Il fallut plusieurs minutes à Louis pour ouvrir les yeux. Ses cils étaient encore collés par le sommeil et sa bouche pâteuse. Il se sentait un peu groggy, comme s'il avait dormi pendant des jours, et il avait l'impression que des centaines de nains martelaient sa tête à coups de pioche. Une odeur de bétadine vint jusqu'à ses narines ce qui lui fit froncer les sourcils. Mais à vrai dire, il se fichait de tout. Il avait juste envie de dormir pendant encore quelques semaines, voire des mois. Voilà, il voulait hiberner.
Il s'apprêtait à réaliser ce souhait lorsqu'il sentit une main lui caresser la joue.
Et peut-être que ce fut ce simple contact qui l'aida à se remémorer les derniers évènements de son incroyable semaine, car il sursauta et ouvrit brusquement les yeux.
Son regard tomba d'abord sur un poignet tatoué dont l'immense main caressait sa joue gauche. Puis il glissa sur le bras de son propriétaire, remonta sur une blouse blanche et s'arrêta sur des cheveux bouclés.
"Harry.", chuchota Louis, d'une voix à la fois hébétée et étranglée par le soudain sanglot qui voulut s'échapper de ses lèvres.
Le concerné lui fit un immense sourire attendri et ses yeux verts se plissèrent de joie et- Et il souriait vraiment, de ce sourire qui creusait ses fossettes et lui créait des pattes d'oie aux coins des yeux, pas celui figé du à la maladie.
Il avait retrouvé son Harry.
Le bouclé était allongé sur un lit d'hôpital qui avait été accolé au sien et une épaisse couverture le recouvrait. Il avait toujours le teint pâle et il voyait qu'il était toujours fatigué, mais il avait l'air d'aller bien.
Un autre sanglot voulut s'échapper des lèvres de Louis à cette vue mais il fut vite écrasé par la bouche d'Harry.
Il n'aurait su dire si c'était le bouclé qui avait initié ce mouvement ou bien lui-même, mais il s'en foutait royalement.
Il inspira un grand coup l'odeur d'Harry et même s'il sentait le désinfectant et la transpiration, c'était définitivement son parfum préféré au monde. L'une de ses boucles vint chatouiller son nez et une sorte de rire incontrôlable s'échappa de ses lèvres. Peut-être était-ce un rire nerveux, peut-être qu'il ne réalisait juste pas tout ce qu'ils avaient vécu en une semaine, ou peut-être était-ce tout simplement dû au bonheur de le revoir bien vivant et réveillé. Mais il n'eut pas le temps de se poser plus de questions qu'il entendit également Harry rire dans son oreille, et tout lui sembla à la fois si absurde et réel qu'il se mit à rire encore plus fort.
Leurs lèvres vinrent se rejoindre d'elles-mêmes à plusieurs reprises, et c'était beau.
C'était beau parce que c'était confus.
C'était à leur image. Chaotique, désordonné, abîmé, mais surtout tendre.
Des larmes vinrent se mélanger à leurs baisers mais cela ne les empêchait pas de rire et ils n'arrivaient pas à se détacher de l'autre. Leurs mains se touchaient, s'effleuraient, s'agrippaient, se caressaient. Ça n'avait plus vraiment de sens, c'était comme s'ils faisaient tout pour garder un lien physique entre eux sans savoir pour autant comment faire. Ils avaient besoin de plus, toujours de plus.
"Je t'aime, je t'aime, je t'aime..."
Et ça non plus, Louis n'était pas vraiment sûr de savoir de qui cela venait. Ça envahissait la pièce dans tous les sens et cela n'avait pas vraiment de cohérence. Ces mots glissaient des lèvres de l'un pour finir entre celles de l'autre, et Louis n'aurait voulu échanger sa place pour rien au monde.
Après plusieurs minutes passées ainsi, Harry glissa ses deux mains sur les joues de Louis et le regarda droit dans les yeux. Il vit tellement de choses passer à travers ses iris verts qu'il en eut le tournis. Il y avait de la tendresse, du soulagement, de la reconnaissance, de la joie, de la tristesse également et de l'amour. Tellement d'amour que cela l'apaisa immédiatement.
Puis il se remémora la détresse qu'il avait ressentie lorsqu'Harry avait fait cette crise cardiaque et il posa instinctivement sa main sur son cœur. Le bouclé colla leur front l'un à l'autre en inspirant un grand coup, et Louis écouta attentivement les battements de son cœur.
