18 | Raphaël

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— Explique-moi comment tu fais, dit Malcom en surgissant à mes côtés.

La musique du magasin me donnait mal à la tête. C'était toujours le même CD qui tournait en boucle et au bout d'une journée, en général, j'avais juste envie de fiche le camp d'ici. Même si pour le coup, c'était pour retrouver Joshua et sa mauvaise humeur. J'allais m'en sortir, comme toujours. Je l'avais pris par surprise et je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Même si je comptais bien lui faire entendre raison par la force des choses. Il était hors de question qu'il n'utilise pas son intelligence. Qu'il ne devienne pas quelqu'un avec des responsabilités. Aucun lycan n'était prédestiné à la naissance à un poste particulier. Ce qu'on avait, on le méritait. C'est ce que je passais mon temps à dire à Joshua. Je voulais lui faire comprendre que chaque effort amenait à quelque chose et qu'il ne suffisait pas d'attendre. J'en savais foutrement quelque chose. Je n'étais pas un Freiherr pour rien. Mon rôle au sein de ma meute, je l'avais gagné. Et je voulais que Joshua agisse pour qu'il soit fier de lui-même à long terme.

— Je me le demande moi-même, grommelai-je, en voyant les clients passer à la caisse.

J'étais sûrement le pire vendeur de la terre entière et honnêtement, ce n'était même pas un euphémisme. Je travaillais dans ce magasin de bricolage depuis une paire d'années maintenant, et j'étais sûr d'avoir loupé la moitié de mes ventes. Mais Malcom disait que j'avais un don pour charmer les gens et leur faire prendre conscience de leur vrai besoin. Il parlait bien Malcom ; c'était plutôt lui le charmeur de nous deux. Mais lui, quand on lui demandait une scie, il n'allait pas chercher une visseuse. Ouais, c'était à ce point-là. Le fait que je n'avais pas été encore viré tenait juste au fait que mon meilleur ami était le patron de cette chaine de magasins et qu'il prenait un malin plaisir à me regarder me dépatouiller tout seul. Qui avait dit que l'amitié était simple ?

Malcom, le fameux meilleur ami et patron, éclata de rire et me donna un coup dans l'épaule. Il était aussi grand que je l'étais, avec des cheveux d'un blond clair tirant un peu sur le châtain. C'était un sacré filou, mais un homme droit dans ses bottes qui avait su trouver le bon filon pour ne jamais avoir à manquer de rien. Notre rencontre remontait à un sacré bout de temps et il était devenu un membre de la famille, même s'il n'avait rien d'un lycan.

— Ton sourire fait vraiment son petit effet.

Je secouai la tête. Pour ça, j'avais quand même un doute. Je n'étais juste pas très bon dans mon boulot, mais ça n'avait jamais été une grande nouveauté pour moi.

Malcom m'avait aidé lorsque j'avais récupéré Joshua et que j'avais commencé à avoir beaucoup de mal à gérer les deux bouts. On avait beau dire ce qu'on voulait, mais prendre en charge un gosse, c'était des dépenses. Ça ne me faisait pas regretter, mais sans Malcom, j'aurais eu beaucoup de mal à garder la tête hors de l'eau. Avant de bosser pour lui, j'étais dans les assurances. Métier plus ennuyant, vous mourriez. Là aussi, je n'avais pas été capable de faire comme mes paires : arnaquer les gens et leur vendre tout et n'importe quoi. Je n'étais pas bon pour entuber de toute façon. Un peu trop intègre il fallait croire.

— Tu parles. Ils ont dû croire que mon patron était un gros con qui allait me virer s'ils n'achetaient rien.

Malcom rit encore plus fort, attirant quelques regards sur nous. Je reçus une vigoureuse tape dans le dos et son téléphone sonna dans sa poche :

— Passe me voir avant de partir, j'ai un truc pour toi.

Je hochai la tête et il retourna dans son bureau. La chaine de magasins de Malcom était la meilleure de l'État. En termes de qualité et de prix, on ne trouvait pas mieux ailleurs. Mais l'homme qu'il était savait flairer les bonnes affaires et surtout, avait un besoin constant de changement. Il voulait faire autre chose ; rester dans le domaine, mais penser d'une manière différente. Et pour une raison qui m'échappait un peu, il voulait le faire avec moi. Malcom était le genre d'homme qui donnait bien trop de lui-même. Qui aurait été capable de vendre son âme pour sauver un ami. Je ne comptais plus le nombre de fois où il m'avait proposé de l'argent pour que je ne sois plus du tout dans le besoin. J'avais refusé, mais c'était grâce à lui si tout roulait pour nous. Alors s'il attendait quelque chose de ma part, je n'étais pas en position de refuser. Et puis, j'étais intrigué. Parce que pour une fois dans mon expérience professionnelle, je semblais plus que capable de remplir la tâche que Malcom attendait de moi.

OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]Where stories live. Discover now