[Eldarya] Le Secret des Moraï

By ZakariasKedaltekh

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Lancez vous dans l'exploration des Terres d'Eldarya, vivez une aventure épique, rencontrez de merveilleux per... More

Souvenirs, souvenirs...
Prologue - La Fête du Cristal
Chapitre 1 - Un cœur qui bat
Chapitre 2 - J'y réfléchirai
Chapitre 3 - Origines
Chapitre 4 - La Source de notre magie
Chapitre 5 - Une Perturbation dans le Maana
Chapitre 6 - Une Visite Impromptue
Chapitre 7 - Perte de contrôle
Chapitre 8 - La Filature
Chapitre 9 - Embuscade
Chapitre 10 - De l'Autre Coté du Masque
Chapitre 11 - Un Repère dans les Ténèbres
Chapitre 12 - La Mission
Chapitre 13 - Le Voile de la Réalité
Chapitre 14 - Ce qu'ils cachent sous Terre
Chapitre 15 - Le Complot
Chapitre 16 - Une Chute Dramatique
Chapitre 18 - Pendant ce temps là...
Chapitre 19 - La Goutte de Trop
Chapitre 20 - Des Milliers de Papillons
Chapitre 21 - Quand les Rochers se Mettent à Courir
Chapitre 22 - Un Nouvel Ami
Chapitre 23 - La Meute aux Trousses
Chapitre 24 - Le Combat dans les Ruines
Chapitre 25 - Le Journal de Bord
Chapitre 26 - Parce qu'il faut bien mourir un jour
Chapitre 27 - La Fonte des Glaces
Chapitre 28 - La Seule Condition
Chapitre 29 - Le Chant des Dryades et le Dé à Coudre
Chapitre 30 : Rencontre Sylvestre
Chapitre 31 - Le Glas des Sylphes
Bonus du chp 31 - par Analah
Annonce et questions
Chapitre 32 - Demain dès l'Aube...
Bonus du chp 32 - par Analah
Chapitre 33 - Les Clapotis du Lac d'Argent
L'interview à Triple Voix
Chapitre 34 - Que les Étoiles m'en soient Témoins
Chapitre 35 - La Perfection Incarnée
Chapitre 36 : Le Commencement
Chapitre 37 : Des Cris dans la Nuit
Chapitre 38 - Cernunnos ou le Bon Augure
Chapitre 39 - L'Impact
Chapitre 40 - La Tanière des Ombres
Chapitre 41 - Le Plan
Chapitre 42 - Puis-je t'embrasser ?
Chapitre 43 - Le Secret des Moraï
Chapitre 44 - Le Coût de la Victoire
Épilogue - Ici ou dans une autre vie
Foire aux Questions
Vos Fanarts du Secret des Moraï

Chapitre 17 - Un petit Biscuit ?

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By ZakariasKedaltekh

Merci à Pikachuuue pour ce super dessin !!



J'enrage de voir cette vaste plaine de l'autre coté du fleuve. J'enrage de me dire qu'une quinzaine de mètres seulement me sépare de ces territoires plats, loin de cette forêt humide. J'ai l'impression que le vent qui y souffle me nargue.

Depuis avant-hier, il ne pleut plus. Du moins, pas pendant la journée. Dès que la lune se lève, les nuages déversent à nouveau tout leur saoul. Ça fait tellement de bien de sentir à nouveau les rayons du soleil me réchauffer la peau. Mon moral va mieux. J'évite autant que possible de penser à ce qui m'est arrivé ces derniers jours. D'ailleurs, je perds le compte des jours. Il me semble que ça fait une semaine que nous sommes sortis de la Dent d'Onyx. Peut-être plus. Peut-être moins.

En parfaite opposition avec moi, Nevra s'agace de notre situation. Je le comprends, dans un sens. Tout en suivant le courant du torrent, nous continuons de surveiller un potentiel passage pour le traverser. Nevra est très pessimiste quant à nos chances à Dorin. Il n'est même pas sûr qu'on puisse leur voler quoi que ce soit. "Ils sont radins, mais pas stupides. Ces nains sont plus cupides qu'un dragon avec son trésor. Tu penses bien qu'ils disposent de patrouilles dans le village. Eel est un moulin à coté de Dorin" qu'il m'avait expliqué.

Je me renfrogne quand je vois que mon chef prend encore de la distance. Il me gonfle à s'éloigner comme ça. Le voila replongé dans son mutisme, sans que je ne sache pourquoi. Je sens le gaz, ou quoi ? Alors que je trottine pour le rattraper, je le sens frissonner juste devant moi. Je ne saurais l'expliquer, mais j'ai senti ce courant le traverser jusqu'à venir hérisser son échine. En repérant ma présence non loin de lui, Nevra ronchonne dans sa barbe et se dirige d'un pas certain vers les arbres, me laissant là, comme une cruche.

-Okey, j'ai compris... désespéré-je, à peine audible.

Je me rapproche donc de la berge pour lui fiche la paix. Je prend garde tout de même à ne pas me laisser distancer. Il prend soin de rester à l'ombre des arbres. Je suppose qu'en tant que vampire, ce beau soleil ne lui plait pas beaucoup. Pourtant, je n'avais jamais remarqué que la luminosité du jour le gênait. Peut-être cherche-t-il juste à m'éviter...

