New-Seattle, Quartier A.6, Quartier Général de l'Héxaédron, Bains, 2 mai 2314
Éthan
Les lieux étaient déserts et l'emplacement était accueillant. Éthan ne savait pas quoi faire et imita Christale lorsqu'elle chercha une serviette et un pain de savon. Il y avait plusieurs petits bassins en forme d'anneau avec une large structure métallique au centre, elle aussi carrelée de blanc. Et au centre, une piscine de 30 mètres par 12 à l'eau légèrement bleutée.
Le géant déglutit en remarquant que Christale avait commencé à se déshabiller. Elle vit qu'il la regardait ; il baissa rapidement le visage en piquant un fard.
— Tu effaceras tout ça de ta mémoire, ordonna-t-elle comme si c'était possible. Mais ne fais pas l'enfant, tu ne vas pas te laver tout habillé, ajouta-t-elle plus calmement.
— C'est que ... j'ai encore jamais vu autant d'eau, murmura-t-il, gêné.
Elle était nue et cachait son corps derrière une serviette lorsqu'il osa lever le regard. Il se força à se déshabiller tout en tournant le dos à son amie. Il cacha son membre derrière la serviette et se dirigea vers le bassin où Kris' était entrée. L'eau lui arrivait jusqu'au cou et ses cheveux, trempés, formaient autour d'elle une corolle brun-roux. Il s'assit au bord du bassin sur les dalles froides juste à côté de la serviette délaissée par l'adolescente.
La corolle cachait ses seins mais n'occultèrent pas ses fesses lorsqu'elle se décida à faire deux longueurs de brasse.
— Allez, viens. Elle est bonne. Tu ne risques rien. Même moi j'ai pied, ajouta-t-elle avec ce qu'elle pensait être un sourire engageant.
Il se laissa glisser dans l'eau après avoir posé sa serviette sur le rebord. La sensation nouvelle que procurait l'eau partout sur sa peau lui fit presque ignorer que Kris' le mata sans vergogne mais avec des joues si rouges que ses taches de son disparaissaient. Il se sentait beaucoup plus léger et détendu alors même qu'une part de son esprit lui disait qu'il était pressé de partout. Il marcha quelques mètres en s'éloignant du bord et trébucha à cause de la résistance de l'eau. En tombant, il se débattit et vit qu'avec peu de mouvements il parvenait à rester à la surface presque sans aspirer d'eau. Il parvint à retrouver l'équilibre, à mettre les pieds au fond du bassin puis à tousser l'eau entrée dans ses poumons.
Sa gorge le brûlait un peu mais il avait apprécié le contact de l'eau tiède dans ses cheveux et sur le visage. Il inspira par réflexe et plongea la tête dans l'eau. S'il ne bougeait pas, son corps musclé restait en flottaison juste sous la surface. L'air un peu plus froid que l'eau caressait le haut de son dos alors que ses cheveux formaient un réseau tentaculaire devant ses yeux. Quand ses poumons demandèrent une nouvelle respiration, il secoua la tête et se redressa.
Kris' le regardait avec un air surpris et peut-être un peu inquiet.
— Quoi ?
— Oh, rien. C'est juste que t'es très bon en apnée alors que ce doit être ton premier bain en 13 ans. Rien de bien exceptionnel, ironisa-t-elle.
Il ne comprit pas le mot et n'aurait pas su le répéter mais il comprit que c'était le fait de ne plus respirer. Enfin pas la mort, juste ... il abandonna l'idée de démêler la définition dans son esprit quand il vit que Kris' se savonnait les cheveux et que les mèches de la corolle pudique passaient une à une derrière ses épaules. Elle le capta peu avant l'instant critique et lui jeta le pain de savon.
— Arrête de mater, espèce de pervers !
Elle ne semblait même pas en colère. Il se saisit du pain de savon puis se tourna pour se frotter le corps de manière similaire.
***
Lorsqu'il finit de se laver, il posa le savon au bord du bassin puis s'enfonça au fond de l'eau et se propulsa à l'aide des pieds contre le rebord pour échapper aux bulles laissées en surface. Il ne savait pas trop pourquoi il avait fait ça. Un sentiment entre l'intuition et le souvenir se saisit de lui et il se "rappela" aussi vaguement d'avoir été à la piscine avec sa mère que l'on cherche un mot sur le bout de la langue.
Il se hissa sur le rebord et sentit simultanément un faible élan de douleur dans son épaule gauche et ses cheveux se réunir en mèches ruisselantes dans son dos jusqu'au milieu des omoplates. Christale, enroulée dans une serviette, séchait méthodiquement ses cheveux avec une autre. Il lorgna avec un peu de honte la colonie de taches qui envahissaient la base de sa nuque et le tiers de son dos dévoilé par la serviette.
