Voyage au centre du soleil

By Takatsuki7

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Yona, une jeune bûcheronne du nord du continent de Wêreld, frôle la mort lors d'une avalanche. Miraculeusemen... More

Prologue - Voyage vers l'inconnu
Chapitre 1 - Un début d'aventure inattendu
Chapitre 2 - Contrats
Chapitre 3 - Passés et avenirs
Chapitre 4 - Découvertes et rencontres
Chapitre 5 - L'histoire de Koud
Chapitre 6 - Honnêteté, ou loyauté ?
Chapitre 7 - La naissance d'une amitié
Chapitre 8 - Au cœur de la nuit
Chapitre 9 - Confrontations - Partie 1
Chapitre 9 - Confrontations - Partie 2
Chapitre 10 - Bienvenue à Newels - Partie 1
Chapitre 10 - Bienvenue à Newels - Partie 2
Chapitre 11 - Survie dans la brume
Chapitre 12 - La dure réalité
Chapitre 13 - Un pas vers sa destinée
Chapitre 14 - De promesses en promesses
Chapitre 15 - Convalescence
Chapitre 16 - La raison de mettre sa vie en jeu
Chapitre 17 - L'élu des dieux
Chapitre 18 - Tout ce qui reste à accomplir
Chapitre 19 - Quelque chose de bien plus grand
Chapitre 20 - Le doute permanent
Chapitre 21 - La ville-étape
Chapitre 22 - L'arbre né d'une légende - partie 1
Chapitre 22 - L'arbre né d'une légende - partie 2
Chapitre 23 - Nouveau départ
Chapitre 24 - Le troisième compagnon
Chapitre 25 - La forêt de Dood
Chapitre 26 - La deuxième épreuve
Chapitre 27 - Une nouvelle destination
Chapitre 28 - L'arrivée à Liggewig
Chapitre 29 - Les débuts au palais
Chapitre 30 - Jeux
Chapitre 31 - Ainsi fonctionne la magie
Chapitre 32 - Routine productive
Chapitre 33 - Le lieu de la troisième épreuve
Chapitre 34 - Parmi les nobles
Chapitre 35 - Le début de la troisième épreuve
Chapitre 36 - En effervescence
Chapitre 37 - Dîner
Chapitre 38 - Se souvenir et affronter
Chapitre 39 - Compte à rebours
Chapitre 41 - Tout rentre dans l'ordre
Chapitre 42 - Trinquer à l'avenir
Chapitre 43 - Qu'un au revoir
Chapitre 44 - Les dangers de l'océan
Chapitre 45 - Nouvelle Force
Chapitre 46 - Rixe mouvementée
Chapitre 47 - Voyage à quatre
Chapitre 48 - L'heure de la vengeance
Chapitre 49 - Vivre jusqu'au bout
Chapitre 50 - Un moment hors de tout
Chapitre 51 - La quatrième épreuve
Chapitre 52 - Impasse
Chapitre 53 - À rien de la fin
Chapitre 54 - La vérité sur le Soleil
Chapitre 55 - Le berceau de la magie
Chapitre 56 - Invasion
Chapitre 57 - Faire la différence
Chapitre 58 - Victoire amère
Chapitre 59 - Débuts en Terre Sainte
Chapitre 60 - Au cœur des dunes
Chapitre 61 - La fin du début
Épilogue - Horizons

Chapitre 40 - La vente aux enchères

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By Takatsuki7


Le petit marteau du crieur tambourina le pupitre en bois derrière lequel il se tenait.

– Adjugé au numéro trente-quatre ! Le lot numéro sept est adjugé au numéro trente-quatre !

Toute la vaste salle applaudit poliment. La somptueuse peinture qui venait d'être vendue se fit emporter dans les coulisses, alors qu'un nouveau lot prenait place. Cette fois, il s'agissait d'une collection de petites statuettes blanches pas plus hautes de quelques pouces. De son siège, Yona ne parvint pas à en distinguer les détails, mais le meneur de cette soirée expliqua plus en détail.

