mon épouse, la Reine Rierfa...

L'élégante femme nous salue d'une révérence que ma sœur et moi nous employons à lui restituer. Je comprends à présent l'utilité de toutes ces leçons sur le bien vivre en société. Encore plus ennuyeux en pratique qu'en théorie, l'anxiété des jugements et de la préservation de l'honneur de notre famille en supplément. Père s'incline également de son tronc face à la reine, puis face aux héritiers :

— ... Et voici mes enfants, le prince hériter Khasna, la princesse Narah, le prince Khomü, et le prince Prëkle !

— Que d'hommes fiers de leurs familles respectives ! Ponctue notre souveraine. Il est cependant impensable que vous en eussiez agit différemment cher Comte. Vos filles sont ravissantes et Lomynn a déjà l'envergure qui sied à l'épouse d'un prince ! Enfin ! Hâtons-nous de rentrer ! La neige recommence à tomber et vos tenues sont mal assorties à notre climat !

La Reine tourne les talons, et c'est toute la Cour qui lui emboîte le pas dans une partition calibrée au millimètre près, et connue de tous ses participants. Si, par égards pour ma sœur, je ne me permettrai pas de dire que le prince Khasna est à mes yeux le plus bel homme que je n'ai jamais croisé, je ne réprimerai toutefois pas mes pensées. Comme je l'envie ! En plus d'élever socialement sa personne et toute notre famille, devenant par la même fortune princesse héritière, elle épousera de surcroît un homme jeune et beau... Tandis que ma personne est promise au veuf Comte Fraju à la quarantaine tassée et dont les deux dernières épouses sont mortes en couches... Les on-dits rapportent que les enfants étaient de six kilos et que leurs mères ont été dans l'incapacité de les mettre au monde. Le médecin accoucheur aurait conseillé au Comte de ne plus chercher à avoir de descendance. Avec mon petit gabarit, j'ai plus le sentiment d'aller au devant de mes funérailles que de mes noces !

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