Les portes sont toujours fermées. J'hésite à frapper. Des natifs passent dans le couloir, je les laisse traverser avant de tenter ma chance, si jamais je suis refoulée, que personne ne me voit. Je pousse la porte de droite pour m'introduire dans l'infirmerie. Un des médecins vient me voir, j'essaye d'avoir un regard implorant mais ça ne me servira pas, il se doute de ma visite et m'indique le lit de mes amis. Les rideaux sont tirés mais je peux entendre les filles discuter de l'autre côté. Elles ont chacune tirées un côté de leur rideau pour se faire une parenthèse d'intimité dans la pièce. Je lève légèrement un des rideaux pour pénétrer dans la « chambre » de Loan. A ma vue il se redresse avec moins de peine que ce à quoi je m'attendais. Il a le visage coupé par endroit, les plaies ont violacé mais ça cicatrice bien. Je ne m'avance pas trop près.
- Ça a l'air d'aller mieux.
On a connu mieux en matière d'approche. Je me tiens aux barreaux du lit timidement. C'est bizarre comme situation, ça va faire deux semaines que l' on ne s'est pas vu mais je n'ai pas particulièrement envie de lui sauter au cou. Je viens juste lui apprendre ce que je sais, ce que je viens d'apprendre. Ce qui me fait penser que je n'ai même pas prit le temps de vérifier que Bajra ne parte pas.
- Qu'est-ce qui t'amène ?
Froid. C'est le mot adéquat pour qualifier cette discussion. Et peut-être « embarrassant » aussi.
- Il faut que je te parle d'un truc.
Je baisse la voix, imaginant des personnes tapis derrière ces rideaux à écouter notre conversation. Je me rapproche de Loan, m'asseyant au bord de son lit.
- On a de gros problèmes.
Je lui raconte la mission du jour, ce que j'ai dû faire, la pression que j'avais entre Caden et Bajra, l'affolement de la foule, la nouvelle que m'a apprit Born, l'épisode de l'exécution aussi pour qu'il comprenne bien ce que l'on a fait pendant leur absence. Je finis mon monologue espérant ne pas avoir oublié de détail.
- Comment tu te sens ? Me demande-t-il.
- Je sais pas. C'est pleins de choses à la fois. Mais comme tout le monde je pense.
- J'aimerais bien te prendre dans mes bras mais je ne sais pas si tu es toujours furieuse après moi.
Je souris et l'enlace. Il ne sens pas son odeur habituelle, là on sent bien l'hôpital ou peut-être est-ce moi qui suis bloquée sur l'odeur du lieu. Je viens caresser ses cheveux, j'essaie de ne pas trop m'appuyer contre lui de peur de lui faire mal si jamais il a été blessé au torse. En m'écartant, il vient m'embrasser doucement, peu sûr de ma réaction. Je lui renvoie son baiser et viens effleurer sa joue violentée.
- Tu crois que c'est ces opposants qui vous ont attaqué ?
- J'en doute. Vu leur matériel, c'est des pros, je ne pense pas qu'ils aient un lien avec le mouvement.
- Mais on ne sait pas qui est membre des opposants, ni quelles sont leurs ressources. Ça reste une hypothèse pour l'heure.
- Bajra est toujours ici ?
- Je ne sais pas. Pour l'instant il préfère que je ne vienne pas lui parler.
- Ça lui passera. T'inquiète pas pour ça, avec ce qui se passe tu dois avoir d'autres choses en tête.
- C'est bien plus que de lui avoir volé son goûter ! Il est furieux contre moi !
- Je pense qu'il est furieux contre l'Organisation mais comme c'est toi qui a appuyé sur la détente, sa colère en a été détournée.
- C'est toi la force tranquille dans notre bande hein ?
Je l'embrasse à nouveau. J'aimerais bien qu'il revienne dans notre escouade, les natifs ne sont pas comme nous. C'est pas du tout la même ambiance avec eux.
- Tu nous manques. On espère tous te revoir bientôt.
- C'est réciproque. Normalement on sortira en fin de semaine mais on doit faire de la rééducation pour retrouver notre équilibre.
- Je dirais aux autres de passer vous voir.
Je l'embrasse encore avant de partir à la recherche de Bajra. J'espère qu'il n'est pas partit faire je ne sais quelle bêtise et qu'il ne va pas s'attirer d'ennuis.