– Et voici notre prochain lot ! Cinq magnifiques sculptures représentant les cinq sens, venues tout droit d'une mystérieuse tribu qui réside en plein milieu du désert ! Il paraîtrait que le matériau qui a servi à réaliser ces statuettes a comme origine la Terre Sainte elle-même, et résiste à presque tout ! Le prix de départ est à huit pièces d'or.

Les petites pancartes tenues par les participants se levèrent à tour de rôle, annonçant une surenchère. Moins impressionnant que pour la peinture précédente, la bûcheronne fut quand même sidérée de voir à quel point le prix monter vite. En à peine quelques minutes, la somme des deux cents pièces d'or fut atteinte et adjugée par le crieur. La salle applaudit de nouveau, et comme la tradition le veut, le récent propriétaire — quelques rangs plus bas, sur la gauche de Yona — se leva et salua l'assistance. Dans un manteau entièrement rouge, la capuche relevée, il était impossible de discerner le moindre détail le concernant. Son visage restait également à l'abri, derrière un masque de porcelaine blanche affichant un sourire. Il se rassit après une poignée de seconde, un nouveau lot fut amené sur scène, et le cycle recommença.

La garde du corps n'attendait que deux lots, pour lesquels elle se battrait corps et âme. Mais pour l'instant, à part observer patiemment l'évènement, elle n'avait pas grand-chose pour s'occuper.

Pour atteindre le lieu de la vente, il fallait passer par un autre bâtiment. Officiellement, l'orphelinat Redder organisait une soirée de charité pour une levée de fonds exceptionnelle avec un thème masqué. Une fois à l'intérieur, les convives dans la confidence pouvaient se faire indiquer une pièce au fond du rez-de-chaussée, accessible uniquement sur présentation d'une invitation. Il fallait s'y rendre à une heure précise, avec le nombre exact d'invitations et d'invités. Une fouille rapide était effectuée, pour s'assurer qu'aucune arme n'était amenée.

Enfin, il fallait emprunter une série d'escaliers et de couloirs en pierre afin d'être conduit à la vente. Ils avaient ensuite été guidés, toujours sous étroite surveillance. Yona n'avait eu aucun doute qu'un bon nombre d'activités toutes illégales se déroulaient dans ce complexe, et les organisateurs de l'évènement ne voulaient pas que des convives s'égarent et tombent sur certains secrets sensibles.

La salle dans laquelle elle se trouvait ressemblait grandement à un amphithéâtre, dont l'usage devait varier en fonction des soirées. Une vingtaine de rangs en arc de cercle surplombaient la large scène en latte de bois. Deux accès aux coulisses étaient visibles aux extrémités. Les murs comme le plafond se révélaient assez sobres, d'un blanc immaculé avec quelques gravures de-ci de-là, mais sans grande ambition. Cependant, la pièce était très bien éclairée, avec de nombreuses lampes à huile sur les côtés, et plusieurs lustres pendants quelques pieds au-dessus de la tête des convives, eux aussi préférant efficacité à beauté.

Toutes les lampes étaient allumées au maximum lors de leurs installations. Yona avait pu voir plusieurs groupes d'invités, identifiables à leurs vêtements similaires. Comme le précédent acheteur, une dizaine de personnes portait la même cape rouge. Certains les imitaient en optant pour une couleur plus neutre, comme du noir ou du marron. D'autres au contraire avaient préféré des tenues de soirée, resplendissant dans des robes ou des costumes de très bonnes factures. Malgré ces différences, ils avaient tous deux points communs. Premièrement, ils étaient tous très élégants et affichaient une certaine richesse. Et deuxièmement, ils cachaient tous plus ou moins leurs visages. Certains choisissaient des masques pour ne rien laisser transparaître, alors que d'autres, plus à l'aise avec ce genre d'évènement, avec simplement un bandeau de dentelle sur les yeux.

