— Borac, ici présent, commence-t-il en contemplant son oratoire, va vous présenter l'histoire de Malurn comme vous ne l'avez jamais entendue. Fini les tirades barbantes de Loukas ou des Rois qui font des discours analogues chaque année ! Cette fois-ci, vous aurez toute la vérité.
Les enfants sont tous à son écoute avec le sourire aux lèvres. Il est vraiment doué pour attirer l'attention. Même les jeunes femmes autour du feu sont suspendues à ses paroles comme s'il était le messie venu sur Malurn. Il avait déjà la grosse tête, alors je me demande ce que cela va donner par la suite.
— Cela commence bien avant votre naissance ou la mienne. Je dirais qu'elle débute quand la Terre fut créée. Mais ceci est une histoire différente. Malurn a vu le jour à une époque semblable à la sphère terrestre. En même temps, les deux planètes sont complémentaires, l'une ne peut pas vivre sans l'autre. Imaginez vous et votre meilleur copain, c'est la même chose. Vous n'êtes rien sans lui et il ou elle n'est rien sans vous.
J'observe Borac avec amusement. Je sens que cette histoire va être inventée de toute pièce pour combler les attentes des enfants. Il faut dire que cela marche, car chacun se prête au jeu et regarde son ami en souriant. Heureux de pouvoir représenter la planète bleue et Malurn.
— Pendant des millions d'années, elles ont vécu en coopération sans que l'on sache vraiment pourquoi. Mais j'ai ma théorie, les dinosaures d'ici faisaient rêver ceux de la Terre, comme on le fait en ce moment.
Les visages des gamins rayonnent de joie en entendant le mot « dinosaure », à croire que tous les enfants, de Malurn ou de la Terre, ont une obsession pour ces bêtes gigantesques, que personne n'a eu la chance de rencontrer. Les animaux jouent avec l'inconscient d'autres animaux, mais où il va chercher de telles bêtises. Au moins, le gloussement des jeunes filles a l'air de l'encourager dans sa connerie.
— Passons, c'est une époque lointaine et puis, personne n'est vraiment sûr de rien. Puis un jour, l'homme est arrivé sur Terre tout comme ceux de Malurn. Bon au début, il n'était pas aussi magnifique que nous, mais il faut du temps pour se faire beau, n'est-ce pas ! déclare-t-il en adressant des clins d'œil à la gent féminine.
Il m'exaspère, mais au moins je passe un excellent moment à l'observer évoluer devant une assemblée attentive. Je comprends mieux en le regardant d'où vient le caractère d'Amaël. Ils ne sont pas amis pour rien ces deux-là.
— Un jour, le peuple s'est mis d'accord pour que deux personnes règnent sur la planète pour le bien-être de celle-ci. Diriger Malurn, mais jamais seul, car c'est voué à l'échec. C'est à ce moment-là qu'ils ont décidé que deux rois orienteraient les choix de la population selon la classe, donc entre les Sanjar et les Mangup. Aujourd'hui, ceci n'a plus trop de sens à cause d'Okrutan, mais avant les Sanjar et Mangup étaient deux groupes qui évoluaient en parfaite symbiose tout comme la Terre et Malurn ou même toi et ton pote. Les Sanjar se sont toujours occupés de faire rêver les gens quant aux Mangup, ils étaient dévoués au cauchemar. On ne naît pas l'un des deux, on le devient. Personne n'est forcé à faire ce qu'il n'aime pas, au contraire. Seulement, pour que l'équilibre soit respecté, il faut que le nombre entre les deux classes concorde. Heureusement, la coopération entre les anciens était présente, changer de catégorie pour permettre l'homogénéité n'a jamais été un souci.
Je le regarde subjugué par ses paroles. Je devine qu'à cet instant précis, il ne fait que raconter ce qu'on lui a dit quand il était plus jeune, mais ces paroles respirent le bonheur. Vivre dans le passé devait être totalement différent. Plus paisible que la vie qu'ils mènent tous en ce moment.
— Vous voulez savoir la partie la plus cool d'être nous ? demande subitement Borac, en employant un tout autre ton.
De nombreux enfants le regardent plein d'étoiles dans les yeux comme s'il allait leur apprendre quelque chose de merveilleux.
— Les humains ne sont pas encore au courant de notre existence, et ne le seront sans doute jamais. On agit tels des agents secrets dans les subconscients quand ils dorment, ce n'est pas génial ça ! s'écrie-t-il, joyeux. Vous êtes tous des espions et je peux vous le dire, vous assurez dans la mission qui vous a été confiée. Vraiment les meilleurs depuis des années !