De mon coté, la berge du fleuve est toujours aussi abrupte. Nous ne sommes pas prêt de traverser ce satané cours d'eau. Je ne désespère pas pour autant. Si nos chances sont extrêmement minces à Dorin, je dois envisager un autre chemin. Je ressens une certaine urgence à retrouver un peu de civilisation. Parce que la situation du Royaume est critique, oui, mais pas seulement.

Depuis quelques jours, je nous sens suivi. Cette même sensation désagréable qui me collait à la peau quand je traquais les ombreux dans la forêt. J'ai beau me retourner, me concentrer pour repérer une quelconque présence, rien. Le néant total. C'en est même étrange, puisque je ne ressens même pas les créatures alentours. Je les entends pourtant, ne serait-ce que les oiseaux. Mais ma perception magique a l'air d'être en panne. Je me demande si c'est le stress de me sentir suivie qui me bloque. A moins que ce ne soit les conséquences de mon utilisation excessive du Maana il y a quelques jours.

Un léger courant d'air me fait frissonner à m'en dresser les cheveux sur la tête. Un courant glacial me glisse le long du dos, comme des doigts gelés qui me caresseraient doucement pour attirer mon attention. Brusquement, je me détourne et braque mes yeux sur le chemin que Nevra et moi avons déjà parcouru. Il me faut à peine une seconde pour repérer un élément qui n'a rien à faire dans ce décor. Mes yeux s'écarquillent.

-Vous... soufflé-je avant de m'interrompre.

A une cinquantaine de mètres de moi, en hauteur, perché sur un énorme rocher, se tient un homme. Son doigt sur sa bouche m'intime le silence. Un rapide coup d'œil vers Nevra m'indique qu'il n'a pas remarqué la présence de l'intrus. Cet homme accroupi là-bas, ne fait rien, ne dit rien. Il est là en simple observateur. Il n'est pas mauvais, je ne sens aucune animosité émanant de lui. Pourtant ses vêtements de couleur sombre et ce masque cornu n'inspirent pas vraiment confiance. Je sais que Miiko et les autres Gardiens le considèrent comme un ennemi. Pourquoi ne le voient-ils pas comme moi ? J'aimerais que Nevra puisse le rencontrer et se rendre compte qu'il n'est pas contre nous. Peut-être même qu'il pourrait nous aider contre ces monstres et ce cristal noir.

Le cœur rempli d'espoir devant cette nouvelle perspective, je me retourne pour héler Nevra. Je me coupe dans mon élan quand je constate que le bougre est déjà bien loin. Il m'abandonnerait, sans déconner ! Je veux faire signe à l'Homme Masqué de m'attendre, mais lui aussi m'a lâchement laissé tombé. Je suppose qu'une rencontre avec un Chef de Garde ne l'enchantait pas tant que ça.

Pourquoi a-t-il décidé de ne se dévoiler qu'à moi ? Y a-t-il un lien avec le fait que je sois l'Élue ? Pourquoi accepte-t-il d'être considéré comme le méchant de l'histoire alors qu'il n'en est rien ? Il me fait penser aux super-héros qui vivent dans les BD de mon monde. Des hommes qui œuvrent pour le salut de tout un peuple mais qui sont perçus comme des menaces parce que leurs actes ne sont pas assez explicites. Ces héros ne cherchent pas la gloire ou la reconnaissance. Au diable l'amour du peuple, à partir du moment où tout le monde s'en sort indemne.

L'Homme au Masque doit être comme ça. Je ne peux le considérer autrement qu'en héros. C'est vrai, même caché dans l'ombre, il m'a toujours aidé jusque là. Tout d'abord, il m'a sortie de ce cachot sordide et puis, il m'a indiqué où trouver un morceau de cristal. Pourquoi aurait-il fait cela si ce n'était pour aider Eel ? En ce moment, s'il nous suit, je sais que c'est pour veiller sur nous. Je sais que lorsque la situation l'exigera, il se dévoilera à la Garde, et là, tous seront bien obligés d'admettre qu'ils faisaient fausse route depuis le début !

Rassurée par cette révélation, je me dépêche de retrouver Nevra.Je cours en prenant soin de ne pas chuter sur ces galets glissants. Je meurs d'envie de parler à Nevra, de lui raconter mes réflexions et de le convaincre de faire confiance à l'Homme au Masque, mais je sais bien qu'il ne m'écoutera pas. Et quand bien même s'il le fait, il sera sur la défensive et se mettrait en chasse de notre protecteur. Ce n'est pas ce que je souhaite. Aussi, je décide d'écouter le conseil de mon nouvel ami et de ne rien dire.

Alors qu'un silence pesant s'installe à nouveau sur nous, au fur et à mesure que nous avançons, je ne peux m'empêcher d'observer Nevra. Il a l'air gelé. La tête enfoncée dans les épaules, son écharpe remontée jusqu'au nez et les bras croisés sur son buste, Nevra tremble. C'est vrai que l'air s'est rafraîchi. D'épais nuages cachent les rayons du soleil. La nuit est en train de tomber. On va se recevoir une nouvelle saucée. Il est temps pour nous de nous abriter.