Mais quand la vente aux enchères avait commencé, des domestiques avaient éteint en partie l'audience afin de se concentrer sur les lots. Une centaine d'objets allaient être proposés ce soir. Le plan était en marche, il ne manquait plus qu'à l'appliquer. Mais lorsqu'elle fut assise, au milieu de criminels, une boule se forma dans son ventre.

Elle chercha le bras d'Erlik sur sa droite, et le serra. Le jeune noble posa sa main par-dessus la sienne, et l'étreignit tendrement. La bûcheronne sentit qu'elle était aussi moite que la sienne. Erlik était un panthéon d'assurance lorsqu'il avait pris en charge la confection du plan dans ses moindres détails, secondé par les remarques judicieuses de Gereg. Mais comme elle, leur situation ne le laissait pas de marbre. Malgré tout, ce contact la détendit et lui permit de se calmer, du moins en partie.

La soirée continua, et les lots s'enchaînèrent. Mais au numéro vingt-sept, Yona faillit décoller de son siège. La plume dorée ! Elle devait rester tranquille. Officiellement, elle n'était que la compagne d'Erlik, c'était donc lui qui détenait la pancarte.

– Voici un objet pour le moins mystérieux, commença le meneur de la vente. Tous les experts s'accordent, ils ne sont pas en mesure de trouver à quel animal appartient cette plume dorée ! Trop grande pour un oiseau, trop précieuse pour être banale, il ne nous reste alors qu'une seule piste, les légendes. Certaines évoquent un être surpuissant, donc le plumage aurait des propriétés uniques encore à découvrir ! Seriez-vous celui qui créera des miracles ?

Une fois le prix initial annoncé — quarante-cinq pièces d'or ! –, le jeune noble leva pour la première fois de la nuit la pancarte.

Yona pria pour que personne ne surenchérisse. Mais sans grand étonnement, quelqu'un — avec une coiffe de plumes — sur leur gauche prit part à la bataille. Sans hésiter, Erlik répéta son geste et reprit la tête. Son adversaire riposta d'un coup de pancarte. Mais avant qu'Erlik ne puisse réagir, une capuche noire en dessous d'eux entra dans le combat. Deux autres invités rejoignirent la danse. Les panneaux de bois se levèrent et se baissèrent telles des épées sur-le-champ de bataille. La tension montait en Yona, qui serra les accoudoirs de sa chaise pour éviter de crier de frustration.

Une minute passa, et un premier adversaire s'avoua vaincu. Puis rapidement, un deuxième cessa d'élever sa pancarte. Ils tombèrent tous un par un, sauf Coiffe-de-Plumes.

- Quatre-cents pièces d'or ! hurla le crieur à travers la salle.

Yona prit peur, Erlik approchait dangereusement de sa limite, soit cinq-cents pièces d'or. Comment allaient-ils faire pour la pierre ? Mais dans cette situation, impossible de se concerter. La garde du corps n'avait d'autre choix que de se taire et de faire confiance à Erlik.

– Cinq-cents pièces d'or !

Le chiffre fatidique, et c'était Coiffe-de-Plumes qui venait de relancer ! Mais plein d'assurance, son compagnon monta sa pancarte en l'air, augmentant encore le prix. Son adversaire hésita à suivre, mais le fit au début du compte à rebours du crieur. Sans attendre, Erlik surenchérit à nouveau. Yona retenait sa respiration.

– Trois, deux, un... Adjugé au numéro quarante-sept ! Le lot numéro vingt-sept est adjugé au numéro quarante-sept pour six-cents pièces d'or !

La bûcheronne ne sut quoi penser. D'un côté, la plume était sécurisée, et c'était un véritable soulagement. Le problème, c'est qu'Erlik avait déjà dépassé tout l'argent qu'il pouvait mettre. Ils n'auraient plus de quoi compétiter pour la pierre !

