OUR ANCHOR T1 Broken [Terminé...

By Shirayukitaki

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La fille d'un des plus puissants Krig d'Australie disparaît. Dans son sillage, elle emporte bien plus que son... More

I - Broken
Avant-propos
Informations générales
Casting #1
Soundtrack Our Anchor
Première partie
1 | Warren
2 | Ashika
3 | Maze
4 | Warren
5 | Ashika
6 | Maze
7 | Warren
8 | Joshua
9 | Raphaël
10 | Warren
11 | Lilibeth
12 | Ashika
13 | Maze
14 | Joshua
15 | Lilibeth
16 | Warren
17 | Ashika
18 | Raphaël
19 | Maze
20 | Lilibeth
21 | Warren
22 | Joshua
23 | Raphaël
24 | Maze
25 | Joshua
26 | Lilibeth
27 | Warren
28 | Ashika
29 | Maze
30 | Raphaël
31 | Lilibeth
32 | Joshua
33 | Warren
34 | Raphaël
35 | Maze
36 | Ashika ⚠️
37 | Warren ⚠️
38 | Maze
39 | Ashika
Debrief première partie
Casting #2
Deuxième partie
40 ||
41 || Joshua ⚠️
42 || Lilibeth
43 || Abel
44 || Raphaël
45 || Maze
46 ||
47 || Joshua
48 || Lilibeth
49 || Abel
50 || Warren
51 || Raphaël
52 || Yona
53 || Maze
54 || Abel
55 || Warren
56 || Joshua
58 || Yona
59 || Raphaël
60 || Achilles
61 || Joshua
62 || Lilibeth
63 || Warren
64 || Raphaël
65 || Yona
66 || Maze
67 || Warren
68 || Abel
69 || Lilibeth
70 || Joshua
71 || Raphaël
72 || Lilibeth
73 || Joshua
74 || Yona
75 || Warren
76 || Maze
77 || Raphaël
78 || Evy
79 || Abel
80 || Ashika
81 || Warren
82 || Raphaël
83 || Lilibeth
84 || Joshua
Fin || Remerciements
Our Anchor || Tome 2

57 || Lilibeth

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By Shirayukitaki

Je me redressai de la machine et poussai le bac. Le programme fut lancé et je sifflotai en retournant dans la maison. La machine à laver et le sèche-linge étaient dans le garage, ce qui était pratique pour étaler le bordel. La musique tournait en fond dans le salon et je me mis à danser dessus, agitant mes hanches sur le rythme.

Je ne portai que mon boxer de la nuit avec un t-shirt, mais franchement ce n'était pas bien grave. Raphael avait été voir Malcolm pour une histoire de travail. Je n'avais pas forcément demandé de détails vu qu'il m'avait dit qu'il allait rentrer directement après. Joshua et Yona étaient sur la terrasse, bossant et dessinant. Je n'avais pas proposé à Yona des cours par correspondance, car je voulais la ménager, mais c'était peut-être un nouvel élément à réintroduire dans son quotidien. Peu importe la famille d'où elle venait, elle avait reçu une très bonne éducation. Je m'amusai un peu dans le salon avant d'aller me préparer un café. Cela acheva de me réveiller. La douche fut de mise et je rejoignis Joshua et Yona sur la terrasse. Le soleil était timide, mais ça pouvait se dégager dans l'après-midi.

— Une petite balade, ça vous tente ?

Cela faisait un peu plus d'une semaine que je tentais de préparer Yona à ça. Lors d'une séance avec Maryse où tout avait été un peu rude, bloquant la parole de Yona pour quelques jours supplémentaires, j'avais fait en sorte de garder le contact avec elle, même si ce n'était que des gestes. Joshua m'avait avoué qu'elle avait mis deux jours à lui adresser de nouveau la parole. Ce qui avait eu le don de l'énerver. J'étais très à l'écoute de Joshua depuis la dernière fois qu'il avait pété un plomb pour une broutille. Les accès de colère chez lui arrivaient souvent après une nuit de cauchemar et Yona avait fini par me souffler ces moments-là avant que je les repère mieux.