Toutes les personnes ne s'étant pas assises autour du feu pour écouter l'histoire de Borac ont maintenant le regard braqué sur nous. Il faut dire que les cris des gamins sont plutôt puissants. Ils ont l'air si heureux en ce moment même d'être défini comme des agents secrets inégalables. Ça fait plaisir à voir, cela me met du baume au cœur en connaissant ce qu'il se trame en dehors de cette forêt. Il n'y a pas à débattre, Borac sait détendre l'atmosphère et faire oublier aux enfants que leurs parents donnent leur vie pour leur offrir une meilleure.
— Tous ceux-ci étant énumérés, mes petits soldats, je vais vous raconter ce qu'il s'est passé juste avant l'arrivée d'Okrutan. L'ancien roi des Mangup, qui a régné pendant des années, a malheureusement rendu l'âme après avoir vécu une très longue vie. À cette époque pas si lointaine, tout le monde était heureux. L'harmonie entre la Terre et Malurn était respectée. La quantité de rêves et de cauchemars infligés aux humains était en accord avec le traité et nous permettait de rester forts.
Que veut-il dire par là ? J'ai encore du mal à saisir tous les concepts qui régissent sur cette planète.
— L'élection entre les deux rois a eu lieu et nous avions tous eu confiance en Okrutan, qui occupait une bonne position au sein de la population avant d'être nommé. Un simple marchand sur la place du village, personne n'aurait pu prédire ce qui allait se passer. Un homme sans histoire, toujours prêt à aider son voisin. Mais il est devenu ce qu'il est devenu à vouloir acquérir le plus de pouvoir possible. Les cauchemars nous procurent plus d'énergie que les rêves. Cela résulte du fait qu'ils sont moins nombreux à être délivrés aux humains pour sauvegarder leur santé mentale. Malheureusement, cela a donné de mauvaises idées au roi.
Je devine assez aisément les idées folles qu'Okrutan a eu et leurs conséquences sur cette planète et celle sur laquelle j'ai vécu de longues années. Comment n'ai-je pas pu me rendre compte du changement radical que nous avons subi ces dernières années ? Il est vrai que tout a commencé à aller mal assez subitement sans raison valable. Et dire que, depuis le départ, des êtres sont au-dessus de nous à manipuler nos cervelles pendant la nuit.
Une idée saugrenue me passe à la tête tout d'un coup ! Ne me dites pas que c'est eux qu'ils contrôlent les rêves érotiques que j'ai pu avoir de temps à autre ? Je sens le rouge me monter aux joues. Mon Dieu, mon Dieu, mais quelle horreur !
J'essaie tant bien que mal de me reconcentrer sur l'histoire de Borac, mais c'est presque impossible. Ils ne peuvent pas voir tout ce que l'on imagine dans nos cerveaux, n'est-ce pas ? En même temps, la réponse est plutôt évidente étant donné que ce sont eux qui créent nos rêves. J'ai envie de me cacher sous Terre. Instinctivement, je pense à Amaël, il n'a jamais fait ça sur moi, j'espère ! Ce serait tellement gênant.
Subitement, je n'entends plus un bruit autour de moi. J'observe alors le narrateur de l'histoire qui a les yeux rivés sur son téléphone comme si on lui apprenait une terrible nouvelle. L'ambiance n'est plus la même que quelques secondes auparavant. Une dame vient à la rescousse de Borac et propose aux enfants d'aller près du feu pour manger des bonbons. Sage décision, les gamins retrouvent le sourire aussitôt en entendant le mot de la friandise.
Je m'approche lentement de Borac le cœur serré. Je ne veux pas qu'il m'annonce ça. Il ne peut pas. Les larmes commencent à déferler sur mon visage jusqu'à ce qu'il pose ses yeux sur moi.
— Amaël nous ordonne de le rejoindre immédiatement chez lui.
— Qu'est-ce que l'on attend alors ? demandé-je, soulagée qu'il ne lui soit rien arrivé.
Le regard de Borac est aussi perdu que quelques secondes auparavant. Qu'est-ce qu'il lui prend à la fin ?
— Il faut qu'on aille maintenant ! m'écrié-je en m'emparant de sa main pour l'emmener dans la direction dont nous venions quelques heures plus tôt.
***
Coucou !
J'espère que vous allez tous très bien et que votre confinement se passe bien pour ce qui sont confinés du moins.
J'ai enfin trouvé le temps de corriger ce chapitre pour vous le poster, car il attend depuis août d'être posté, le pauvre !
J'ai hâte de savoir ce que vous avez pensé de ce chapitre :)
N'hésitez pas à me le dire en commentaire, ça me ferait plaisir de vous lire !
J'espère vous retrouver dans les prochains chapitres !
Bisous !