Elle se tourna vers lui et chercha son regard. Lorsqu'il fit de même, ses yeux semblaient si sereins qu'elle se demandait comment c'était possible. Ses lèvres s'étirèrent et formèrent un doux sourire, puis il hocha subtilement la tête, comme pour lui dire « Tout va bien ». Une chaleur agréable naquit dans sa poitrine. Rassurée, elle se reconcentra sur la scène. Il ne fallait surtout pas louper le deuxième objet pour lequel ils prenaient autant de risques.

Mais jusqu'à maintenant, cela faisait partie du plan. Enfin, d'un plan. La nuit dernière, ils avaient passé des heures à prévoir plusieurs possibilités qui pourraient arriver. La version la plus simple était de parvenir à acquérir normalement les deux objets et à partir d'ici tranquillement. Bien évidemment, c'était la moins probable, et la réalité venait de le confirmer. Désormais, l'un des deux objets était acheté, et cela compliquait les choses.

Elle n'eut pas le temps de réfléchir à la suite qu'un lot attira de nouveau son attention.

– Mesdames et messieurs, je trouve personnellement ce lot numéro trente-et-un particulièrement fascinant !

Le meneur de la vente souleva le drap qui cachait l'objet, et révéla une pierre rouge, l'intérieur pulsant comme un cœur. La pierre du lac gelé !

– D'après nos spécialistes, il s'agit d'un artéfact très puissant. Nous ne connaissons pas ses limites d'utilisation, et nous ne sommes même pas parvenus à mesurer son niveau magique ! Il n'y a aucun doute que cet artéfact est le plus impressionnant que j'ai jamais eu la chance de voir. Les enchères commencent à quatre-vingts pièces d'or.

Simultanément, plus d'une dizaine de pancartes s'élevèrent. Le crieur mit du temps à faire le compte, car à chaque fois qu'il validait une surenchère, un autre invité relançait. Au grand étonnement de Yona, Erlik leva aussi son panneau, et ce plusieurs fois. Il gardait une posture régalienne, comme si rien ne l'atteignait, mais il avait commencé à battre nerveusement de la jambe. Le prix dépassa rapidement les deux-cents pièces d'or, et alors que le jeune noble s'apprêtait à lever à nouveau sa pancarte, la garde du corps l'en empêcha en posant une main sur son poignet.

Elle était reconnaissante pour tout ce qu'il faisait depuis le soir du cambriolage, que ça soit son soutien psychologique ou l'énergie qu'il investissait pour retrouver ses biens. Mais avec la plume, il allait déjà devoir contracter une dette de cent pièces d'or ! La bûcheronne refusait de le voir se mettre dans une situation encore plus délicate à cause d'elle.

Sans un mot, leurs regards se croisèrent, et elle sut qu'il comprit. Inquiété, il cessa à contrecœur d'élever sa pancarte. Il leva sur elle des sourcils interrogateurs. Yona le convainc via ses yeux brûlant de détermination. Erlik hésita quelques secondes, mais se détourna finalement d'elle pour se concentrer sur la scène, ou du moins faire semblant.

Le lot partit pour mille-deux-cents pièces d'or. Yona n'avait jamais entendu une somme aussi élevée. Qui que soit cet acheteur, il rivalisait sûrement avec la famille royale en termes de fortune.

Maintenant que les deux lots intéressants étaient passés, elle allait devoir trouver un plan, et vite.

Une trentaine de minutes s'écoulèrent, et l'esprit de Yona n'arrivait pas à pondre une idée viable. Comment rejoindre les coulisses ? Où se situait précisément la pierre ? Comment sortir d'ici ? Il semblait y avoir beaucoup plus de problèmes que de solution.

Pourtant, une vingtaine de lots plus tard, l'objet qui fut amené sur la scène la perturba. Il s'agissait d'une peinture aussi haute qu'elle et encore plus large. Une femme nue y était représentée, allongée sur un divan. Le décor avait des tons rouges et noirs, alors que la femme, dans un beige lumineux, contrastait particulièrement avec le reste de la toile, lui donnant une touche divine. Mais ce n'est pas le tableau en lui-même qui intéressait la garde du corps.