Ce qui me rendait toujours aussi sceptique c'était l'attitude de l'un envers l'autre. Yona m'aidait à prendre en charge la douleur et la colère de Joshua, tout comme ce dernier m'aidait à comprendre les humeurs de Yona. Chacun tentait d'assimiler l'autre de telle façon à le comprendre au-delà des mots. Ils géraient les réactions de l'autre dans une mesure tout à fait relative, mais de plus en plus visible. Leur soutien était indéniable, mais à terme, Yona devrait retrouver sa famille non ? Allions-nous devenir la sienne ? Est-ce que quelqu'un l'attendait ?

Je caressai doucement ses cheveux attachés sur sa nuque. Ils poussaient vite. Elle me jeta un coup d'œil timide et j'aperçus les lettres sur son cahier. Elles s'enchainaient, comme des pensées qu'elle ne pouvait contrôler. Je reconnus les lettres, mais elles n'étaient pas forcément dans le bon sens. Beaucoup de ratures brouillaient le mot « papa ». Elle n'avait encore jamais écrit le mot « maman ». Peut-être que sa mère n'était pas présente dans sa vie d'avant, mais que son père oui. Et si son cerveau se remémorait ce détail, c'était une bonne chose. Malgré qu'elle ne se souvienne pas de son viol, elle se rappelait certains épisodes de sa séquestration. Et quand les crises arrivaient, nous savions tous que c'était à cause de ça. Certains gestes du quotidien lui rappelaient forcément des scènes, des épisodes qui étaient arrivés là-bas.

Le plus frustrant de toute cette histoire, c'était que l'enquête n'avançait pas. Les flics étaient même prêts à mettre sa séquestration de côté pour se concentrer simplement sur ses fuyards et ses kidnappeurs. Je m'installai sur une autre chose et les observai tour à tour. Joshua était concentré. Yona aussi. Chacun avait un écouteur dans l'oreille. Ils écoutaient la même musique et semblaient apprécier ces moments calmes tous les deux.

— J'ai encore un peu de boulot, répondit Joshua en mordillant son crayon.

Il ne portait pas ses lunettes aujourd'hui et cela lui allait tout aussi bien. Apparemment, ses lentilles étaient bien plus pratiques, ce que je ne pouvais qu'approuver.

— D'accord. Yona ? m'enquis-je.

Elle jeta un coup d'œil à Joshua et finit par hausser ses épaules.

— Bon, dites-moi si vous avez faim que je commence à faire à manger.

Ils hochèrent la tête. Je poserai de nouveau la question demain ma foi. Peut-être que le moment serait meilleur pour les deux. Je décidai d'aller courir un peu pour garder la forme, mais dus attendre que Raphael rentre pour le faire. Nous nous étions donné une seule règle depuis la présence de Yona et l'état de Joshua. Il devait toujours y avoir un adulte à la maison. Cela faisait aussi partie des raisons pour lesquelles j'avais pris un gros congé.

J'étais en train de mettre le sèche-linge en route quand j'entendis la porte d'entrée claquer. Je repassai dans la cuisine pour rejoindre Raphael. Quand il apparut, je sentis mon cœur se serrer. Ses cernes ne cessaient de s'accentuer, comme si la fatigue s'accumulait. Pourtant, il dormait presque dix heures par nuit. Son corps essayait de compenser les efforts qu'il mettait à combattre sa maladie. Je passai de l'autre côté du bar et m'approchai de lui. Il poussa un long soupir quand mes mains se posèrent sur ses joues.

— Tu es dans un état, soufflai-je.

Il pressa son front contre le mien et resta quelques secondes sans bouger. Je pouvais presque sentir ses ondes de douleur qui émanaient de son corps. Je glissai mes mains sur sa nuque et déposai un baiser chaste sur ses lèvres.

— Je pense aller faire une sieste, admit-il en grimaçant.

Je hochai la tête.

