J'étais Ashika Archeon. Fille de Warren Archeon, Krig de Canberra. Krig de l'Empereur.
J'étais Ashika Archeon et j'étais une lycan.
J'étais Ashika Archeon. Et j'avais grandi dans un Fief, avec les hommes de mon père.
J'étais Ashika Archeon.
J'étais...
— Yona.
La voix de Joshua me paraissait lointaine. Comme en sourdine. Je pouvais sentir ses bras autour de moi, mais j'étais vide à l'intérieur. J'avais froid. Comme la première fois. Lorsque je courrai dans ces bois, lorsque j'avais heurté Joshua.
C'est là que tout avait commencé.
J'étais devenue Yona.
Yona.
Yona. Yona. Yona.
Mais j'étais Ashika Archeon. Et quelque part, mon père était là. Vivant. Est-ce qu'il m'attendait ? Est-ce qu'il m'avait... enterrée ? Un cercueil vide, des gens en blanc, les lycans hurlant leur peine à la lune ?
J'étais Ashika Archeon.
J'étais...
Mes larmes dévalaient mes joues. Elles coulaient. J'avais un sanglot coincé au fond de ma gorge.
J'avais une famille.
Parfois dans mes rêves, je m'en étais souvenue. Je m'étais souvenue de mon père. De cette fois où j'avais hurlé, espérant qu'il vienne. Espérant qu'il arrive.
Mon papa. Il était en vie ? Est-ce qu'il... se souvenait de moi ?
Je fermai les yeux, agrippant le bras de Joshua avec mes mains. Il était mon ancre. Il était ma réalité. Un tout indissociable.
J'étais Yona parce qu'il était Joshua.
J'étais devenue moi parce qu'il était lui.
Je pleurais en silence.
Mais jamais aucune larme, aucun sanglot ne serait suffisant pour panser ma douleur.
Pour panser tout ce que j'avais oublié.
« — Tu es l'âme déposée pour moi sur cette Terre, petit cœur. Tu es mon Anchor. Tu es mon plus beau cadeau ».
L'espace d'un instant, je fus incapable de respirer. De faire entrer de l'oxygène dans mes poumons. C'était bloqué.
C'était... bloqué.
— Je t'aime mon papa. Toujours. T'es mon Anchor à moi.
Est-ce que ça avait toujours été là ? Dans un coin de ma tête ? Dans un coin de mon cœur ? Les souvenirs ? L'amour ?
Je ne savais pas. Ça faisait bien trop mal de se dire que tout avait été là. Depuis le début. Mais je n'arrivais pas à tout atteindre.
Je n'arrivais pas à faire rejaillir Ashika Archeon.
Qui était-elle ?
Comment avait-elle été ?
Gentille ? Capricieuse ? Amoureuse ? Triste ?
Joshua avait tenu sa promesse. Il avait retrouvé ma famille.
Ma... famille ?
Et... Raphaël et Lilibeth ? Et Joshua ? S'ils n'étaient pas famille, qu'est-ce qu'ils... étaient ?
Joshua me laissa me retourner dans ses bras, mon visage collé contre sa joue. Il m'enveloppa. Et je me sentis en sécurité.
Je me sentis bien. Il était ma seule réalité. La seule qui était tangible.
La seule qu'il me restait pour le moment. Et je voulais m'y accrocher de toutes mes forces. Je voulais m'accrocher à Joshua et ne pas le lâcher.
Parce qu'alors, que se passerait-il ? Parce qu'alors, est-ce que je retrouverais mon chez moi ?
— J'suis désolée, papa. J'suis désolée.
Mes ongles dans la peau de Joshua qui ne broncha pas. Il me tenait.
Il. Me. Tenait. Ce n'était pas à bout de bras. Mais c'était tout pareil. Mon ancre. Il était ma réalité là où tout, absolument tout, se confondait.
Je ne pouvais pas le lâcher.
Parce que c'était chuter. Et ne plus se relever.
C'était oublier.
Lui, moi, nous.
Yona et Ashika.
Ashika et Yona.
J'ai jamais écrit de mot à une fille. Mais t'es pas n'importe quelle fille. T'es Yona. Celle qui a déboulé dans ma vie et qui a tout chamboulé.
Tu m'as retourné et t'es devenu le centre de mon univers. On est une équipe. On est une famille. Et même si tu n'es plus ma Yona, tu resteras toujours mon chez-moi. Là où j'aurais envie de revenir. Là où je sais que tu seras toujours.
Je t'ai sauvée et un petit bout de moi est venu en toi. Tu m'as sauvé et un petit bout de toi est venu en moi.
Ensemble, on est complet.
Parce qu'on est une famille. Que tu sois Yona ou une autre.
Yona restera le centre de notre petit univers.
Mes doigts entrelacés à ceux de Joshua.
Que je sois Yona ou Ashika, il restait mon Joshua. Je le sentais. Maryse avait tort quand elle disait que notre relation finirait par devenir toxique pour mon futur.
Elle avait tort en pensant pouvoir nous séparer.
Sans lui, je n'aurais jamais quitté ces bois. Sans lui, je n'aurais jamais su qui j'étais.
Je reniflai.
— On est une famille, soufflai-je.
Et il opina, un léger sourire, pleurant lui aussi. On était soudé l'un à l'autre. L'extension de l'autre.
J'avais peur de redevenir Ashika.
J'avais peur d'oublier Joshua.
J'avais peur.
— Une famille, ça reste ensemble, hein ?
Je voulais qu'il promette. Je voulais qu'il me le dise.
— J'veux pas qu'on soit plus ensemble.
Ma voix était faite de trémolos et de terreur sourde. Dans mon cœur, une tempête se déchainait. Elle ébranlait tout sur son passage, me faisais tournoyer.
— Promets-le moi, Joshua, dis-je dans un souffle. Promets qu'on sera pas séparés. Que tu seras là.
Il me serra fort. Si fort que nos os auraient pu se souder les uns aux autres.
— Je serais là. Je serais là.
Je respirai son odeur.
Je m'ancrai à sa présence. Et j'inspirai.
— Je suis Ashika Archeon.
Les souvenirs se heurtaient et se mêlaient. Des visages et des sentiments. Des hurlements et des rires.
Papa.
Abel et Yuri.
D'autres visages. D'autres présences. Deux garçons. Des promesses. Des enfants dormant dans un même lit.
— Mais on m'appelait Hachi.
Oui.
C'était ça.
Ni Yona ni Ashika.
Mais Hachi.
C'était un chiffre en Japonais. C'était un surnom.
C'était moi.
Les mains de Joshua prenant mon visage en coupe. Ses yeux brillants de son lycan.
Sa chaleur se répandant le long de mon épiderme.
— Salut, Hachi. Enchanté de faire ta connaissance.
Ensemble, on était complet.