Alors que les pancartes se levèrent, la bûcheronne trouvait l'œuvre d'art familière. Elle l'avait déjà vu, mais où ? Elle creusa sa mémoire de toutes ses forces, et quand le marteau du crieur s'abattit sur le pupitre, le souvenir remonta en un éclair ! Durant son trajet entre l'orphelinat et la salle des ventes, elle avait remarqué des hommes transporter certains lots dans des caisses, et cette toile était posée contre l'une d'entre elles. Elle repassa le chemin dans sa tête, et situa précisément à quelle intersection elle l'avait aperçu. Sans aucun doute, ce couloir menait aux coulisses, donc aux lots, et donc à la pierre !

La vente aux enchères arrivait dans son dernier quart, ensuite, tout le monde serait évacué, et les récents acheteurs viendraient prendre leurs lots. Le temps lui manquait. Elle devait récupérer la pierre et s'échapper avant que les malfrats s'en rendent compte. Sans avoir une idée précise de ce qu'elle ferait, elle se leva et se dirigea vers la sortie, prétextant une envie urgente d'aller aux toilettes. L'un des deux gardes de la porte se dévoua pour l'accompagner. Ils ne voulaient pas qu'elle se perdre accidentellement et tombe sur des choses qu'elle n'aurait jamais dû voir.

Quelques minutes de marche suffirent pour atteindre le petit coin. La sentinelle ne vint pas avec elle à l'intérieur, se postant devant la porte.

Une fois entrée, Yona se plaça devant le miroir. Elle ne fit pas attention aux détails de la vasque ni les moulures très esthétiques des murs et du plafond. Pour l'instant, elle mettait toute son énergie à ne pas vomir. Une voix dans sa tête lui répétait que tout était perdu, que c'était impossible ! Comment pouvait-elle faire une chose pareille sans finir capturée ? Mais après une bonne minute de complaisance, elle se donna une gifle, assez forte pour voir sa joue rougir rapidement.

Que tu le veuilles ou non, il faut le faire ! Sinon la pierre sera perdue dans la nature, et Ries ne pourra pas accomplir sa mission !

Elle essaya de se calmer et de penser aux différents atouts qu'elle avait. Elle possédait une invitation à la vente aux enchères et savait se battre. En plus du masque de dentelle qui cachait son visage, le costume qu'elle portait — semblable à celui de l'uniforme de la garde, mais en plus coquet — la laissait libre de tout mouvement. Pendant son trajet jusqu'ici, elle n'avait pas vu l'ombre d'un contrebandier. Avec un peu de chance, cela signifiait que les couloirs étaient vides, tous les criminels postés on ne sait où. Et au pire, si elle en croisait un, il suffirait de feindre l'ignorance et d'avouer s'être perdu. Ça ne serait pas la première vu la nature du lieu. Du moins, il fallait l'espérer.

Mais avant tout chose, elle devait se débarrasser de son surveillant. Elle sortit et fit mine que c'était bon. Elle le suivit quelques pas, et d'un coup se rapprocha de lui à la vitesse de l'éclair. Le bandit n'eut pas le temps de se retourner qu'elle le frappa de toutes ses forces du poing au niveau de la tempe. Malgré son gabarit, il tituba et s'effondra contre un mur, glissant vers le sol. Il luttait pour se redresser, mais Yona enchaîna avec un coup de pied au visage, qui rendit pour de bon son adversaire inconscient.

Elle prit le temps de le cacher aux toilettes afin de retarder sa découverte, et par les dieux ce qu'il était lourd ! Elle se retrouvait déjà en nage après cette première étape. Mais elle n'avait pas le luxe de refroidir. Elle marcha d'un pas déterminé, assez rapide pour ne pas traîner, et assez lente pour pouvoir ralentir ou s'arrêter si elle croisait quelqu'un. Elle remonta le corridor, et plutôt que de continuer tout droit, et ainsi regagner la salle de la vente, elle tourna à droite.