— Je vais faire manger les monstres et j'irais courir après. Ça ira ?

Raphael caressa ma joue et hocha la tête. Il alla saluer les enfants et monta sans un mot de plus. Je déglutis et frottai mes bras. Nous avions du temps. Nous pouvions encore profiter. Nous pouvions...

Je sursautai quand Joshua m'appela. Je le rejoignis et vis qu'il bloquait sur une notion particulière de son cours.

— J'ai bien l'impression que le Krig est entouré de sa meute, certes, mais j'ai aussi un doute. Peut-il avoir plusieurs Ritters qui seraient en charge même de certains aspects spécifiques du Fief ou doit-il placer certains de ses jeunes recrues pour... les entraîner ? La taille des Fiefs est-elle liée à ça ? Ici, ça dit un truc et là un autre.

Il se gratta la tête. Je n'étais pas experte des Fiefs, mais je savais que selon la taille du Fief, le Krig avait tous les droits de nommer certains de ses hommes.

— Il a plus de chance que ça tienne mieux avec ses hommes, marmonna Yona.

On releva notre regard sur elle, surpris tous les deux. Elle nous jeta un coup d'œil amusé et haussa ses épaules.

— Ça paraît logique, non ? souffla-t-elle indécise.

Elle tira le livre de Joshua sur le fonctionnement de l'armée et nous montra une page. Elle tapota le paragraphe sur le maintien du respect dans les rangs.

— Là, c'est dit que mettre des recrues peut aider à partir du moment où elles sont prêtes à prendre leur poste, histoire de les occuper, je suppose.

Elle débita ça et Joshua prit le relais, visiblement sur la même longueur d'onde.

— En gros, plus facile de rendre des comptes quand tu es conscient de la valeur de tes ordres, traduisit-il à sa façon. Si tu mets des jeunes, ils ne donneront pas la même satisfaction que tes hommes qui savent exactement ce que tu attends d'eux. Formation avant expérience.

Je me redressai quand ce point fut clos. Yona aidait-elle depuis longtemps Joshua sur les notions d'armée ? Peut-être qu'elle avait vécu dans une famille de militaire. Je m'éclipsai pour aller terminer le repas. Une fois que les troupes furent nourries, j'enfilai mon ensemble de course. En passant par la chambre, je découvris un Raphael à la sortie de la douche. Il s'essuya le torse, mais je regardai le reste de son corps. Il arrivait encore à bien s'alimenter, et même sa petite perte de poids ne se voyait pas sur ses muscles.

Je m'approchai de lui et déposai un baiser sur sa bouche. Il me sourit avec des yeux un peu endormis. Sa main glissa sur mes fesses.

— Je reviens vite, dis-je en fermant mon gilet.

— J'adore te voir dans cette tenue, minauda-t-il contre ma bouche.

Je ris doucement et tapotai son nez.

— Si tu es sage, je m'occuperai de toi à mon retour.

Il hocha la tête, un petit air de malice au fond de ses yeux. Je ne compris pas trop son ton amusé, mais je le découvrirais tôt ou tard.

Je vissai mes écouteurs sur mes oreilles, poussai la musique à fond et me mis à courir. Les nuages m'empêchaient d'avoir trop chaud, mais vu le vent froid qui commençait à souffler, j'aurais préféré un peu de chaleur du soleil. Je réussis à tenir une heure avant d'avoir les poumons en feu et la gorge rêche.

Je retournai vers la maison à bout de forces et le souffle rauque. Bon sang, si je perdais ma forme physique maintenant, j'allais devenir un légume.

Je m'étirai devant la maison quand une voiture passa au ralenti. Je me redressai et croisai le regard d'un homme. Son visage ne me disait absolument rien, mais un vieil instinct me poussa à rentrer en fermant la porte à clé. Je frémis et me traitai d'idiote. Voilà que je devenais complètement parano. Je trouvai Joshua et Yona devant la télé, regardant un vieux dessin animé. J'allais me doucher rapidement. Je m'essuyai et enfilai une culotte. Je m'avançai vers le lit, le corps de Raphael caché par la couette.

