OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]

30 | Raphaël

Le blackout total dans mon esprit. Je n'étais pas sûr d'avoir compris ce que venait de dire Beth. Je clignai des yeux ; pas que ce soit relié avec mon ouïe, mais sait-on jamais, après tout...

— Tu n'es pas sérieuse, soufflai-je.

Je secouai la tête. Elle ne pouvait pas juste dire ça ; demander ça. Pas... pas comme ça, bon sang ! C'était... complètement fou comme idée. S'en rendait-elle compte ?

— Bien sûr que je le suis. Marions-nous, Raphaël. Marions-nous.

Elle le répétait. Pour s'en convaincre ou pour m'en convaincre ? Je lui tournai le dos, commençant à tourner comme un lion en cage. Elle ne se rendait pas compte. Elle avait perdu la tête ! C'était la seule raison à sa demande insensée. Il n'y avait pas plus posé que Lilibeth et là...

Non. Non, c'était tout bonnement impossible.

— Je t'assure que ce n'est pas ce que tu veux, Beth.

Si j'avais pu m'arracher des touffes entières de cheveux, je l'aurais fait. Mon lycan remua en moi, mal à l'aise. Lui aussi trouvait ça dingue ? On était au moins deux, bordel !

— Qu'est-ce que tu en sais ? répliqua-t-elle avec une virulence que je lui connaissais à peine.

Je fis volte-face, le cœur battant sourdement, et le sang heurtant mes tempes :

— Parce que je suis MOURANT ! hurlai-je.

Ça me prit de l'énergie.

Ça me vida de toutes mes forces et la seconde suivante, je chancelai. C'était toujours là, pas seulement une ombre derrière moi. Pas seulement un étau tout autour de mon corps.

C'était une putain d'épée de Damoclès au-dessus de moi, qui empoisonnais mon existence tout entière et qui me forcerais, un jour, à briser la promesse que j'avais faite à Joshua.

N'était-ce pas suffisant ? N'en portais-je déjà pas assez ?

Beth ne comprenait pas... elle ne...

Je me retrouvai appuyé contre la table, les épaules voutées, le visage face au sol.

Parfois, je me réveillai en pleine nuit, étouffant, paniquant.

Je me demandais ce qu'allait devenir Joshua, je me demandais combien de temps il me haïrait. Un jour, il m'oublierait. Un jour, il comprendrait comment par amour, on pouvait préserver une personne.

— Tu ne peux pas vouloir qu'on se marie, Beth. Tu ne peux pas vouloir te marier à quelqu'un dont la date d'échéance arrive de plus en plus vite.

Ma voix était cassée, tout autant que mon âme était fissurée. Je ne voulais pas qu'elle vive dans mon souvenir après ma mort. Elle était trop pleine de vie pour ça. Je ne voulais pas être une ancre à sa cheville et l'attirer vers le fond.

Cette idée me tuait un peu plus.

Beth se retrouva devant moi, agrippant mes mains, s'y cramponnant. Je ne relevai pas la tête, n'avait pas ça en moi pour le moment.

— Je t'aime, souffla-t-elle. Je t'aime à un tel point que c'en est douloureux, dévastateur. J'ai pris une partie de toi pour la mettre en moi et quand tu t'en iras, ce sera la seule chose qu'il me restera. Ce n'est pas assez. Je veux plus, Raphaël. Je veux tellement plus que le peu de temps qu'il nous reste. Tu dois comprendre ça, tu dois... être capable de comprendre.

Je secouai la tête. Et si je ne le voulais pas ? Et si je ne voulais pas lui donner plus ? Je ne voulais pas la briser comme j'allais le faire pour Joshua. Si je pouvais atténuer ma mort au moins avec une personne, je voulais que ce soit Beth.