Après quelques dizaines de pieds en diagonale, le couloir bifurqua sur la gauche. Une longue pente descendit devant elle. En l'empruntant, elle se dit qu'elle devait être juste à côté de l'amphithéâtre, et atteignait petit à petit le niveau de la scène. En bas, le corridor continuait un peu à plat en ligne droite, avant de tourner exclusivement à gauche. Lorsqu'elle s'approcha de l'intersection, elle ralentit jusqu'à presque marcher sur la pointe des pieds. Elle se colla au mur, et pencha subtilement la tête, pour apercevoir la suite.

Une vaste pièce, de la largeur de la salle des ventes, était remplie de caisses de toutes les tailles. De son point de vue, cet ensemble semblait dans un tel désordre qu'elle s'étonna de la rapidité d'enchaînement des lots sur scène. Elle attendit un peu, afin de voir comment évoluaient les choses.

Sur le mur de gauche s'étendait l'arrière de la scène. Un escalier à chaque extrémité permettait de faire entrer ou sortir un lot. Deux bandits par accès, afin de fluidifier les manœuvres. Heureusement pour elle, il existait un moment où personne ne surveillant la marchandise volée. En effet, lorsqu'un lot était sur scène, l'équipe de sortie attendait patiemment la fin de la vente. Le duo d'entrée, lui, effectuait un autre aller-retour afin de préparer le prochain lot. Mais une fois faits, tous les regards étaient braqués sur la salle des enchères !

Quand elle vit l'occasion, elle la saisit sans tarder. Elle se faufila à travers les caisses en cherchant désespérément un indice. L'une d'elles avait une étiquette « numéro quatorze ». Il fallait donc qu'elle comprenne l'ordre de rangement pour retrouver la pierre. Mais elle perçut les coups de marteau annonçant la fin d'une vente. Prise de panique, elle se dépêcha de se réfugier au fond de la salle, derrière une des plus grosses caisses. L'inscription dessus affichait « numéro cinquante-six ». Les enchères s'approchant de la fin, elle fut rassurée que les bandits ne doivent en théorie pas venir par ici. Cependant, ils se mirent en mouvement et revinrent dans la salle de stockage !

Elle se recroquevilla sur elle-même, voulant prendre le moins de place possible. Elle retint sa respiration. Elle entendit alors son cœur tambouriner dans sa poitrine. Des sueurs froides lui coulèrent dans le dos. Elle ne pouvait pas bouger, sinon elle se ferait remarquer. Il n'y avait plus qu'à prier les quatre dieux qu'elle soit épargnée !

D'un pas lourd, l'équipe de sortie ramena le lot vendu parmi les autres.

– Attention tu penches ! s'écria l'un d'eux d'une voix rauque.

- Je ne fais que te suivre crétin ! lui répondit son compagnon.

Yona les sentit s'approcher un peu plus.

– C'est là à droite, reprit le deuxième.

– Ça va je sais, rouspéta le premier. Je suis de dos je te rappelle.

Ils se dirigèrent vers l'opposé de l'entrée, et déposèrent sans ménagement le lot. Ils soufflèrent un coup avant de repartir à leur poste. Mais la bûcheronne ne put pas encore sortir, puisque l'équipe d'entrée prenait le relais, maintenant que le lot actuel était en place. Ils allèrent au même endroit que le duo précédent, et s'arrêtèrent quelques instants devant le lot.

Yona n'en pouvait plus, elle avait besoin de respirer !

– Allez, plus que cinq, lança l'un d'eux.

– Comme tu dis, hâte que ça se termine, j'ai le dos en morceaux.

La garde du corps les entendit soulever le prochain lot, et se déplacer vers la scène. Elle s'autorisa un coup d'œil lorsqu'ils étaient éloignés. Elle les vit gravir les quelques marches restantes, avant de se poser et d'attendre. C'était le moment de dénicher la pierre !