— Éthan. Arrête de mater et sèche-toi, dit-elle sans se retourner.
Il ne répondit pas et apprécia le moelleux de la serviette. En général, il ne faisait que passer de l'eau sur les entailles qu'il se faisait. Parfois il se rinçait tout le corps s'il trouvait de l'eau propre avec un goût qui ne l'inspirait pas. Mais, quand il avait de quoi se sécher, les tissus étaient souvent rêches : un t-shirt trop petit par exemple ou un drap de lit déchiré.
Après qu'il se soit séché les cheveux sommairement ainsi que le reste du corps, il enroula la serviette en copiant Kris'. Mais vu sa taille, il jugea bon de la descendre à hauteur de nombril plutôt qu'au niveau des aisselles. Et puis il n'avait pas les mêmes attributs à cacher, pensa-t-il en rougissant.
— Tu peux m'aider ? J'ai mal aux bras, annonça l'adolescente en lui tendant un peigne.
Il le saisit et le fit tourner dans ses mains.
— C'est un peigne. C'est pour démêler les cheveux, expliqua-t-elle en soupirant. Tu m'as déjà vu en utiliser un, non ?
— Le tien était plus large, non ?
Elle sembla troublée.
— Ah oui, comprit Kris'. J'utilisais une brosse. Mais c'est pareil. Tu prends un petit paquet de cheveux et tu passes de haut en bas jusqu'à ce que ça ne résiste plus. Et t'évites de faire le bourrin.
Elle était assise sur un banc et il se posa à genoux derrière elle avant de s'exécuter.
Elle sembla satisfaite du travail car elle lui rendit la pareille ensuite après un vague commentaire sur la blondeur bien plus distincte de ses cheveux à présent. Elle lui conseilla aussi de les couper, ce qu'il refusa. Il le ferait lorsqu'il aurait vengé ses parents, pas avant.
Elle soupira et lui montra comment natter les cheveux pour éviter qu'ils bloquent la vue en combat. Il se retint de rire en se remémorant l'état de la natte de Kris' à chaque fin de journée et préféra simplement grouper ses cheveux en un élastique à la base de la nuque. L'adolescente appela ça une queue de cheval puis tenta de lui expliquer ce qu'avait été un cheval. Elle dit aussi que certaines rumeurs parlaient de chevaux sauvages dans l'ancienne Europe puis arrêta ses histoires quand il demanda ce qu'était un continent.
***
Elle partit fouiller une pile de vêtements apportés sans qu'il remarque quoi que ce fut. Elle se saisit rapidement de sous-vêtements et d'un ensemble visiblement à sa taille. La jeune femme profita qu'il fouillait à son tour pour vêtir sans qu'il regarde la chute de la serviette et ses conséquences.
Il mit de côté les plus grands vêtements et enfila rapidement un pantalon un peu trop large en entendant tousser son amie. Elle lui tendit une ceinture qu'il passa de son mieux sans laisser tomber le voile de pudeur. Elle jugea utile de lui dire qu'il ferait mieux de mettre un caleçon qu'elle lui tendit en promettant de ne pas regarder. Ils étaient à peu près aussi rouges l'un que l'autre. Lorsqu'il referma le pantalon il vit qu'elle tenait une chemise blanche d'une main et se cachait, mal, les yeux de l'autre.
Il fit semblant de ne pas remarquer son manège et se saisit de la chemise en espérant qu'elle ne l'accuse pas si la situation dérapait.
— C'est trop large, dit-il en remuant les épaules après qu'elle eut fermé les boutons.
— C'est la bonne taille. T'es juste habitué à porter des vêtements trop petits. Je me demande où ils ont pu trouver des vêtements aussi grands si vite. Red semblait pourtant bien plus petit que toi ...
— Et il n'aurait pas prêté une chaussette trouée, l'interrompit la voix ténor de Saphir. C'est un don de Light, je n'ai même pas eu besoin de demander. Il a apprécié ta vue dans le hall, adressa l'androgyne au jeune homme.
— Je ... merci. Tu nous attendais, demanda-t-il, gêné.
— Non, pas depuis longtemps. J'avais bien estimé le temps que vous passeriez. Si vous êtes prêts je vais vous conduire à votre premier test. Ne soyez pas stressés. Ou alors juste le minimum pour ne pas céder à l'arrogance, dit Saphir sans regarder Kris'.
Cette dernière le prit quand même pour elle mais ne tiqua pas. Ils emboîtèrent le pas sans même remarquer que leurs vêtements sales avaient été débarrassés.