Je me réveille un peu avant Scott. Pendant un instant je ne peux m'empêcher de le regarder avec amour. Ses ailes sont repliées dans son dos, pour éviter qu'on ne se blesse, et elles donnent une impression incroyable de fragilité et de douceur. J'ai l'impression de dormir à côté d'un de ces petits anges que l'on voit dans les musées. Je caresse la plume principale, qui est entre nous deux. Puis je remonte sur son bras et redessine le réseau entremêlé de ses veines. Mes yeux suivent les lignes des muscles de son torse et finissent par arriver à son collier, qu'il ne quitte plus depuis que je lui ai offert. J'effleure délicatement la carpe puis la ligne de sa mâchoire avant de me décider à me lever.
J'entre dans mon dressing, me plante devant mon miroir connecté et commence à passer en revue toutes mes tenues. Je finis par opter par un jean bleu mais ne trouve pas de tee-shirt qui pourrait aller avec. J'ai besoin de quelque chose de simple, comme un tee-shirt uni, mais tout les tee-shirt unis que j'ai sont des tee-shirt d'entraînement, ou alors ils sont trop compliqués. Je vérifie que Scott dort toujours et vais lui piquer ce tee-shirt blanc qu'il aime tant. Je crois que ça lui rappelle Alan. Puis, entendant que mon petit loup est en train de se réveiller, je vais chercher ma brosse et commence à démêler mes cheveux, qui forment un nid d'oiseau sur ma tête.
Après s'être étiré au moins trois fois, fait craquer quelques articulations, vérifié que la carpe était toujours à son cou et m'avoir saluée, il décide d'aller se réveiller sous la douche, enfin se geler sous la douche, parce que j'ai remarqué que tout les matins il prend une douche froide.
Il sort de la salle de bain alors que je suis en train de tresser mes cheveux. Il ne porte sur lui qu'une serviette autour de la taille, ce qui a tôt fait de réveiller mes dévergondées d'hormones. Scott doit sentir le changement en moi parce qu'il se tourne à demi pour vérifier que tout allait bien. Je lui adresse un petit signe de main, incapable de prononcer le moindre mot. Il entre dans son dressing. Je suis obligée de reprendre ma tresse depuis le début, parce que le passage de Scott m'a quelque peu bouleversée, et j'ai perdu le fil. Je défais tout avant de reprendre au moment où Scott ressort de son dressing, les sourcils froncés et vêtu simplement d'un jean troué aux genoux.
- Aah ! Je comprends mieux ton parfum dans mon dressing ! Lance-t-il en tapotant son tee-shirt que je porte toujours.
Je fais mine de bouder, déçue qu'il ait tant de facilité à comprendre ce qui se passe ici et là, alors que moi, il me faut beaucoup de preuves concrètes pour pouvoir reconstituer avec autant de précision les scènes. Il sourit et va déposer la serviette mouillée dans la trappe à linge. Il s'assoit à côté de moi et me dévisage.
- Quoi ?
- C'était quoi tout l'heure ?
- De ? Dis-je tout en sachant pertinemment de quoi il voulait parler.
- Ta réaction quand je suis passé !
- Euhm... Dis-je tout en me forçant à me lever pour faire quelque chose et me donner contenance.
Fort heureusement pour moi, Scott perçoit ma gêne et se garde d'insister même si je sens que ce n'est qu'une remise à demain. Alors, cachant mon visage entre mes mains je décide de passer à l'interrogatoire tout de suite.
- Bon vas-y pose les tes questions ! Fis-je avec un air de défaite.
Je ferme les yeux et enfouis un peu plus mon visage dans mes mains. Tout doucement, je sens deux grandes mains se glisser entre les miennes et les retirer. Je devine plus que je ne vois le regard de Scott me caresser le visage et je me sens rougir.
- Je ne veux pas te forcer !
- Oui je sais mais je risque de changer d'avis !
- Bon, comme tu veux, alors...pourquoi tu as réagit comme ça ?
- Une autre, c'est trop compliqué !
- Mais c'était la plus facile ! Protesta Scott.
- Okay, okay, tu sais que tu es beau ? Musclé ? Tu as tout ce qu'une femme attend d'un homme ? Et ben c'est justement mon côté femme qui a réagit en te voyant aussi peu...vêtu...
- Aah... Je vais t'avouer que j'ai cru que tu étais malade.
Je laisse échapper un rire nerveux.
- Deuxième et derrière question, pourquoi le changement est si brutal ? Enfin je veux dire, on a dormi près de...quatre mois ensemble et jamais tu n'as réagit comme ça. Pourtant à cause de mes ailes, je n'ai pas dormi une seule fois avec un tee-shirt !
- Je n'en sais rien ! Et puisqu'on est dans les questions, hier tes yeux ont changé de couleur, pourquoi ? Dis-je, en changeant rapidement de sujet.
Ça m'a beaucoup intriguée mais trop joyeuse à l'idée de la fête qui se préparait je n'ai pas pensé lui redemander.
- Tu sais que lorsque je suis soumis à une émotion trop forte, colère, peur, angoisse, mon corps réagit et traite l'information comme si un danger me menaçait. Sauf que tu es capable de me faire ressentir des émotions tellement fortes que mon corps réagit de la même manière mais non plus pour me protéger d'un danger mais pour témoigner de mon bonheur. Enfin de mon sentiment. Hier, ta tenue, ta démarche, ton baiser, tout ça à fait tourner mes sens et ça m'a fait perdre un peu le contrôle.
- Est-ce que c'est dangereux ? Si tu perds totalement le contrôle.
- Je n'ai jamais eu le loisir de tester. Et je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée....
Je réfléchis à sa réponse puis pèse le pour et le contre avant de lui proposer.