Dans le fond, c'était un peu leur truc à eux, ça. C'était le premier geste qu'Harry avait eu envers lui après l'explosion à la station-service, et c'était également ce que Louis avait fait lorsqu'il lui avait dit qu'il l'aimait pour la première fois.
Il s'apprêtait à l'embrasser à nouveau lorsqu'Harry se mit soudainement à éclater en sanglots :
"Je suis désolé pour tout, Lou, pour tout. C'est à cause de moi tout ça, j'aurais dû écouter Liam, je n'aurais jamais dû insister pour-
_Pour quoi ? Pour avoir voulu me faire le plus beau des cadeaux d'anniversaire ? Avant ce jour-là je ne m'étais jamais senti aussi libre de toute ma vie, mais tu veux t'excuser pour ça ? murmura Louis tout en continuant de le regarder dans les yeux. Et je t'interdis de te rendre responsable de ce qui nous est arrivé ensuite."
Le plus jeune vit toute la culpabilité du monde briller dans son regard mais Harry ne le contredit pas, sachant que Louis ne démordrait pas.
Chacun avait gagné quelques démons durant cette semaine, mais ils prendraient le temps de les chasser ensemble. Cependant, ils s'en chargeraient plus tard, pas maintenant. Maintenant ils allaient prendre le temps de se retrouver.
Alors il l'embrassa à nouveau, savourant le moment.
Néanmoins il fut rapidement coupé dans son élan lorsqu'il entendit un ronflement provenant du fond de la pièce.
Les deux garçons levèrent la tête vers le bruit et Louis prit enfin le temps d'analyser ce qu'il y avait autour de lui.
Il repéra rapidement Niall puisque le ronflement venait de lui. Il était allongé sur l'un des lits de l'infirmerie et Zayn était contre son flanc. Greg était assis sur une chaise en face d'eux, sa bouche grande ouverte, sa tête penchée vers l'arrière et ses yeux étroitement fermés. Rick et Geoff avaient posé leur tête sur une table juste à côté du bureau de Lou qui était elle-même aussi à moitié avachie dessus. Un peu plus loin Liam était assis contre un des murs et la tête de Kelly reposait sur son épaule. Et lorsque Louis redressa un peu plus son buste pour regarder par-dessus l'épaule d'Harry il eut le plaisir de découvrir Lottie et Lux étroitement intriquées dans le lit juste derrière lui.
"Ils étaient tous là lorsque je me suis réveillé ce matin, expliqua Harry d'une voix douce. Apparemment on est rentrés depuis deux jours mais ils n'ont pas voulu nous laisser tranquilles, de vrais pots de colle..."
Louis sourit de toutes ses dents en voyant le spectacle qu'ils offraient.
Il regarda leurs amis une deuxième fois et une boule de tendresse vint se loger dans son ventre.
Non, ils n'étaient pas juste ses amis, ils étaient sa famille.
Et Louis n'imagina pas à quel point ils avaient dû paniquer lorsqu'ils ne les avaient pas vu arriver.
"Il faudra que je m'excuse auprès de Greg et Niall d'ailleurs, reprit le plus jeune. J'étais tellement centré sur toi que je n'ai pas arrêté de les repousser alors qu'ils ne faisaient qu'essayer de nous aider."
Harry roula des yeux, l'air de dire qu'il n'avait même pas à s'excuser pour cela, qu'ils comprendraient, mais il n'ajouta rien.
Ils se regardèrent fixement pendant plusieurs minutes sans rien dire. Louis avait remis sa main sur le cœur du bouclé et continuait à se calmer en entendant les battements de son cœur. Après un instant Harry posa sa propre main sur la sienne et chuchota :
"Est-ce que tu as conscience que c'est grâce à toi qu'il bat encore ?"
Louis déglutit difficilement et secoua doucement la tête. Honnêtement, non, il ne réalisait pas. Il savait que sans lui Harry ne serait pas revenu à temps à la base, mais ce qu'il ne réalisait pas était qu'il avait réellement failli mourir. Ou peut-être était-ce le fait de le voir là devant lui qui lui faisait étrange, il avait l'impression de rêver.
"Tu sais..., continua Harry. Depuis que je suis attaquant je m'étais toujours préparé mentalement à ce moment. Je savais que je n'allais pas vivre longtemps et pour être honnête... Ça ne me faisait rien. Je me disais que dans tous les cas je me rendrais assez utile durant ces années d'activité pour que ma vie ait un sens, pour que mon sacrifice vaille la peine mais... Je n'accordais pas assez d'importance à ma propre vie pour m'en soucier. C'était en grande partie pour ça que je restais toujours aussi calme sur le terrain, aussi calculateur, parce que ma mort ne m'effrayait pas. Et pourtant, lorsque j'étais dans la voiture et que tu conduisais, je n'arrêtais pas de me répéter que... je ne voulais pas mourir. Je sais que l'instinct de survie y est aussi pour beaucoup, mais c'est surtout que je ne voulais pas vous quitter."