D'un pas leste, je m'approche de mon chef de garde pour attirer son attention. En posant la main sur son bras, je ressens sa fatigue. Il est à bout. Je me sens perdue de voir Nevra, pourtant si fort et fier d'ordinaire, affubler ce manteau de faiblesse à ce moment. Il n'est pas dans son état normal.

-Viens, on va se reposer, lui murmuré-je doucement.

Non loin de là, un arbre nous propose idéalement un nids douillet grâce à ses branches en forme de main, dont la paume serait dirigée vers le ciel. Son épais feuillage devrait nous protéger un peu de la pluie. Il ne nous faut que peu de temps pour installer notre campement précaire. Un feu crépite sous les branches, sa chaleur montant jusqu'à nous pour nous réchauffer. Sans oublier qu'il tiendra éloignées les bêtes sauvages pendant notre sommeil.

Confortablement installée dans notre bivouac, je sors le paquet de biscuits. Il n'y en a presque plus. De quoi tenir quelques jours, tout au plus. J'ai fini le miel, il y a un moment déjà, quant au pain, je le garde en dernier recours. J'entends Nevra ronchonner en même temps que les premières gouttes se mettent à tomber. La mélopée de la nuit s'élève lentement pour atteindre mes oreilles. L'odeur de la pluie m'enivre. J'aime tellement cette fragrance. J'ai l'impression, par temps de pluie, que le ciel accorde à la terre d'être lavée de toutes les impuretés qui la souillent.

J'attrape un biscuit et pose le sachet en évidence entre Nevra et moi. J'espère lui faire comprendre qu'il peut piocher dedans, s'il le souhaite. Évidement, il snobe la nourriture, comme à son habitude.

-Un petit biscuit ? tenté-je.

Sans grand succès.

-Tu ne veux vraiment pas manger quelque chose ?

-La nourriture humaine ne me nourrit pas, souffle-t-il. Toi, tu en as besoin, alors inutile que je gâche tes vivres.

-Hum...

Je me souviens en effet de notre périple à Chrome et moi sur l'Ile de Jade. Nous avions perdu notre nourriture et avions été contraints de manger des pousses de bambous et autres plantes pour nous donner l'illusion d'avoir mangé. Mais même s'il ne s'agissait que d'un simulacre, nous avions pu nous endormir le ventre plein et éviter une dépression chronique.

J'attrape le paquet de biscuits et en recompte le contenu. Après tout, je m'en fiche ! D'un mouvement plus brusque que je ne l'aurais voulu, je tends les petits sablés à Nevra. Il me regarde, agacé, les sourcils froncés, comme si je n'avais pas écouté sa réponse.

-Je sais que ça ne va pas te caler pour longtemps, mais je me souviens comme ça peut remonter le moral de manger un morceau, lui souris-je.

J'espère que mon charme naturel saura le convaincre. Nevra secoue la tête en signe de négation. C'est vexant.

-Ça te fera du bien, je t'assure, insisté-je. Je suis prête à sacrifier une de mes rations si ça peut t'aider à aller un peu mieux.

Je sautille jusqu'à lui pour lui secouer le sachet de biscuits sous le nez. Il tente de repousser mon geste de sa main, mais je résiste.

-Nevra, s'il te plaît ! Si tu le fais pas pour te rassasier un peu, fais le pour moi. J'en ai marre de ton caractère de cochon.

Après une longue observation allant du paquet de nourriture à ma tête de chien battu, Nevra finit par céder.

Et c'est une victoire pour Waïtikka !!

Le vampire accepte donc de manger un peu. Ce n'est pas grand chose, mais je suis sûre qu'il ira beaucoup mieux avec ça dans le ventre.

-Tu sais, commencé-je en postillonnant quelques miettes, j'ai beau m'en plaindre, je te préfère quand même quand tu es un pot de colle dragueur.

Mon chef décrypte l'expression de mon visage de ses grands yeux gris avant de détourner le regard en baragouinant un "moui" dans sa barbe. Okey, je sais que j'ai un humour déplorable, mais je pensais au moins le faire sourire avec ça. Franchement, je le comprends plus. D'ordinaire, il se serait rué sur l'occasion pour me faire son numéro de charme. Il a bien dû se passer quelque chose chez lui pour qu'il y ai un tel changement de comportement. Je ne peux pas croire que tout ça vienne juste du fait qu'il doute de la nature de mon attachement pour lui. Qu'est-ce qu'il en sait si ça vient de son charme de vampire ou pas ? Je ne le sais pas moi même, alors...

De toute façon, il peut bien faire ce qu'il veut. Qu'il boude dans son coin si ça lui chante. Moi, il me gâchera pas le peu de joie que j'ai. Je me sens en sécurité grâce à mon Homme Mystérieux qui guette notre avancée, j'ai mangé et j'ai réussi à faire croquer un bout à mon têtu de chef. Que demander de plus ? Un peu de chaleur, pourquoi pas.

J'ai soudain une idée. Sous le regard hagard de Nevra, j'enlève ma veste, découvrant mes bras et mon décolleté. Dessous, je porte un petit débardeur noir à bretelles fines.

-Enlève ton kimono ! lui ordonné-je.

-Mon kimo-quoi ?

-Ton kimono, ta veste.

-Oui, je sais ce qu'est un kimono, s'agace-t-il. Mais pourquoi veux-tu que je l'enlève ? J'ai du mal à me dire que c'est ta façon de me demander un câlin.