- Tu veux essayer ? Je veux dire, que j'essaie de te faire perdre le contrôle, en libérant mes sentiments, pour voir comment tu réagis ? Peut-être que ça te permettra d'être moins toujours sur tes gardes...
Par peur de me blesser, avec ses ailes et maintenant avec ses griffes, il est sans cesse sur ses gardes et c'est assez déstabilisant pour moi. J'ai toujours l'impression qu'il en attend plus alors que c'est simplement son bon sens qui lui commande de se tenir sans cesse sur ses gardes.
Au début, il secoue la tête pour dire non. Et puis devant ma tête, il esquisse un demi-sourire et hoche simplement la tête pour me donner son accord avant de froncer les sourcils.
- Tu n'as pas peur que si je perdre le contrôle ta famille s'en aperçoive ? Je veux dire par là que pour ce que j'en ai testé, avec la colère, ce n'est pas très discret ! Je ne préfère pas savoir quelle tête va faire ton père ou ta mère en rentrant parce que j'ai grogné ou je ne sais quoi !
- Pas bête ! Allons au QG, et puis comme ça on jettera un coup d'œil à notre réputation !
Il approuve du chef mais je peux sentir son stress. Je dois trouver quelque chose pour le convaincre que ni moi et donc ni lui ne risquons quelque chose.
- Tu sais, c'est assez insultant ce que tu penses ! Tu penses que je ne suis pas capable de survivre à une attaque de toi sous ta... euhm... forme qui te donne tout tes pouvoirs. Mais bien sûr que si ! Et puis tu crois vraiment que j'allais te proposer s'il y avait un risque ?
Je joue exprès la provocation en étouffant le léger stress qui pointe. Si Scott le sent, il va deviner sans mal que je ne suis pas sûre de mes réflexes, ce qui est tout à fait normal, sachant qu'il est déjà beaucoup plus rapide que moi, même si je ne suis pas vraiment une référence, alors transformé... Je réussis plutôt bien à museler mes sentiments, puisqu'il se lève, me prend dans ses bras et se lance dehors. En quelques battements d'ailes puissants, nous survolons à une altitude phénoménale la ville. La puissance de ses battements d'ailes est tellement plus forte que d'habitude qu'un instant je me demande s'il ne fait pas exprès pour évacuer son stress ou bien pour s'épuiser et donc ne pas risquer de se transformer. Je me blottis confortablement dans son étreinte si rassurante et regarde la maison rétrécir en dessous de nous. En quelques minutes, nous sommes à l'entrepôt. On entre dans la salle qui constitue notre quartier général. Je jette un rapide coup d'œil aux diverses caméras et ordinateurs pour vérifier que personne n'a besoin de nous.
- On peut dire que les gens nous ont totalement pardonné notre absence. Par contre la police ne nous recherche que plus vivement.
- Mmmh...
Scott, dans tout ses états, en prévision de ce qui allait se passer est suspendu au plafond par les mains et se promène. Je lève les yeux, admirant une fois de plus sa musculature parfaite jouer sous sa peau ambrée, admirant sa souplesse et sa dextérité. Il me fascine, et pour une des premières fois, au lieu de garder ces émotions enfouies en moi, je les laisse sortir et l'envelopper. Surpris, il se laisse tomber au sol. Il me regarde et je vois que la simple puissance de mes sentiments a déjà fait passer ses yeux au doré. Mes émotions continuent de s'échapper comme pour former un chemin jusqu'à mon cœur. Je me retourne l'air de rien et me mets à taper sur le clavier holographique devant moi. Derrière moi, toute mon attention concentrée sur lui, je l'entends se percher comme à son habitude, sur la table de métal au milieu de la pièce. Il laisse échapper un gémissement qui me fait me retourner tout de suite pour vérifier s'il va bien. Il redresse la tête et je remarque que l'ocre doré de ses yeux a évolué jusqu'à donner l'impression que ses pupilles sont faites d'or liquide, d'or en fusion sous le feu du désir. Je me lève doucement et m'approche de lui en douceur. Il attend simplement, les ailes tendues derrière lui, figées dans le tourbillon des émotions. Je m'approche et appuie sur ses épaules jusqu'à ce qu'il se laisse glisser en bas de la table. Il frissonne. Ses mains sont de part et d'autre de son corps mais je vois que tout se passe bien, pour le moment. Je le serre dans mon étreinte, à laquelle il répond tout de suite. Ses bras, brûlants, prouvant qu'il lutte encore contre lui-même, se placent dans mon dos. Je me mets sur la pointe des pieds.
- Lâche prise... Murmurais-je à son oreille.
Il finit par faire ce que je lui dis et même si je n'ai pas ses capacités pour percevoir ses émotions, je sens tout de suite le changement. La température de son corps augmente encore, jusqu'à atteindre une température inhumaine, mais absolument merveilleuse. Un petit soleil. Ses ailes nous entourent dans une étreinte métallique et je remarque qu'elles aussi sont brûlantes. J'ai comme l'impression qu'il est en fusion de l'intérieur. Je remonte ma main, qui me paraît si froide par rapport à lui, et joue doucement avec son collier. Il vient nicher sa tête dans mon cou et je sens son souffle irrégulier. D'une main tremblante, il rejette mes cheveux en arrière et pose ses lèvres sur ma peau. Je frissonne à mon tour. Je tourne la tête et dépose mes lèvres sur les siennes. Pour la première fois depuis que nous nous sommes retrouvés, il lâche totalement prise et nous emporte dans le tourbillon de l'amour.
Le temps a finalement trouvé quelque chose capable de contrer totalement son pouvoir. L'amour. L'amour brûlant, incroyable, surprenant, indescriptible. Comment décrire quelque chose qui est enfoui dans nos cœurs, qui fait partie de nous ?