Chapitre 16; Part 2

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     L'entraînement est terminé. Nous partons en direction des douches avant d'aller au réfectoire. Tout le monde s'est précipité sur les lavabos ou les douches et le reste attend qu'une place se libère. Ade est adossée au bord d'un lavabo, les bras croisés sur une serviette. Bajra m'a expliqué que Cirkel et Born ne vivent pas spécialement bien leur arrivé ici. Bajra arrive à supporter la situation mais m'a confié qu'il était  mélancolique par moment. Je ne vais pas raconter à Ade que je suis sorti hier pour voir ma famille, elle va en déduire que je peux m'autoriser certaines choses du fait que mon frère est ici. Je m'assois à ses côtés et commence à lui parler de Noah. J'invente une toute autre après-midi bien loin de la réalité et ça me frustre. J'aimerais ne pas avoir à me censurer pour les autres, j'ai envie de partager ma joie mais je n'en fais rien pour préserver les gens.

- Vous avez discuté tout l'après-midi ?

- On s'est pas vu depuis longtemps.

- Oui d'accord, mais t'as vu leur appart, ils n'ont pas de fenêtres, pourquoi vous n'êtes pas allés au Prétoire ? C'est quand même plus agréable sous la verrière.

- Je préfère éviter que l'on nous voit ensemble.

- Bon en tout cas si tu as passé une bonne après-midi c'est le principal. Je suis contente pour toi.

     Je lui souris et pars sous la douche me refroidir. Je n'ai pas besoin de mentir, si elle se vexe parce qu'elle est seule je ne peux malheureusement rien y faire. Je ferme les yeux. La pauvre, elle serait ravi pour moi, c'est seulement qu'elle n'a personne ici et pratiquement la même chose dehors. Mon quartier a jugé mes parents pour avoir eu autant d'enfants mais au moins on était entouré, jamais seul. Beaucoup de recrues n'ont qu'un frère ou une sœur, lorsqu'ils en ont. Il y en a qui ont rien.

     Je décide de parler franchement de mon après-midi avec Noah. Dans les couloirs j'intercepte Ade pour l'emmener sur le toit où je m'étais réfugié avec Bajra pendant la traque. Ade n'a pas arrêté de me demander où l'on allait. Une fois sur le toit elle a hésité à descendre par la gouttière ne sachant pas où elle mettait les pieds. Dans les ruelles je lui ai révélé que je l'invitais à découvrir une merveille gustative bien supérieure aux mets -déjà excellents- que l'on nous sert au Prétoire.

- Ha oui ? C'est un rencard ?

- Ça se pourrait bien. Pourquoi ?

- Non ça m'étonne que nous sortions que tous les deux... J'espère que ça n'a pas avoir avec hier. Je n'ai pas besoin que tu me remonte le moral.

- Non c'est sûr mais c'est mieux quand quelqu'un est là pour toi. Et puis si un jour j'ai besoin d'attention, tu m'en devras une.

     Elle rit aux éclats en m'assurant qu'elle ne se force pas à être sensible au chagrin des autres. Et c'est vrai. Elle privilégie celui des autres au sien, peut-être pour ne pas penser à sa propre peine.

     Nous arrivons après plusieurs minutes de marche à un très bel établissement du centre-ville. Un restaurant qui possède son propre jardin dans une cour intérieure et est ombragé par des tonnelles en fer et du lierre qui vient s'entrelacer au métal.

- J'espère que tu as les moyens de payer pour deux, plaisante Ade.

- Qui a dit que je payais.

     Je n'ai volé que deux fois ici, et le deuxième de justesse. Du coup je ne suis pas vraiment sûr de moi là-dessus. Nous entrons dans l'arrière cuisine, chopons une charlotte au passage et un plateau pour donner l'illusion de travailler ici. Ade me dépasse pour réceptionner une assiette et faire mine de l'amener en salle. Elle est très agile et discrète. Ça m'avait frappé lors de la traque lorsqu'elle avait disparue des tatamis en moins de temps qu'il en a fallu au natif pour m'attraper. Je pique une assiette à mon tour et la rejoins dehors.Nous partons nous cacher dans une ancienne boutique en cours de rénovation pour manger. J'ai pu me procurer un poisson blanc délicieux avec des légumes, il s'agirait d'asperges à première vue et une sauce divine. Ade s'est précipité sur un assortiment de crevettes non pas pour faire vite mais parce qu'elle en raffole.

- Tu ne voles pas n'importe quoi à ce que je vois. Quand je pense que tu ne t'ai jamais fait prendre ça me dégoûte.

     Je ris nerveusement. C'est gênant autant pour elle que pour moi. Je sais qu'elle en rit mais elle n'en pense pas moins et c'est vrai que j'aurais pu me retrouver dans le Hall de la Justice depuis longtemps.

     Nous terminons notre repas en jetant les assiettes au passage dans une poubelle. Nous ne traînons pas pour rejoindre la tour de l'Organisation. A quelques mètres de l'échelle de sécurité Ade me remercie de cette sortie. Je suis content de voir que ça lui a fait du bien de s'éloigner de cette ambiance même si elle aurait préféré aller près de chez elle s'assurer que tout va bien.

- On pourrait remettre ça.

- Loan... On a eu de la chance aujourd'hui. J'ai pas particulièrement envie de me refaire juger pour vol.

- Non sortir.

- Ho, d'accord, oui volontiers, avec plaisir. C'est vrai que c'est mieux que le sous-sol.

- Tu sais, hier je suis retourné voir ma famille, avec Noah. C'est pour ça qu'on est rentré aussi tard. J'ai pas envie que tu haïsses le fait que j'ai un proche ici et que c'est plus facile pour moi que pour toi de supporter la formation. Parce que c'est pas le cas. Ma famille me manque tout autant, et oui j'ai mon frère, mais ce n'est qu'un maigre réconfort.

- Non ça va je... Je suis pas une sorte... de fille ingrate qui va détester la terre entière parce qu'elle n'a pas ce qu'elle veut. Mais c'est gentil que tu penses ça de moi.

- Non, pas du tout. Je ne sais pas qui tu es. Je ne vous connais pas, j'ignore vos réactions face à une situation. Je ne savais pas comment tu pourrais te sentir si tu apprenais la vérité.

- Je suis ravie pour toi. C'est une bonne chose pour, non seulement ton moral, mais pour ta relation avec ton frère. Ça me fait plaisir, je suis contente pour toi. Et tu sais quoi ? Puisque tu sors, je ne vais pas me gêner alors.

- Bien, ça lui fera sûrement plaisir de te revoir.

- Non non non. Ce n'était pas une permission que j'attendais. Tu fais chier, j'avais passé un super moment avec toi et tu débarque avec... tes trucs de vérité ou je ne sais quoi. C'est une très bonne chose que Cirkel soit notre chef, tu serais du genre à nous avouer un truc pendant un assaut.

     Je réprime un sourire mais retrousse mes lèvres en vain. Je viens enlacer amicalement Ade en m'excusant. Elle me tapote le dos et m'affirme qu'elle n'est pas une « pauvre fille égoïste » selon ses dires.



L'Organisation [ TERMINÉE ]Where stories live. Discover now