-Mais non...

Ne lui laissant pas le temps de se faire plus d'idées, je l'attrape sans ménagement pour le déshabiller. Il n'a même pas le temps de se rebiffer que je descends de l'arbre avec mon butin. Je sens le regard de Nevra me suivre, quand je creuse un trou dans le sol meuble près du feu de camp. Une fois que la taille de la petite fosse me convient, j'arrache deux grandes feuilles à un arbre voisin. Ça ressemble à des feuilles de bananier. Je les secoue pour les débarrasser de leurs gouttelettes d'eau et enroule nos vêtements dans l'une d'elle. Après avoir ficelé la papillote avec la longue tige de la feuille, je dépose le paquet dans le trou près du feu, le recouvre de terre et dépose la deuxième feuille par dessus pour protéger le tout de l'humidité.

Satisfaite du résultat, je remonte dans notre nid. Nevra me regarde comme si j'étais une sorcière opérant un sacrifice de bébé Liclion.

-J'ai vu ça dans "Man vs Wild", c'est une émission qui passe dans mon monde. Un type se fait balancer dans la nature et il doit survivre jusqu'à trouver du secours.

-Et pourquoi il enterre ses fringues, ton type ? s'enquit Nevra, plus inquiet que curieux.

-Tu verras demain, souris-je, triomphante.

Ma joie redescend bien vite en constatant que les rafales de vents nous agressent directement la peau, maintenant. Je suis frigorifiée et à voir la chair de poule qui parcourt discrètement les muscles saillants de Nevra, je ne suis pas la seule.

Je me roule en boule pour trouver un semblant de chaleur pour me plonger dans le sommeil, mais rien y fait. J'ai tellement froid que je tremble de partout.

-C'est malin, ricane Nevra. Pourquoi nous priver de nos vestes si c'est pour avoir plus froid encore.

-Tu verras, râlé-je, refusant de lui avouer le dénouement de ma "technique de survie".

-Si tu te les pèle trop, tu peux aller chercher ton vêtement, me lance-t-il, la main en porte voix, comme s'il ne voulait que personne d'autre ne sache que mon idée était foireuse..

Il me dit ça comme s'il me faisait une faveur, du genre "c'est pas grave, je t'en voudrai pas". Hors de question de m'avouer vaincue ! Que ferait Bear Grylls dans ma situation ? Il dépiauterait un chameau mort pour dormir dans ses entrailles, ou s'assoupirait sur un tapis de roches volcaniques. Malheureusement, je ne dispose ni de l'un, ni de l'autre. Mais une idée me vient quand même à l'esprit. A défaut de chameau... Me redressant, je remarque que Nevra tente de trouver un peu de confort contre le tronc de l'arbre. C'est pas gagné.

J'hésite un instant, je doute finalement que ma présence soit la bienvenue. Un souffle glacé fini de me persuader que je n'ai d'autre choix si je veux pouvoir fermer l'œil. Je m'approche alors de Nevra pour venir me blottir contre lui. Il retient sa respiration quand je noue le contact. Je pense qu'il est tout aussi surpris que moi par mon comportement.

-C'est juste pour se tenir chaud, lui expliqué-je en claquant des dents.

Je me serais presque attendue à avoir droit à une de ses blagues salaces. Après tout, c'est lui qui s'est invité dans mon lit, la première fois. Je suis en droit de supposer qu'il cherchait un quelconque contact. Alors pourquoi me repousse-t-il depuis quelques temps. Je me sens rejetée, indésirable. Je pose ma tête contre sa clavicule, décidant d'ignorer les vagues de défiance émanant de lui.

Jusqu'à ce que ça devienne insoutenable.

-Allez, c'est bon, maintenant, explosé-je en me redressant. Tu vas me dire ce qui tourne pas rond avec toi, Nevra. J'en ai plus que marre !

Mon Chef reste interdit quelques secondes avant de détourner le regard :

-C'est rien. Tu n'as rien fait de mal, je t'assures.

-Arrête ton char ! Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre ? Je sais bien que j'y suis pour quelque chose à ton comportement.

-Tu... tu y es pour quelque chose, c'est vrai. Mais toi, tu n'as rien fait. C'est moi...

J'y comprends vraiment rien. Qu'est-ce qu'il me chante, là ?

-Explique-toi, Nevra. Qu'est-ce que tu as fait ?

Il prend cette mine boudeuse qu'ont les enfants quand on les pousse à avouer leur bêtise.

-J'ai compris, ne t'en fais pas, bougonne-t-il. T'as pas à te forcer à être gentille.

-Quoi ? Me forcer à être gentille ? bafouillé-je. C'est quoi cette blague ? D'où je me forcerais à être quoi que ce soit ? Qu'est-ce que tu as compris, dis-moi ?

-Que ma présence t'est indésirable. J'ai compris que je t'insupporte. Je vois bien que mon comportement "pot de colle", comme tu le dis si bien, te gêne plus qu'autre chose.

J'en suis bouche bée, où a-t-il été chercher tout ça ?

-J'ai compris, Waïtikka. Je vois bien que tu te forces à être gentille, à essayer d'entretenir une certaine proximité pour ne pas me vexer. Mais ne te sens pas obligée.