Je m'allongeai à ses côtés et caressai la seule chose qui dépassait, ses cheveux. Il grogna et repoussa la couette, il me vit et son regard s'illumina.

C'était surement la seule chose qui me rassurait. Que Raphael soit toujours lui-même, à me raconter des bêtises et aimer me faire des cochonneries. J'avais mis du temps à le laisser me toucher de la façon dont il le faisait. J'avais énormément lutté contre le lien qui s'était doucement installé entre nous.

Il vit que je n'avais qu'un seul vêtement sur moi et m'invita sous la couette. Je ris avant de me glisser contre son corps chaud.

Nos caresses déclenchèrent en moi un sentiment profond de manque.

Comme si je ne pouvais pas en avoir assez.

Je ne pouvais pas avoir assez de souvenirs avec lui.

Je ne pouvais pas le garder avec moi.

J'aurais dû mourir avant lui si les faits avaient été justes et pourtant, ce n'était pas le cas.

Quand l'heure du dîner arriva, Raphael me demanda de ne rien faire. Je pensais qu'il allait faire livrer quelque chose, mais ce fut Dom qui débarqua avec plein de plats chinois. Yona et Joshua rappliquèrent aussi vite que la lumière et Raphael leur souhaita une bonne soirée.

Il promit à Joshua que nous serions de retour avant vingt-deux heures. Je fus embarquée malgré moi dans une voiture et bientôt, je fus installée à une table très bien arrangée et proche d'un petit jardin zen. Nous avions sûrement le meilleur emplacement de ce petit restaurant que j'affectionnais beaucoup. C'était le premier endroit où nous avions été mangé ensemble, il y a de ça quelques années maintenant.

— Tu y as pensé ? soufflai-je en faisant la moue.

— Tu m'as toujours dit que nous n'avions pas de date, mais je considère notre première venue ici comme notre date de début, répondit fièrement Raphael. Et le fait que tu n'aies rien vu venir m'emplit de joie.

Je regardai ma tenue.

— Je ne suis pas dans mon meilleur attirail, bougre de cachottier, marmonnai-je.

Raphael pencha doucement sa tête et dans ses yeux, je vis une lueur qui m'indiquait la présence de son animal. Je déglutis, comme à chaque fois que j'étais observée par la bête. C'était comme si je devenais une petite fille obéissante devant lui, il adorait ça, pas moi.

— Aussi belle qu'au premier jour, souffla-t-il en me tendant sa main.

Je regardai ses doigts, prête à lui dire que c'était bien trop romantique pour moi. Et puis, je me rappelais la réalité de cette situation. Je cachai mon trouble derrière un sourire sadique.

— Je peux faire de toi ce que je veux alors ? ricanai-je.

Raphael haussa un sourcil et acquiesça. Je poussai un rire pour donner le change, puis la serveuse vint nous proposer les menus. Nous passâmes commande rapidement, sachant déjà ce qui était bon ici.

La conversation se fit légère entre nous, même s'il y avait certains commentaires qui glissaient de la bouche de Raphael comme des indications cachées pour après. Je ne relevai pas ce genre de choses, sachant que cela me mettrait bien plus mal que je ne l'étais déjà.

Au cours du repas, je remarquai que Raphael ne mangeait pas et qu'il s'agitait de plus en plus sur sa chaise. Je ne dis rien, attendant qu'il me fasse remarquer que son état ne lui permettait pas de s'attarder. Vu tout ce qu'il avait dormi dans l'après-midi, j'étais étonnée qu'il ait quand même suivi ses plans de restaurant.

Je fus soulagée cependant de le voir savourer son dessert. Alors qu'il était en train de le terminer, je reçus un texto de Joshua. Yona ne se sentait pas bien et ils voulaient qu'on rentre. Mince. Bon, cela faisait une excuse pour ramener mon mari à la maison avant qu'il ne se décompose sur sa chaise.

— Tu es un idiot de forcer comme ça, maugréai-je en me redressant.