Si elle avait aperçu le quatorze et le cinquante-six, la pierre devait forcément se situer entre les deux ! Cependant, seuls quelques pieds séparaient les deux caisses aux chiffres très différents. Elle jetait des coups d'œil réguliers vers la scène, pour être sûre de ne pas avoir été repérée. Elle vit le vingt-deux après plusieurs pas dans la direction opposée à la sortie. Elle suivit cette piste, et comprit que les nombres étaient croissants dans la largeur de la salle. Il suffisait maintenant qu'elle trouve la bonne rangée et qu'elle remonte au bon numéro, et le tour était joué !

Mais au moment où elle se dit ça, le marteau retentit. Elle courut à sa cachette précédente, et due se jeter pour y arriver dans les temps. Elle regroupa lentement son corps pour faire le moins de bruit possible. Le changement de lot se fit de nouveau sans incident, et après vérification que la voie était libre, elle se précipita le plus silencieusement qu'elle put vers les lots.

Elle repéra enfin le numéro trente-et-un ! Elle ouvrit la caisse, et trouva la pierre. Un poids s'enleva de son cœur. Prise d'une nouvelle énergie, elle récupéra l'objet, referma la boîte et partit en courant des coulisses. Dès qu'elle fut hors de vue, elle s'arrêta un instant, pour vérifier si elle était suivie. Elle ne capta aucun bruit particulier, et se remit en chemin en trottinant.

Elle remonta la pente, et gagna à nouveau l'intersection. Sur sa droite se trouvait l'amphithéâtre, et sur sa gauche, le couloir menant à la sortie et aux toilettes. Elle hésita. Devait-elle rejoindre Erlik et partir avec lui comme si de rien n'était ? Mais comment cacher la pierre ? Son costume sur mesure ne lui permettait pas de dissimuler le caillou, du moins, pas autant qu'elle l'aurait voulu. Mais si elle se retirait en avance, comment ferait-elle ? Courrait-elle simplement à travers l'orphelinat en espérant s'en sortir ? Une fois dehors, le plan prévu à la base lui permettait de se mettre en sécurité, mais encore fallait-il y parvenir ! Ses réflexions furent interrompues par des bruits de pas qui s'arrêtèrent.

Elle se retourna, et vit un homme moins grand qu'elle, recouvert d'une cape de voyage aussi sombre que la nuit. Ses petits iris enfoncés dans ses orbites la fixèrent un moment. Puis sans un mot, il sortit les mains de son vêtement, et Yona n'en crut pas ses yeux.

Sans savoir comment, elle comprenait ce que s'apprêtait à faire l'étranger. Il n'était pas question d'une arme ici, ni même d'alerter ses compagnons. Il comptait régler le problème de l'intruse à l'aide d'une ressource bien plus redoutable encore, la magie. Sa magie. Elle le voyait comme de l'encre sur du parchemin. Situé à la base de sa gorge, son noyau de magie dégagea des flux internes, qui gagnèrent ses bras. De ses paumes, des centaines de petites particules magiques se mirent à flotter dans les airs. Et quand le mage jugea qu'il y en avait assez, il propulsa son sort contre la bûcheronne.

Un vent puissant la décolla du sol et la fit reculer de quelques pieds. Elle atterrit lourdement sur le dos, le souffle coupé par l'impact. Elle se redressa tant bien que mal, mais alors qu'elle posait un genou à terre, un sort la propulsa dans l'autre sens, la rapprochant cette fois du magicien. Dans la violence de l'aller-retour aérien, elle lâcha la pierre, qui roula jusqu'aux pieds du criminel.

– Tiens tiens tiens, qu'avons-nous là ? demanda-t-il d'une voix nasillarde.

Il se baissa pour ramasser l'objet. Prise d'une rage folle — pas question de perdre la pierre une deuxième fois —, elle se releva d'un coup et se jeta sur le mage, le plaquant au sol par la suite. Ce dernier voulut utiliser la magie, mais son noyau interne parut... mort. Yona ne put l'expliquer, mais la magie de son adversaire semblait comme épuisée. Pourtant, pour être capable de tel sort, il devait être de niveau deux. Ses réserves magiques devaient être plus grandes que ça.

