Je courrai. À en perdre haleine. À en perdre la raison.
Je savais qu'il fallait que j'aille plus vite. Je savais que je ne pouvais pas m'arrêter. Parce que la limite avait été franchie.
Entre la liberté et la captivité.
Il y avait eu ce moment. Très court. Perdu parmi une pléthore d'autres instants. Et alors, ça avait été une question de saisir sa chance.
Une question de survie.
Quelques minutes. Une fraction de seconde. Et l'herbe sous mes pieds. Le soleil sur ma peau. Me brûlant, m'éblouissant.
Douloureux.
Des larmes qui coulaient. Traçant des sillons à même mon épiderme.
Je m'étais élancée, le souffle entrecoupé, l'espoir fragile. Je devais le faire.
Parce que parfois, derrière ce silence qui me tenait entre ses serres, il y avait quelqu'un. Une voix. Peut-être était-ce moi ; qui que je sois, peut-être était-ce la personne que j'avais été.
J'avais compris qu'il fallait que je vive. Même alors qu'il y avait longtemps que je ne le faisais plus. Qu'il y avait longtemps que j'avais abandonné.
Comme on l'avait fait avec moi.
Des chiens aboyèrent.
Ils me talonnaient.
Ils étaient là.
Je reçus une branche en plein visage. Elle me fouetta. Elle me gifla et ça coula sur ma joue. Ma respiration était sifflante. Ma gorge me brûlait et mes yeux me piquaient.
On ne m'attraperait pas.
Plus jamais.
Je voulais vivre.
VIVRE.
Je voulais encore
Voir
De belles choses.
Je voulais encore être
Ignorante
De toutes souffrances.
Je voulais être capable de
Vaincre
Toutes mes peurs.
Je voulais
Respirer
Sans que ce soit synonyme d'une lutte.
Et je voulais
Exister.
Juste Exister.
Est-ce que je manquais à quelqu'un ?
Est-ce que quelqu'un savait que j'existais ?
N'importe qui... n'importe...
Le chien me percuta de plein fouet et nous roulâmes au sol avant qu'il ne plante ses crocs dans ma chair, cherchant à déchiqueter, cherchant à tuer.
Je suffoquai.
Mais je ne hurlai pas.
Sinon, ils me trouveraient... sinon, ils allaient me ramener là-bas et...
On dit que dans la mort, il y a un dernier sursaut.
On dit que lorsqu'on lutte pour vivre, il y a de la ténacité.
L'adrénaline.
Mes mains cherchaient un truc à saisir. Mes doigts se refermèrent sur un morceau de bois et je frappai la gueule de l'animal de toutes mes maigres forces.
Mes pieds tentèrent de le labourer.
Si j'étais encore vivante, ce n'était pas pour me faire éventrer par un clebs.
Non.
Non.
NON !
Un long cri. Dans mon esprit.
J'agrippai la gueule de l'animal, et le forçait à me lâcher.
Perdre des doigts n'était rien.
Je n'avais plus peur d'avoir mal. Plus maintenant.
Plus
J. A. M. A. I. S.
Parce qu'on m'avait déjà tout prit.
Tout volé.
On avait détruit mon corps et mon esprit pour en faire des miettes.
Pour les éparpiller aux quatre vents.
Je ne craignais plus la souffrance.
Je ne craignais plus le silence.
J'avais juste peur de mourir.
Peur de cesser de respirer.
De cesser d'exister.
Je voulais... vivre !
C'est tout ce qu'il me restait.
C'est la seule chose qui m'appartenait encore.
Et je m'y agrippai avec férocité.
Je m'y cramponnai avec la force d'une condamnée qui n'abdiquerait jamais.
Froid.
J'étais tellement... j'avais terriblement...
Je tremblai.
Le sang avait arrêté de couler.
Les chiens avaient cessé de hurler.
Il y avait une voix dans ma tête.
Qui répétait les mêmes syllabes en boucle.
Sans discontinuer.
Comme si ça avait du sens.
Papa. Papa. Papa. Papa. Papa. Papa. Papa. Papa. Papa. Papa. Papa. Papa. Papa.
Parti.
Abandonnée.
Parti.
Abandonnée.
J'étais fatiguée.
J'étais épuisée.
Pourquoi étais-je...
Pourquoi avais-je...
Un coup de feu retentit.
Je sursautai.
« Écoute-moi ! »
Mes pieds se prirent dans une racine cachée sous un tapis de feuilles.
Je m'écrasai et pleurai.
J'étais à bout de force.
J'étais au bout de mon chemin, s'il y en avait seulement un.
Je n'avais plus le courage de me relever.
Je n'en pouvais plus.
C'était trop...
C'était trop... dur.
La morve coulait.
Les larmes me ravageaient.
Lève-toi. Lève-toi. Lève-toi. Lève-t...
Je poussai sur mes avant-bras.
Des cris. Des voix.
LÈVE-TOI !
C'était peut-être vain.
C'était peut-être perdu d'avance.
Mais c'était à moi d'en décider.
Tout était flou.
Tous les sons étaient en sourdine.
Une pente. Sur laquelle je glissai.
Était-ce un chemin en terre, juste là ?
Ma bouche s'ouvrit. J'avais besoin d'air. Pour tenir encore un peu.
J'avais besoin d'inspirer et de...
Je percutai quelque chose. Tel un boulet de canon lancé à pleine vitesse.
Mon cœur ravageant l'intérieur de mon corps. Mes doigts agrippèrent un t-shirt.
Je relevai la tête.
Et plongeai mes yeux dans un regard surpris.
Tout s'arrêta.
Même la voix dans ma tête.
Il n'était pas eux.
Il n'était pas avec eux.
Il n'était pas...
Mes lèvres tremblèrent. J'aurais aimé lui demander de l'aide. J'aurais aimé lui dire que j'avais besoin qu'il m'aide.
Mais j'en étais incapable.
Je ne pouvais plus parler.
Je n'y arrivais... plus.
Alors je l'agrippai. Si fort. Si... fort.
Et dans ma tête, je hurlai.
À l'aide.
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* *
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Je suis un esprit faible je sais je sais 😅 mais j'avais envie de vous partager cette première partie décisive de la suite pour mon anniversaire : un petit cadeau de ma part 😊 mais après ça la suite viendra vraiment fin août ! So cette fois je vous dis à bientôt 😘