Il ne répondit pas à ma bêtise et tenta de se lever. Je le vis glisser par terre, agité de soubresauts. Je plongeai vers lui et réussis à le rattraper avant qu'il ne heurte le sol.

— Raphael ! criai-je.

Il se recroquevilla sur lui-même puis fut agité d'une quinte de toux assez violente. Plusieurs personnes s'étaient redressées autour de nous, appelant les pompiers, mais mes yeux étaient posés sur la flaque de sang devant nous. Raphael regarda sa main pleine de ce liquide rouge si caractéristique.

— Beth, gargouilla-t-il.

Il se mit à convulser entre mes bras, étalant du sang partout sur nous. Je le maintins dans une position qui l'empêcherait de se blesser et même le serveur vint m'aider.

À travers mes larmes, je le vis tenter de me parler, mais je n'écoutais rien. Raphael était en train de se liquéfier entre mes mains et je ne supportais pas ça.

Le serveur nous aida à déplacer Raphael à l'abri des cuisines et je me plaçai immédiatement contre lui pour le soutenir. Il vomit encore du sang sur lui et ce fut à cet instant que le patron du restaurant, qui nous connaissait, nous donna un seau. J'étais tellement choquée par ce qu'il se passait que je ne le remerciai même pas. Je tenais Raphael.

Je le tenais comme si j'allais le perdre maintenant et que le lâcher le ferait mourir plus vite.

Non.

Non ce n'était pas possible.

Pourquoi ça ? Pourquoi maintenant ?

Raphael était silencieux entre mes bras, j'avais l'impression qu'il pleurait, mais sa joue était pressée contre ma poitrine, il était recroquevillé contre mon corps et je tentais de le garder en sécurité.

Mais je n'y arrivais.

La maladie avait toujours été plus forte que moi.

Je clignai des yeux quand un serveur n'arrêtait pas d'agiter sa main devant nous.

— Les pompiers sont là madame ! s'écriait-il.

Le premier pompier qui s'agenouilla devant moi me reconnut immédiatement.

— Lili ? souffla Alex.

Je m'essuyai les joues, mais le sang s'étala me rendant un peu plus nerveuse. Raphael était assis contre ma poitrine à présent, crachant du sang dans le seau. Je le tenais à bras le corps, sans comprendre ce qu'il se passait.

— Merde Alex, gargouilla Raphael.

Je me raclai la gorge pour enlever les sanglots, mais c'était difficile. Alex s'agita devant nous, sortant beaucoup d'instruments. Bientôt, ce fut un des Ritters de Raphael qui atterrit devant nous.

Jalil se figea à quelques mètres de nous et pendant une seconde, je vis la douleur dans ses yeux. La douleur qui était mille fois pire chez moi. Je voulais parler, mais mes larmes étaient trop violentes.

Je me raclai la gorge encore une fois.

— Il... Il a perdu au moins un tiers de son volume de sang, sanglotai-je. Je... Il n'arrête pas. Je pense qu'il a une hémorragie au niveau de son abdomen. Quand je l'ai palpé tout à l'heure, il était rigide et je...

— Lili, murmura Jalil. On est là, ça va aller.

Raphael était très faible entre mes bras, mais je ne voulais pas le lâcher. Depuis que je le tenais et que toute mon énergie était concentrée sur lui, il avait cessé de bouger, comme si la douleur était moins forte de cette façon. Peut-être que je retardai l'hémorragie en compressant son corps.

— S'il te plaît, haletai-je. S'il te plaît, fais quelque chose.

En quelques minutes, un brancard fut amené dans l'arrière-salle du restaurant et on nous glissa dessus. Jalil avait demandé à ce qu'on me mette dessus et je ne savais pas si c'était une bonne idée. En tout cas, Raphael était encore allongé entre mes jambes, me tenant de toutes ces faibles forces. J'étais au bord de la crise d'hystérie. Mon adrénaline m'empêchait de craquer, mais je savais que je n'arrêtai pas de pleurer. Alex et les autres pompiers autour de nous firent rouler le brancard, moi assise contre le dossier, Raphael recroquevillé entre mes jambes, sanglés comme des animaux.