Mes yeux perlent malgré moi. Ce n'est ni de la tristesse, ni aucune autre émotion doucereuse. Ce qui me brûle les paupières, là, maintenant, c'est la rage. Il me fait quoi là ? Il veut que je l'étripe ou quoi ? S'il ne m'avoue pas tout, tout de suite, il passera pas la nuit, ce sale petit...

-Où t'as été pécher tout ça ? Ça te vient d'où cet amas de conneries, Nevra ? m'énervé-je. Qu'est-ce que j'ai dis que tu as pu mal interpréter ?

Je lui fais face, à présent et le menace de mon index. Nevra n'ose même plus détourner son regard.

-Je...

-"Tu" rien du tout, le coupé-je. Ça commence à bien faire de me prendre pour une gentille cruche ! J'avoue n'apprécier que moyennement les surprises dans mon lit ou mon intimité, surtout quand je suis crevée. Ça se comprends, non ?

Je sens que je sors de mes gonds, mais c'est trop tard pour faire marche arrière.

-Mais de là à penser que je ne te supporte pas, tu vas un peu loin, Nevra ! Je ne te permets pas de penser en mon nom, c'est clair ? appuyé-je en le martelant de coups d'index sur le torse. J'apprécie ta présence. Beaucoup ! Je t'apprécie, toi, énormément ! Pourquoi t'aurais-je suivi dans tout ce merdier, sinon ? Tu peux me le dire ? Ben non, bien sûr que tu peux pas ! Espèce de pauv' type !

Je m'arrête un instant. Pour reprendre mon souffle et essuyer les larmes qui brouillent ma vision.

-Tu as fini ? m'interroge calmement le vampire.

-Non ! Je suis pas prête d'avoir terminé, Nevra ! hurlé-je, sans savoir pourquoi.

Au loin, je sens une nuée d'oiseaux nocturnes prendre leur envol, perturbés par mes éclats de voix.

-Tu m'as laissé croire que tu ne voulais plus de moi ! J'ai cru que tu préfèrerais me laisser crever dans un coin plutôt que de supporter ma présence ! sangloté-je. Tu m'as laissé me morfondre pendant des jours ! Et tu pensais que... que...

Ma voix s'éteint. Entre chaque sanglot, je baisse d'un ton. Je dois lui dire. Je me dois de terminer. Je ne lui fait pas tout ce cirque pour chialer comme une gamine.

-Toi, tu pensais que c'était moi qui ne te supportais pas ? Comment as-tu pu croire ça, Nevra ?

-Pardonne-moi. J'étais loin de me douter de tout ça, murmure le vampire à mon oreille, tandis qu'il m'attire contre lui. Je l'ai cru quand il m'a dit que je vous gênais, Ezarel et toi.

Ma respiration se bloque. La rage qui brûlait dans ma poitrine jusque là s'embrase à nouveau vers une cible qui m'est encore inconnue.

-Qui ? demandé-je, en m'écartant pour pouvoir plonger mon regard dans celui de Nevra. Qui t'a dit ça ?

Mon regard doit en dire long, parce que Nevra hésite à me répondre.

-Dis-le moi, Nevra, que je sache de qui Eel sera en deuil prochainement.

-Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée, grince-t-il. Tu devrais dormir un peu, on a une longue route demain et t...

-Crache le morceau, ordonné-je sans détour.

Je vois bien qu'il ne veut pas que mon opinion vis à vis de cette personne ne change, mais il y a des choses à mettre au clair.

-Kero m'a demandé de garder mes distances avec toi, avoue enfin Nevra. Que tu n'en pouvais plus de mes intrusions.

Je ne sais pas pourquoi, un son strident m'assourdit. Un bourdonnement qui provient de l'intérieur de mon crâne. Ce nom me tombe dessus comme un coup de massue. Je suis abasourdie. J'ai du mal entendre. C'est obligé, j'ai mélangé les sonorités. Nevra devait parler de quelqu'un d'autre. Qu'est-ce que Kero vient faire dans cette histoire ?

-Je comprends pas, lâché-je, éberluée. De qu... pourq...

Ma bouche refuse de mettre des mots sur mon effarement.

-D'où ? vomissé-je presque. D'où il s'est permis de te dire ça ? Et puis quand ?

-L'après-midi, un peu avant l'attaque du Refuge.

Tandis que je me repasse la journée dans la tête, Nevra m'observe les sourcils froncés. Ça le travaille que je sois aussi retournée. Je sais qu'il ne veut pas détériorer les relations que j'ai pu établir avec les personnes de la Garde, mais il y a quand même des limites. Cet après-midi-là, que c'était-il passé ? Juste avant l'attaque, j'étais au labo avec Ezarel. Encore avant cela j'effectuais des recherches à la bibliothèque. Avec Kero, justement. Je me souviens de nos discussions. Je lui avait demandé s'il savait pourquoi Ezarel et Nevra étaient en froid. Après m'avoir fait comprendre que j'étais le sujet de la discorde il avait prétexté une course à faire pour se carapater.

-L'enflure, voilà ce qu'il était parti faire ! sifflé-je entre mes dents. Mais de quoi je me mêle ?! Non mais sans déconner ?

