Assise au bord du lit, Léonie ne bouge pas d'un pouce. Je lui tends alors le verre et la boite de cachets. Elle sourit, mais pas d'un sourire chaleureux comme on pourrait l'imaginer sur son visage. Au contraire, c'est un geste de dédain et elle souffle :
— Tu ne prends pas non comme réponse hein ?
— Tu n'as rien dit.
— Une absence de oui est un non, Ashton.
— C'est un anti-nauséeux, ça ne te fera pas de mal. Pas plus que de boire de l'eau.
Son regard défiant me fait comprendre qu'elle ne touchera à rien qui vient de moi. Elle ne me fait pas confiance. Je comprends qu'elle a peur que j'ai drogué l'eau. Avec agacement, je prends une gorgée dans le verre afin de lui montrer qu'elle ne craint rien.
Je sens son soulagement, alors qu'elle se lève. Sa démarche féline me saute aux yeux, comme une évidence. Une tigresse-garou n'est-ce pas ?
Son nez retroussé essaye probablement de détecter la tromperie quand elle prend le verre dans sa main, frôlant mes doigts au passage. Ce simple geste envoie des décharges électriques dans tout mon avant-bras. Je n'avais vraiment pas besoin de ça.
Léonie prend la boite, sort un cachet, l'avale avec une gorgée d'eau. Puis elle descend le verre cul sec. Elle me rend les deux objets avant d'ajouter :
— Ma meute n'acceptera jamais tes termes.
— Ah bon ?
— On ne kidnappe pas les gens, Ashton.
— Personne ne m'écoutait.
Elle lève les yeux au ciel, visiblement pas convaincue par ma réponse.
— S'ils tiennent à toi, ils écouteront et obéiront à mes demandes, renchéris-je, sur un ton plus menaçant.
La jeune femme ne bronche pas, malgré la nausée et le tournis dans sa tête, et surtout, malgré la peur que réveille ma dernière phrase. Je lui tourne le dos, presque impressionné par sa force. Elle n'est visiblement pas une alpha pour rien. Mais son âme-soeur l'a laissé sans surveillance et maintenant, elle m'appartient. Je ne la laisserai pas partir, même après que sa meute ait réglé leur compte aux pumas. C'est mon âme-soeur : elle n'ira nul part.
Je sors de la pièce sans rajouter un mot.
— Elle est encore malade ?
Tonio s'est joint à notre petite sauterie, visiblement. Les trois hommes me dévisagent dès mon arrivé dans la cuisine. J'ouvre le lave-vaisselle pour poser le verre dedans, puis je me tourne vers eux.
— Oui.
Mon ami au regard noir ne répond rien. Il se contente de consulter l'écran de son téléphone. Son coude est posé sur le plan de travail, et sa tête est calée contre son poing fermé. Ses courts cheveux bruns légèrement en bataille lui donne un air sauvage. Il inspire la force brute. C'est ce que j'aimerai que tous mes loups expriment. Qu'on sente le danger rien qu'en les observant.
Pour autant, Léonie aussi dégage une force brute, sans même essayer.
— Les bêtas de la meute du Diamant Rouge n'ont pas répondu, informe-t-il en posant son téléphone. Je pense qu'ils vont nous demander une preuve qu'elle est bien vivante.
— On leur fournira.
— Qu'est-ce qu'on fait s'ils rappliquent ici ?
— Ils peuvent essayer. J'ai failli me faire tuer une demi-douzaine de fois en faisant le trajet. Les pumas auront raison d'eux. S'ils veulent Léonie, ils devront les tuer en premier.
Depuis hier, le chalet est encerclé par les pumas. L'étau se resserre et nous risquons vraiment de tous y laisser notre peau. Le Diamant Rouge n'aura pas le choix, s'il veut récupérer son alpha.