Jalil grimpa avec nous à l'arrière du camion, caressant ma tempe et pressant le bras de Raphael qui était à peine capable de garder les yeux ouverts.

Soudain, il se redressa entre mes jambes et un geyser de sang jaillit de sa bouche. J'eus à peine le temps de lui donner un haricot pour qu'il vomisse dedans. Je sentis le sang s'imbiber dans mon jean. Jalil agit en conséquence et me tira hors du brancard. Je criai soudain, ayant peur qu'on m'arrache Raphael et que je ne le revoie pas.

Jalil me plaça derrière le brancard. Il baissa un peu le dossier, juste assez pour que je puisse voir le haut de la tête de Raphael. Ils l'installèrent de façon plus médicale et lui enfoncèrent une ou deux piqûres sous la peau. Si j'avais été dans un état normal, j'aurais reconnu les médicaments, mais là... Raphael leva son bras et je m'agrippai à sa main, me décalant pour qu'il me voie. Le masque d'air sur son visage m'empêcha de l'embrasser, mais il me tendit son front et je m'appuyai contre lui.

— Ne meurs pas, s'il te plaît. Ne meurs pas. S'il te plaît. Ne. Meurs. Pas.

Il me regardait avec de grands yeux paniqués. Il articulait quelque chose que je ne comprenais pas. Merde.

Merde.

Je devais lui dire...

— Je t'aime, soufflai-je contre son oreille.

Il pressa sa tête contre moi, un sanglot s'échappant de sa bouche.

— Je t'aime. S'il te plaît. Ne meurs pas, d'accord ? Ne meurs pas...

La sirène hurlait encore et encore au-dessus de nos têtes.

Bientôt, l'ambulance s'immobilisa et les portes s'ouvrirent brutalement. Je croisai le regard d'un de mes collègues qui agit immédiatement. Je descendis en même temps que le brancard, aidée par Jalil. Alex disait à voix haute la situation critique de Raphael.

— Allez, on avance ! cria mon collègue. On le tient, Lilibeth. Ok ? On le tient !

Jalil me força à lâcher la main de Raphael et soudain, son corps se remit à convulser.

Mon cri jaillit de ma bouche et je me recroquevillai sur moi-même, tombant au sol. La douleur dans mes genoux ne fut pas salvatrice.

Jalil me pressa contre lui.

Sa chaleur était semblable à celle de Raphael, mais ce n'était pas la même.

Ce ne serait jamais la même.

Personne ne pourrait le remplacer.


* * *


— Lili ?

J'entendais les voix, mais j'avais dû mal à me réveiller de ce cauchemar.

— Lilibeth ?

Je clignai des yeux. Il était un peu plus de quatre heures du matin. Raphael était resté plus de cinq heures au bloc. J'étais restée là, coincée dans ses vêtements pleins de sang. Jalil était parti chercher le reste de la meute et j'avais acquiescé le poussant à le faire.

En me retrouvant toute seule, j'avais juste éteint toutes les sensations et les émotions qui avaient pu me traverser au cours de la nuit.

— Il faut que tu te changes avant d'aller le voir, d'accord ?

Pourquoi Malcolm me disait-il ça ?

Pourquoi voulait-il que je bouge d'ici ?

J'avais une vue directe sur la chambre de Raphael, même si je n'y étais pas encore allée.

Je crois que je n'en avais pas la force.

D'après les médecins, l'hémorragie dans son estomac était assez grave, mais c'était aussi une suite logique à son cancer. J'avais eu la visite de ses deux oncologistes qui m'avaient dit la même chose tous les deux. L'opération n'était que palliative.

Il ne lui restait pas beaucoup de temps.

Son corps continuerait de se détériorer et ce genre d'épisode n'en serait que plus fréquent.

C'était le premier d'une longue liste.

Il fallait que nous nous préparions. Tous.