Harry serra un peu plus fort ses doigts.
"Et j'ai fini par comprendre que si je n'avais pas peur à ce point de mourir avant aujourd'hui, c'était parce que j'étais trop occupé à avoir peur de vivre. Avant toi, je ne vivais pas, je survivais."
Il vint essuyer la larme qui venait de couler le long de la joue de Louis et poursuivit :
"Et je t'aime si fort Louis... Je t'aime au point de vouloir vivre. Je veux qu'on vive une merveilleuse vie ensemble, et je veux m'éteindre dans tes bras à l'âge de quatre-vingt-quinze ans. Je veux des rires, des éclats de voix, des engueulades pour des broutilles du quotidien, des baisers, de l'amour, oui, beaucoup d'amour... Mais je ne veux plus de drames, je n'en veux plus aucun."
Louis avait plongé dans les yeux vert émeraude d'Harry depuis qu'il avait commencé à parler, et il le crut. Il le crut parce que l'image de cette vie presque parfaite dansait devant ses iris.
"Waouh, souffla le plus jeune. Avec cette vie-là on est capable d'être heureux n'importe où, non ? le bouclé acquiesça. Même en Suisse..."
Un immense sourire vint brusquement s'emparer des lèvres d'Harry en comprenant que Louis faisait allusion à ce qu'il lui avait murmuré lorsqu'ils étaient dans la voiture. C'était un rêve auquel le bouclé avait toujours aspiré sans jamais croire un jour qu'il pourrait être vrai. Mais il ne pensait pas non plus tomber un jour amoureux, alors il fallait croire que tout était possible finalement. Il caressa sa joue avant de se pencher pour l'embrasser. Et quand il se décolla, il souffla contre ses lèvres :
"Oui, même en Suisse."
« Nos raisons de vivre sont nos raisons de mourir. »
Le problème avec les accidents est qu'ils arrivent toujours au moment où on s'y attend le moins.
On est négligent, notre esprit est ailleurs, on ne fait pas attention... Et la catastrophe se produit.
Et ce jour-là, alors que leurs amis étaient tous regroupés dans l'infirmerie et que le reste de la base vaquait à leurs différentes occupations, une erreur fut commise.
Dimitri, l'un des informaticiens, avait travaillé toute la journée. Il était épuisé et n'aspirait qu'à une chose : se reposer. Alors il n'avait pas fait attention. Il n'avait pas réalisé qu'il n'avait pas vérifié tous les programmes censés protéger la carte mémoire qui contenait toutes les informations sur Washington.
Ce n'était censé être qu'un petit impair, de la négligence, de l'oubli.
Les gens étaient négligents.
Mais s'il avait pris cinq minutes pour s'assurer que tout était encore sous contrôle, il aurait vu qu'un virus venait de pirater le système.
Et peut-être que cela lui aurait ainsi permis de comprendre que la vie qu'ils avaient jusqu'à présent menée à la base n'existerait plus.
Et qu'en l'occurrence, il lui resterait seulement vingt-sept jours avant que la sienne ne s'achève.
Hey mes beautés fatales !
Chapitre assez court je dois l'avouer mais je trouvais que mettre l'autre partie maintenant aurait été dommage ! J'espère que cela vous aura quand même plu...
J'annonce OFFICIELLEMENT que demain je réponds à vos messages, parce que ça s'empile et je n'aime vraiment pas l'idée de vous répondre ! Vous êtes vraiment beaucoup trop importants pour moi, ok ? Et ça me manque de parler avec vous, alors je fais mon possible pour trouver du temps !
Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre en général ? Du moment des retrouvailles entre Louis et Harry ? De leurs amis qui veillaient sur eux au point de refuser de quitter l'infirmerie même pour dormir ? De ce projet en Suisse, rêve ou réalité qui finira par s'accomplir ?
Quant à la deuxième partie, quelle menace va s'abattre sur la base ? Car oui, vous l'aurez compris - certaines d'entre vous l'avait déjà deviné -, c'est dans le coeur même de la base qu'un drame se produira ! Et cette fois-ci, ce drame sera le dernier de cette histoire, donc il faut s'attendre à tout (même si j'ai un coeur évidemment et que je ne compte pas massacrer tout le monde non plus hein!).
Je compte poster la suite dimanche mes chats !
xx