Le ton de Leith, tranchant et doux à la fois, me laissa sans voix. Il était clairement rodé pour ce genre de discours exactement comme l'était son père. Le nouveau président finit son élocution en parlant vaguement des projets qu'il avait en tête pour Diafosa sur les prochains mois à venir comme la reprise de la saison de Capflag, l'arrivée d'étudiants étrangers venus d'une autre école ou encore les nouveaux clubs qu'il souhaitait ouvrir, avant de terminer sur cette note :
— Je remercie également les journalistes d'avoir été présents tout au long de ces élections. Malheureusement, je vous demanderai de quitter les lieux dès ce soir afin que les étudiants puissent retrouver le cours normal de leurs études. Merci.
Leith partit sans entendre davantage de questions qui fusaient dans tous les sens. Je ne pouvais même pas en comprendre une seule tant les journalistes parlaient en même temps. D'un mouvement de tête, Leith nous indiqua la cour arrière, celle qui menait jusqu'à notre nouveau quartier général. Comme de gentils petits soldats, nous le suivîmes à travers les bois dans un silence de mort. Seule Ali rompit ce calme lorsqu'elle faillit rentrer dans la statue à l'effigie de la déesse de l'amour, Aphrodite. Mes pensées allèrent aussitôt à sa descendante, Céleste, pour qui je ne vouais plus une haine viscérale depuis notre conversation.
Une fois tous réunie dans la salle aux allures médiévales, les épaules de Leith se détendirent enfin. Il détacha sa cravate avant de la jeter sur le canapé et de s'y avachir de tout son long. Le descendant de Zeus se comportait toujours de manière respectable devant quiconque, alors le voir faire ce genre de choses, qui plus est devant le nouveau conseil, m'arracha un regard curieux. Son père lui avait toujours appris à être fort, même dans les moments de faiblesse, devant les surnaturels de l'école et du monde entier.
— Laissez-moi deux minutes, souffla-t-il avec sa tête à moitié enfoncée dans un coussin.
— Ça promet pour la suite si tu es déjà raplapla, ne put s'empêcher de râler Ali en croquant dans sa pomme.
— Et toi tu es bien confiante pour oser me parler ainsi, rappliqua-t-il sans même la regarder.
— C'est bon, on sait que c'est terminé la période où tu voulais tuer tout le monde pour un oui ou pour un non. J'ai jamais compris que dalle à l'amour, mais ça a l'air de faire des miracles, ricana la vampire en me donnant un coup de coude dans les côtés.
— Tu oublies qu'il a assassiné de sang froid un journaliste avant le début des épreuves.
Aragorn, qui avait noué ses longs cheveux argentés en un chignon, n'avait pas tort. Leith pouvait toujours se montrer imprévisible et mieux valait pour eux se méfier de l'eau qui dort.
— Mes précédentes méthodes n'ont pas marché, avoua Leith en se redressant. J'aimerais essayer autre chose maintenant. Je ne dis pas que je serai un agneau, c'est encore difficile pour moi de ... de ... comment dire ?
— De ne pas tuer quand on te contredit ? termina à sa place Jennifer.
— De ne pas violenter les personnes âgées ? renchérit Ali.
— D'être normal ? ajoutai-je avec un demi sourire.
Leith se rembrunit, mais un petit sourire illumina son visage.
— On va dire ça comme ça. Je compte sur vous pour me rappeler à l'ordre en cas de débordement.
— Attends, tu nous demandes de te superviser ? répétai-je en m'étouffant presque.
— Tu as très bien compris. J'ai la chance cette année d'avoir un conseil qui ne pense pas qu'à ses propres intérêts. Enfin, en l'occurrence du prince, je n'en suis pas si sûr. Quelles sont tes motivations, exactement ?
Je lançai un regard à Aragorn pour lui faire passer un message simple : si il ne disait pas toute la vérité, je le ferai à sa place.
— Tu dois penser que je sers les intérêts de mon royaume et que les fées essaient de mettre leur nez dans tes affaires, mais ton père a sûrement du te répéter que nous n'étions pas un danger.
— Pour l'instant, le rectifia Leith avec un sourire rempli de menaces. Les fées ne sont jamais rentrées en guerre avec quiconque et ne se mêlent pas des conflits extérieurs, c'est justement pour ça que je ne comprends pas ce que tu fais ici.
— Je suis ici pour Gwenn.
La simple entente de ce prénom nous donna des frissons dans le dos. Notre président se leva et fit face à Aragorn. Une ombre dangereuse planait dans ses yeux :
— Comment ça « pour » Gwenn ? demanda-t-il dans un silence de mort.
— Inutile de vous le cacher plus longtemps, vous allez tous finir par être au courant tôt ou tard. Mon royaume se porte mal dernièrement, en particulier depuis le vol d'une de nos serres. Le Roi essaye de nous rassurer comme il peut, mais les allés-et-venus incessant d'étrangers m'a mis la puce à l'oreille. Mon père est du genre à tout garder pour lui, jusqu'à ce que la situation dégénère. Alors, j'ai pris les devants et ai décidé d'espionner l'une de ses conversations privées.