Voilà ce que les médecins avaient dit.

Et j'avais vu dans leurs yeux que cette information, ils la connaissaient déjà. Tout comme Raphael.

Je ne savais pas ce que ça me faisait ressentir.

J'étais vide à l'intérieur.

Comme si cet épisode m'avait littéralement arraché un bout d'organe.

— Lilibeth ?

Je me redressai en voyant Dom et Ugo arrivé.

— Qui... Qui est avec les enfants ? murmurai-je apeurée soudain.

Je ne voulais pas perdre Joshua et Yona

Je ne voulais pas perdre Raphael, mais il glissait si rapidement entre mes doigts que c'était un supplice.

Je ne pouvais pas perdre quelqu'un d'autre.

— Tarik et Selvi sont à la maison. Les enfants dorment pour l'instant.

Je retombai sur ma chaise, mes sanglots revenant à la charge.

— Il est stable ? demanda Ugo à Malcolm.

Je crois que j'étais celle qui avait appelé Malcolm. Où était-ce Jalil ? Je n'en savais rien.

— Pour l'instant, acquiesça l'ami de mon mari.

Je posai mes mains sur ma bouche, tentant de retenir mes sanglots. Dom s'approcha de moi et me souleva dans ses bras. J'éclatai une fois de plus en larmes en me pressant contre lui.

— Je ne peux pas le perdre. Je ne peux pas... Je ne peux pas le...

Dom resserra son étreinte. Mes cris et mes larmes ne le repoussèrent pas. Il continua de me serrer contre lui, malgré le sang froid sur moi. Malgré mes cris.

— Je ne peux pas vivre sans lui. Je ne peux pas...

Dom posa sa main sur ma joue et me força à presser mon visage contre le sien. Je sanglotai dans son cou, laissant les paroles se déverser par ma bouche en une longue litanie.

Comment ?

Comment je pouvais vivre sans Raphael ?

Tous mes espoirs reposaient sur lui.

Tous.

Dom me tint contre lui pendant de longues minutes.

Quand la nausée monta à cause de mes pleurs trop violents, il m'embarqua dans les vestiaires et je vomis pendant plusieurs minutes.

Il attendit que je me calme pour me faire enfiler une tenue de l'hôpital.

Je continuai de pleurer en silence quand il me poussa à entrer dans la chambre de service intensif dans laquelle se trouvait Raphael.

Je posai ma main sur la sienne qui avait plusieurs fils.

Ses paupières papillonnèrent et son regard accrocha le mien.

Le tube de sa gorge avait été retiré au bout d'une heure quand il avait repris sa respiration seul. Il pouvait donc ouvrir la bouche et parler, mais cela semblait lui faire mal.

Dom pressa mon épaule en entendant mes sanglots revenir à la charge.

Le visage de Raphael était pâle et il semblait aussi torturé que moi en me voyant dans cet état.

Je me penchai et posai ma tête sur le haut de son torse, là où il n'avait pas de pansement.

Là où il n'était pas opéré.

— Je...

Sa main, piquée par une perfusion, se posa sur ma joue et me caressa pendant quelques secondes avec des gestes tremblants.

— Je veux...

Je me redressai et fronçai mes sourcils.

— Ne parle pas, ça doit te faire mal, soufflai-je. S'il te plaît, Rapahel.

Il secoua la tête et je rapprochai mon oreille de sa bouche pour décrypter son message.

Quand je me redressai, Dom m'observait.

Je déglutis, ma main dans celle de Raphael.

— Quoi ? grogna Dom.

— Il veut rentrer à la maison, murmurai-je d'une voix hachée.

Dom poussa un soupir tremblant.

Je posai mon regard sur Raphael.

Oui.

Il voulait rentrer.

Il voulait le dire à Joshua.

Il voulait tout lui avouer.

J'embrassai lentement les jointures des articulations de sa main et il ferma les yeux, des larmes coulant le long de ses joues.

La dernière phase était enclenchée.

Nous ne pouvions faire marche arrière.

Joshua devait savoir. 

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