  Ça dépasse l'entendement. Qui lui a permis, à ce troufion de grand nigaud de s'occuper de mes affaires ? Ça m'apprendra à me confier sans méfiance à la première gentille frimousse que je rencontre.

-Il n'a rien compris, en plus !

Je hurle presque. Nevra n'ose rien dire devant mon état de fureur. Il a conscience que mon énervement est justifié. J'imagine qu'il apprécie moyennement de s'être fait rouler dans la farine, lui aussi. Alors comment fait-il pour garder son calme ? Il s'en fiche ou quoi ?

-Je ne lui ai jamais dis que je ne te supportais pas, me justifié auprès de mon chef. C'est de vous voir vous disputer, Ezarel et toi, qui me faisait de la peine.

-Pourtant, Kero a été on ne peut plus clair : hormis en ce qui concerne la Garde et les missions, tu n'acceptais aucun contact avec moi.

-Foutaises ! Et toi, tu l'as cru ?! C'est moi la naïve, après...

J'ai chaud tout d'un coup. Ça va pas le faire, cette histoire. Je n'arrive pas à saisir la logique des informations emmagasinées.

-Pourquoi il a été te dire ça ?

Nevra lève les mains, paumes ouvertes pour m'inciter à me calmer. Ce qui évidemment a l'effet inverse.

-Écoute, commence-t-il. Que je l'ai cru ou non n'est pas la question. Il dispose des pouvoirs nécessaires pour me nuire si je n'obéis pas à un ordre direct d'un Étincelant, alors j'avais pas vraiment le choix.

-Il t'a "ordonné" de ne pas m'approcher ? buté-je sur les mots.

Il se fiche de moi. J'en reviens pas. Une boule de chaleur intense naît dans ma poitrine.

-Il t'a menacé ? me renseigné-je d'un ton inquisiteur.

-Pas vraiment, minimise Nevra, les sourcils froncés. Il a juste été très clair sur le fait qu'il pouvait me faire radier de la Garde et me faire considérer comme "Faery Hors de Contrôle".

-Et ça, pour toi, c'est pas une menace ? Comment Kero peut-il faire ça ?

J'ai envie de vomir. J'ai l'impression qu'on ne parle pas de la même personne.

-Comment peut-il te menacer ? Comment peut-il se mêler à ce point de ce qui ne le regarde pas ?

Puis me vient à l'esprit la bonne question.

-Comment se fait-il que Kero ait autant d'autorité sur toi ?

-C'est un Étincelant, m'indique Nevra comme s'il s'agissait là de la plus haute distinction autorisant tout et n'importe quoi.

-Arrête, ça ne vous a jamais arrêté pour le taquiner. Que Kero soit un Étincelant ou un simple valet de la Garde, c'est du pareil au même pour vous autres.

Je ne peux m'enlever cette image doucereuse de ce Brownie-licorne. Son gentil sourire et ses gestes intentionnés. Il a plaidé ma cause auprès de Miiko quand j'en avais besoin. Il m'a soutenu dans mes moments de détresse et a su m'apporter une oreille attentive quand je ressentais le besoin de me confier. Je n'arrive pas à concevoir en quoi il pourrait être une menace pour Nevra. Ni pour qui que ce soit d'autre, d'ailleurs.

-Ne te fie pas à ses beaux-airs, intervient le vampire. Kero n'est pas comme tu le penses. Il n'a peut-être pas une grande influence sur Miiko et Leiftan, mais il en a sur le Conseil.

-Le Conseil ? C'est quoi, ce truc, encore ?

-Ce "truc", c'est un regroupement de Faeries, m'explique-t-il. Des anciens pour la plupart. Leur rôle est de représenter le peuple du Royaume d'Eel et leur pouvoir décisionnel leur permet d'influer sur l'avenir de toute Faery sur le territoire. Ils se gardent le droit d'éradiquer un individu s'ils estiment que celui-ci est une menace pour le peuple.

-Tu veux dire que ce Conseil a autorité sur Miiko et la Garde d'Eel ?

-Bien sûr ! rit Nevra d'un sourire sans joie. Tu croyais que Miiko était la plus haute gradée de tout le Royaume ?


J'avoue que l'idée ne me semblait pas si saugrenue jusque là. N'empêche, je suis toujours paumée. Je dois être stupide, c'est pas possible autrement.

-Alors peux-tu m'expliquer comment Kero, qui est sous les ordres de Miiko, pourrait avoir plus d'influence sur le Conseil qu'elle n'en a, elle-même ?

Nevra hésite un instant. Je sens bien qu'il veut m'épargner la réalité des choses. Malgré le coup fourré que lui a fait Kero, il tient à ce que je continue de le voir en gentil bibliothécaire qui ne me veut aucun mal. Bizarrement, je commence à avoir de plus en plus de doutes sur le bien fondé de ses gentilles attentions envers moi. Est-ce qu'il avait des intentions cachées ? Pourquoi s'en prend-il à Nevra de façon si véhémente ?

Je croise les bras contre ma poitrine palpitante et fronce les sourcils pour lui faire comprendre que je suis prête à encaisser.

Devant ma détermination, le vampire abdique :

-Je te l'ai dis, Kero n'est pas aussi gentillet qu'il le laisse penser. Il a su s'attirer les faveurs des vieilles biques qui siègent au Conseil.