— Super l'intimité, le félicita faussement Ali avant que Jennifer l'intime de la boucler.
— C'est ce soir-là que j'ai vu Gwenn pour la première fois et un autre type.
— Qui ça ? le coupa Leith.
— Aucune idée, mais je ne l'ai jamais vu à l'école, si c'est ta question.
— Un membre du conseil dans ce cas ?
— Non, je les connais tous. Écoute, j'ai des informations utiles à te donner, mais j'aimerais quelque chose en échange.
Ali, Jennifer et moi nous tenions à une distance convenable des deux garçons, mais la conversation pouvait très vite dégénérer. Aussi me rapprochai-je le plus discrètement possible de Leith en écoutant d'une oreille attentive les propos du Prince.
— Je suis venu pour demander la protection des descendants. Pas au nom de mon père, c'est un idiot qui ne se soucis pas du monde extérieur, mais en tant que futur Roi.
— Une alliance avec les fées ? Et qu'est-ce que les descendants y gagneraient ? Les informations que tu penses avoir, je peux très bien me les procurer.
Je lançai un regard noir à Leith qui se contenta de hausser les épaules. Aragorn semblait juste et bienveillant, mais je n'avais aucune légitimité de choisir à sa place. Après tout, je ne faisais pas partie des descendants. En revanche, je demeurais son ami ainsi qu'un membre du conseil, et si je pouvais l'influencer d'une quelconque façon, je n'hésiterais pas.
— Gwenn est en train de retourner tout le monde contre nous, Leith. D'abord elle débarque dans notre école aux côtés de l'OIS et du conseil surnaturel, ensuite c'est au tour des élèves, sans oublier les nains qui fabriquent je-ne-sais-quoi dans les montagnes. Nous n'y arriverons pas tout seul.
Leith appuya mon regard pendant de longues secondes au point où je doutais qu'il accepterait ma proposition.
— Très bien. Je te fais confiance, mais c'est toi qui t'en occupera.
— Quoi ?! Comment ça ?
Aragorn ne sembla pas surpris de la nouvelle. Il n'y avait qu'Ali qui simulait une tête de mort avec son visage.
— Tu seras celle qui négociera avec les fées et qui trouvera qui était avec Gwenn ce fameux soir. J'ai d'autres projets beaucoup plus importants, alors je n'aurais jamais le temps de me pencher sur le sujet.
— M-moi ? Parler avec le Roi des fées et ...
— Bien sûr, me coupa-t-il en posant ses larges mains sur mes épaules. Tu es la gardienne des Tilion maintenant, qui d'autre pourrait le faire ?
****
J'avais rejoint ma chambre après une deuxième bonne douche. La soirée organisée par l'école ce soir me fatiguait déjà. Après autant de jours passés en proie au stresse et à un dépassement physique incroyable, je rêvais seulement de piquer un long sommeil. Sauf que j'avais d'autres priorités. Maintenant élue gardienne des Tilion, je devais trouver Logan pour discuter de la suite. D'abord, lui révélait les propres d'Aragorn m'aiderait à trouver plus facilement le partenaire de Gwenn. Peut-être qu'il se cachait un énième traître parmi nous et avant de lancer la moindre offensif, nous devions déterminer avec certitude à qui faire confiance.
Je jetai un regard à mon uniforme pendu à un ceinture. Les boutons dorés brillaient sous la lumière tamisée de ma chambre. Ce soir, je ne porterai pas cette marque dont j'étais aussi fière, mais une simple robe en satin de la même couleur pour faire honneur à ma section. Devrais-je m'attacher les cheveux pour montrer mes sérieux ? Moins me maquiller pour ne pas paraître superficiel ? Leith ne nous avait rien dit sur la façon dont nous devions agir en public, non pas parce qu'il s'en fichait, mais qu'il souhaitait que nous restions nous-mêmes.
Je pris une grande respiration et regardais mon reflet dans le miroir.
— Sois toi-même, Ambre. Comme tu l'as toujours été.
J'attachai mes cheveux en une longue queue de cheval à laquelle je prie soin d'ajouter des bijoux en or, ceux que j'avais hérités de la collection de mon père. La robe m'arrivait à hauteur mi cuisse et était fendue sur le côté pour me permettre de bouger sans me sentir à l'étroit. Rien de trop voyant ni de trop simple. Cet équilibre me correspondait le mieux.
Quelqu'un frappa à la porte mettant un terme au silence. Alec se tenait juste derrière, mais ce ne fut pas sa présence qui attira mon attention. Il tenait dans sa main un livre que je lisais tous les soirs lorsque j'étais encore au repère des protecteurs.
— Votre couverture est grillée, me dit-il de but en blanc en entrant dans ma chambre.