– Comment... ? demanda le mage sidéré.

Sans perdre de temps, Yona le percuta d'un puissant coup de coude au front. Désorientée, mais pas hors d'état de nuire, la garde du corps dut en asséner deux autres avant que son adversaire tombe pour de bon dans les pommes.

Elle se dégagea de lui et s'assit, à bout de souffle. Il fallait qu'elle se dépêche, le temps lui manquait toujours !

Les jambes faibles, elle se redressa et ramassa la pierre. Mais alors qu'elle allait partir, elle se dit que laisser son adversaire inconscient, au milieu du couloir que tout le monde allait emprunter, était forcément une mauvaise idée. Elle prit le temps de faire un détour aux toilettes en traînant le bandit — par bonheur plus léger que le précédent —, et se dirigea enfin vers la sortie.

Elle remonta les différents corridors et escaliers, et arriva au dernier escalier en colimaçon. Il donna sur une pièce de l'orphelinat, heureusement vide. Elle devait probablement être gardée de l'extérieur.

Yona reprit son souffle quelques instants, et en profita pour se rappeler le chemin pour sortir et pour rejoindre la zone de sécurité. Elle recouvrit la pierre de son manteau et croisa les bras, dans l'espoir que cette mascarade fasse effet, du moins le temps qu'il faut. Une fois prête, elle se dirigea vers la porte. Elle l'ouvrit, et tomba sur deux gardes.

– Qui êtes-vous ? demanda méfiant l'un d'eux.

– Je... Je...

Malgré son court repos, elle avait du mal à prendre sa respiration.

– Je suis une invitée, dit-elle en montrant le carton d'invitation. Il faut que je rentre chez moi.

Le bandit saisit l'invitation, la regarda longuement, et la valida d'un hochement de tête.

– En espérant que vous ayez passé une agréable soirée ma dame.

– Divine, répondit la jeune femme en s'éloignant.

Dès qu'elle fut hors de vue, elle accéléra sans pour autant courir, et slaloma entre les convives de l'évènement de charité de l'orphelinat. Elle atteignit rapidement la sortie et la franchit.

Elle était enfin libre !

La nuit fraîche lui saisit les joues, mais elle s'en fichait. Elle tourna à gauche sans hésitation, et après à peine quelques dizaines de pieds, s'engagea dans une ruelle sombre. D'un coup, quelqu'un lui donna une tape amicale dans l'épaule de son seul bras valide.

- Tu as réussi ! s'écria Gereg. Où est Erlik ?

– Il a acheté la plume, il est donc resté pour la récupérer. Et moi, j'ai ça !

Victorieuse, elle sortit la pierre. Elle la contempla, et malgré la faible lueur de la nuit, remarqua que des gouttes de sang coulaient dessus. Sa vision se troubla, et elle tomba contre un mur avant de s'écrouler au sol.

Gereg se précipita sur elle, la redressa et lui tapota la joue pour qu'elle ne sombre pas dans l'inconscience.

– Reste avec moi Yona ! Il faut tenir jusqu'au bateau. Encore un petit effort ! Surtout, garde les yeux ouverts !

Elle mit toute son énergie à soulever ses paupières tant bien que mal. Après un moment qui sembla aussi court que long, du bruit se fit entendre dans la rue. La soirée de charité se concluait, et les invités regagnaient leurs maisons. Cela voulait dire que les convives de la vente aux enchères allaient également sortir.

Sans savoir comment, Erlik se tint d'un coup devant elle, accroupi pour se mettre à sa hauteur. Elle voyait ses lèvres bouger, mais ne comprenait pas le moindre mot. C'est à peine si elle entendait quoi que ce soit. Cependant, quand elle aperçut la plume dorée qu'il prit de son costume, un soulagement si grand l'envahit.

Son corps, qui tenait encore malgré tout le temps que la mission se termine, abandonna. Morte de fatigue, elle s'évanouit. 

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