J'ouvre des yeux ronds et grands comme des soucoupes. La boule de feu qui chauffe en moi gonfle davantage.

-Il lui suffirait de leur faire les beaux yeux pour qu'elles décident de me nommer "Faery Hors de Contrôle". Non seulement, on me retirerait le commandement de la Garde de l'Ombre, mais je risquerais aussi d'être banni du Royaume d'Eel. Ou traqué si je ne plis pas à leurs ordres.


Nevra m'explique tout ça d'un air si détaché. Comme si ça ne le touchait que de très loin. A moins que finalement, obéir à l'interdiction de Kero ne le gêne pas outre mesure, dans le sens où notre relation lui importe peu.

-Non, refusé-je en secouant la tête. Je suis désolée, ça colle pas.

Je sens cette rage qui monte en moi, comme un ballon de baudruche qu'on gonflerait à n'en plus finir. La chaleur se répand dans ma cage thoracique et pousse le mur naturel de mes côtes. Il en faut peu avant que je n'explose. Vraiment très peu.

-Je ne te crois pas. Tout allait très bien et d'un coup, sans raison, du jour au lendemain, tu es devenu un vrai glaçon !

-Ker...

-On est paumé en pleine nature, Nevra ! Il s'est forcément passé quelque chose. Arrête de dire que Kero est le fautif.

-Il m'a contacté, s'impose mon chef pour couvrir mes éclats de voix. Kero m'a contacté. Son Seryphon m'a apporté un message pendant que tu dormais.

J'en tombe des nues. Mais où va le monde ?

-Pourquoi tu ne m'as rien dis ? m'énervé-je.

-Il n'y avait rien à dire, voila tout.

-Que disait le message ? fis-je en haussant les épaules.

Nevra braque ses prunelles anthracites dans les miennes. Il n'apprécie guère mon insistance, mais pour le moment, je me fiche pas mal de ses états d'âme.

-Des nouvelles du QG, principalement.

-Et t'as pas pensé que ça pouvait m'intéresser ?! m'exclamé-je.

Plus ça va et plus je me sens sombrer dans la folie. Personne ne tourne rond ici, c'est quand même fou !

-Les autres se sont rendu compte de ton absence et comme Chrome et moi étions partis en mission au même moment, ils ont supposé, à juste titre, que tu nous avait accompagné.

-Oh, me refroidis-je. Et c'est tout ?

-C'est Kero qui a rédigé le message. Il m'a rappelé ses ordres et les risques encourus.

C'est pour ça que Nevra s'est renfermé tout d'un coup. Mes joues sont en feu.

-Mais tu te rends compte ? De l'ampleur de la menace, tu te rends compte de l'envergure que prennent les évènements ? Et pourquoi ? Parce que ça le fait chier qu'on soit proches ?

Nevra ne trouve rien à dire, il hausse les épaules pour me faire comprendre qu'il n'a pas plus d'explications à m'apporter.

-Me fait pas croire que c'est par égard pour Ezarel, commencé-je à m'emballer... Parce que c'est ce qu'il a dit, c'est ça ? Que tu nous gênais, Ezarel et moi ? Nous gêner de quoi, pour commencer ?


Là, c'en est trop. C'est plus que ce que mes épaules ne peuvent supporter. La boule qui brûle en moi explose. Mes côtes me font mal à cause du rythme effréné de mon cœur battant. Je souffle par le nez comme un taureau pour tenter de me calmer. En vain.

Mille et une insultes traversent mon esprit. Ma mère serait folle si elle me voyait dans un tel état. Elle qui est persuadée d'avoir élevé une gentille petite fille, mignonne, qui ne dit jamais un mot de travers, qui ne regardera pas les garçons avant d'être en âge de se marier et bla bla bla. Ça me fracture l'entre-jambe d'être toujours cette petite prude à deux balles qu'on m'a gentiment conditionné à être. Maintenant, si je veux pousser ma gueulante, je la pousserai ! Avec mes insultes, si je veux !

Je m'énerve davantage en pensant à tout ça. Je tâche de me recentrer sur la cause première de tant de fureur et cela suffit à me faire sortir de mes gonds.

-Je tiens à préciser, tenté-je, dans un discours qui se veut rationnel, que je ne suis la propriété de personne. Per-so-nne ! Alors si cette petite poule de luxe a quelque chose à dire, qu'il vienne me le dire clairement. Que je le surprenne pas à te menacer, je vais lui faire bouffer sa corne par le c...

Nevra plaque sa main contre ma bouche pour me faire taire.

-J'ai compris, tu lui en veux et c'est normal. Mais t'as pas besoin de hurler, tu vas rameuter des bestioles que t'as pas forcément envie de voir.

Je n'ai que faire de ses recommandations. Je m'en fiche d'attirer des monstres au pied de l'arbre. Nevra n'aura qu'à s'en occuper ! Je lutte pour me libérer de son bâillon et renchaîne aussitôt.

-Est-ce que tu te rends compte du toupet qu'il a eu de te menacer parce qu'on se côtoyait tous les deux ? grogné-je en baissant d'un ton.


J'essaye de chuchoter, mais ma rage me fait pousser toujours plus fort sur ma voix. Je ne sais pas comment je vais réagir lors de notre retour au QG, mais Kero n'aura pas intérêt à venir m'accueillir comme une fleur. Je vais bien le recevoir, sinon.