Je me plantai devant lui à une vitesse folle. Mon ex petit-ami portait un smoking noir sans avoir prit la peine de mettre une cravate. Apparemment, sa présence devait être requise ce soir.
— Explique-toi.
— Le Dragon, celui qui se fait passer pour un étudiant.
— Logan ?
— J'ignore comment il s'appelle, mais il m'a demandé de te donner ça.
Alec me désigna le livre en prenant soin de le poser sur ma commode.
— Comment est-ce que tu le sais ? Non, attends. Est-ce qu'il va bien ?
— Pour l'instant, mais ça ne va pas durer. Au départ, je n'y ai pas fait attention, il faut dire que ce type est sacrément doué pour passer inaperçu. Mais la carte disparue dans ma chambre m'a mis la puce à l'oreille. Même si ils l'ont remplacé par une carte factice, les descendants d'Hadès peuvent percer à jour n'importe quelle illusion.
— Alors, tu l'as balancé, c'est ça ? Et tu viens me narguer avec son bouquin pour me montrer combien t'es formidable ? crachai-je avec dégoût.
Alec recula face à la brutalité de mes mots.
— Après tout ce que j'ai fait, tu crois vraiment que je serai capable de te faire ça ? me demanda-t-il en serrant le poing.
— Qu'est-ce que tu as fait Alec à part m'abandonner et te comporter comme un parfait connard ? Ça fait des semaines que je ne te reconnais plus !
— Ce qui est fait est fait, me coupa-t-il en plantant ses yeux verts dans les miens. J'ai fait des choix difficiles pour ma sœur et je le regrettai peut-être toute ma vie. Je ne suis pas venue ici pour voir ce que j'ai perdu, je le constate déjà tous les jours. Si je suis ici, c'est pour te donner ce fichu livre afin de t'aider. J'aurais pu tout balancer, mais je ne l'ai pas fait, et c'est pour cette raison que Logan m'a confié cet objet.
— Alors pendant tout ce temps, tu travaillais avec Logan ?
— C'est un grand mot, souffla-t-il en s'asseyant sur mon lit. Disons que je laissai faire.
Qu'est-ce que j'imaginais ? Alec basait la plupart de ses actions pour sa sœur, mais jamais il ne me trahirait pour les protecteurs ou les descendants.
— Désolée d'avoir été aussi violente. C'est juste qu'on a pas pu en parler depuis et ... J'ai peur, c'est tout.
— Tu as raison de te méfier des gens, Ambre, même de moi. Je te l'ai toujours répété. C'est pour cela qu'il fallait mieux que notre histoire se termine ainsi. Je ne suis pas prêt pour le moment, et toi non plus.
— Je le sais. Je ne regrette pas mon choix. Mais je n'ai pas envie de te perdre non plus.
Alec prit ma main dans la sienne et la serra contre son torse chaud. Son cœur battait à un rythme effréné.
— Nous aurons toujours un présent commun, Ambre. On ne peut pas rester éloignés, pas avec ce que nous avons partagé. Mais j'ai besoin de prendre du recul et faire taire mes sentiments pour toi. Je ne pense pas pouvoir y arriver si je te côtoie tous les jours.
Alec avait raison. Moi aussi j'avais pu passer outre cette douleur en étant concentrée sur les épreuves. Leith aussi m'avait aidé même si j'avais encore du mal à l'admettre. Finalement, Alec et moi n'étions pas destinés à être ensemble et je devais l'accepter.
— Alors, c'est un au revoir, lui répondis-je sans pouvoir retenir une larme qui s'écrasa au sol.
Alec m'attira contre lui et me serra dans ses bras. Son odeur masculine et sécurisante me manquerait. Je le détaillai sous toutes les coutures et passai une main lente sur ses traits onguleux, son nez fin et sa bouche pour les imprégner dans ma mémoire. Lui aussi en fit de même, ce fut sûrement cette raison qui le poussa à poser une dernière fois ses lèvres contre les miennes. Ce n'était pas un baiser passionnel comme nous les partagions avant. Non. Ce baiser-là était triste, lent, douloureux et rempli de regrets.
— C'est ça, juste un au revoir.
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Saluuuuut 👋🏼
Je crois qu'on a réveillé les fans d'Alec avec ce dernier chapitre même si les raisons de ce baiser sont assez tristes ! Je vois beaucoup d'avis négatifs concernant Alec, et c'est vrai qu'il les mérite avec son comportement depuis le tome 2.
Mais n'oubliez pas qu'il a un cœur tout de même et qu'il veut protéger Ambre autant que Leith 🥹
Il est seulement dans une position difficile sans oublier que ce qui l'a fait tenir jusqu'ici face aux atrocités des descendants, c'est Aria sa petite sœur d'amour 😌
Breeeef, j'essaye trop de le défendre, mais c'est un personnage que j'adore aussi 🥹 Vous inquiétez pas, il aura droit à sa rédemption
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez 🤷🏻♀️
À plus ! 🖤