-Je vais tellement lui en faire baver que je peux te certifier qu'il va en gerber des arcs-en-ciel à paillettes !

Je continue de déverser le flot d'insultes tara-biscornues que j'ai en réserve jusqu'à épuisement. Nevra ne dit rien. Il sait que c'est peine perdue. Et puis, s'il ne veut pas devenir ma nouvelle cible, c'est dans son intérêt de se faire discret. Kero, ce sale traître ! Je le retiens. Il perd rien pour attendre, celui-là.

Le silence retombe peu à peu sur la forêt profonde. La nature qui s'était tue sous l'effet de ma tempête d'émotions reprend peu à peu ses droits. J'entends à nouveau ce qui ressemble aux hululements d'une chouette. Je ressens les premiers sons comme "Nous t'avons entendu et te soutenons". C'est stupide, je sais. Mais sans savoir l'expliquer, une vague de compassion pour moi-même m'atteint depuis les sous-bois. J'ai pitié de moi-même. C'est définitif, je suis folle à lier ! Je me réjouis presque à l'idée du challenge que cela va être de s'extirper de cette magnifique chemise blanche dont les manches s'attachent dans le dos. Je réfléchis déjà aux techniques de contorsion pour me défaire de la camisole. Ça me pend tellement au nez, que je peux me pencher sur la question dès maintenant.

Mon regard se perd dans le lointain, là bas, au delà du fleuve. La lune éclaire cet océan de verdure qui ondule au gré du vent. On jurerait y voir des vagues. Un frisson me secoue les épaules lorsque j'imagine une Bulette nager sous cette apparente tranquillité.

-Viens là, murmure Nevra en m'attirant contre lui.

Pensive, je me laisse entraîner et m'appuie contre lui. Lorsque je pose ma tête sur sa clavicule, un soubresaut me sort de mes rêveries.

-Tu me fais rire, quand même, Waïtikka.

Qu'est-ce que j'ai dis de drôle ? Il devine à mon regard que je ne l'ai pas suivi.

-Tu penses vraiment pouvoir lui faire vomir un arc-en-ciel à paillettes ?

Nevra sourit de toutes ses dents. J'étudie tous les traits de son visage. Il n'est plus crispé. Je n'y vois plus aucune défiance à mon égard. J'ai enfin retrouvé le Nevra que je connaissais ! Je ne peux m'empêcher de sourire à cette perspective, heureuse d'avoir au moins pu le retrouver lui, à défaut d'avoir perdu ce que je pensais être une amitié sincère avec l'autre cornu.

-Bien sûr, c'est une licorne. Ça vomi des arc-en-ciel les licornes, tu sais pas ça ?

Mes nerfs lâchent totalement et ensemble nous partons dans un fou rire. Je ne sais pas de qui je tiens ça, mais il m'arrive d'avoir un débit de conneries à la minute qui mériterait de figurer dans un livre des records. Cette bonne rigolade m'a réchauffé. Je m'installe confortablement contre Nevra. Il est assis, dos contre le tronc de l'arbre et m'a accueilli dans le creux de ses bras pour que je puisse me reposer. Je fais glisser ma main de son torse jusque sur ses abdos pour finalement la déposer sur sa hanche.

Je tasse un peu mon oreiller de fortune avec ma joue et me blotti contre Nevra. Un courant d'air s'infiltre sous les feuilles et vient me faire frissonner. Le vampire m'a senti grelotter et me resserre davantage contre lui.

-Repose-toi, me susurre-t-il en déposant un baiser chaste sur mon front. Je veillerai à ce qu'il ne t'arrive jamais rien, Waïtikka.

Une douce chaleur éclot sur l'empreinte de ses lèvres et me contamine tout le corps. Je me sens tellement bien contre lui. Nous avons beau nous trouver en plein cœur d'un territoire hostile, je sais que tant que Nevra est à mes cotés, je ne crains rien. Je sais que je peux lui confier ma vie les yeux fermés, il saura toujours la préserver.

Je prends plaisir à écouter les battements forts et rapides de son cœur. Il est tellement vivant, tellement vigoureux. Son torse qui se lève et s'affaisse au rythme de sa respiration profonde me berce et je ressens son souffle dans mes cheveux comme une douce caresse rassurante. Je souris tandis que je me noie dans l'odeur enivrante de son cou. Mélange subtile de frais et de sucré sous lesquels je décèle une pointe un peu plus âcre. Cela me rappelle ces petits bonbons qu'on mangeait étant gamins. Des petites billes à sucer recouvertes d'une poudre piquante. Il fallait avoir l'audace de passer l'épreuve de l'acidité si on voulait goûter au cœur exquis de la friandise. J'avais oublié cette capacité qu'a Nevra d'éveiller une foule d'émotions en moi. Ce mec me perturbe. Mais bon sang, ce que j'aime ça !

Recherchant une source de douceur, mes doigts papillonnent jusqu'à l'orée du t-shirt de Nevra pour s'y engouffrer.

Dès lors que ma main rencontre sa peau tiède et duveteuse, je m'abandonne aux mondes oniriques en caressant cette douceur immaculée. Trésor de lait qui frémit sous mes doigts.







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