La première chose qui me frappa aux yeux fut la lumière. Une douce lumière qui me fit plisser les paupières pendant de longues secondes, mais qui eut au moins le don de réchauffer mes doigts gelés. J'avais l'impression de câliner le soleil dans mes bras comme un vieil ami sans m'inquiéter de sa puissance.
La seconde chose qui me figea sur place fut l'odeur. D'habitude régnait une effluve de pins et de vieux bois humides à Diafosa, mais ce n'était pas le cas aujourd'hui malgré le petit bois qui s'étendait sur plusieurs kilomètres.
— Ça sent ton odeur, murmurai-je en me tournant vers Leith.
Le descendant de Zeus me lança un regard curieux avant de hausser les épaules.
— Je passe beaucoup de temps ici en ce moment.
La brise fraîche fit battre mes cheveux en tout sens que je ramenai derrière une oreille. Sentir l'odeur de Leith, quand bien même il s'y reposait souvent, ne justifiait pas qu'elle soit aussi forte. J'ignorais pourquoi l'endroit m'était aussi familier, mais j'aurais juré l'avoir déjà vu quelque part. Mes doutes se confirmèrent lorsque d'étrangères lucioles papillonnèrent sous mon nez.
L'herbe à mes pieds dansaient au rythme du vent et je mourrai d'envie d'ôter mes baskets pour entrer en contact direct avec elle. À première vue, nous avions atterri sur des plateaux où silence, soleil et créatures magiques étaient seuls habitants. Au loin, un moulin aux briques jaunâtres continuait son travail. La roue à aubes animait le moulin grâce à la force de la rivière, mais aucun son ne me parvenait d'ici.
— Moi qui m'attendais à une salle de torture, je suis agréablement surprise.
Leith éclata de rire en secouant la tête. Son sourire n'avait jamais été aussi sincère. Il semblait si détendu que j'en oubliais presque d'être en compagnie du redouté descendant de Zeus. Ici, il n'y avait rien de tout ça. Ici, il était lui-même.
— Je peux toujours te la montrer, c'est mon deuxième endroit favori.
— Ça ira, merci. Je suppose que le portail nous a emmené dans un autre pays, pas vrai ?
— C'est exact, mais lequel ?
Leith fit danser ses sourcils pour m'inciter à lui donner une réponse rapide. Les devinettes l'avaient toujours amusées.
— Nous sommes en Europe, c'est certain. Ces collines me sont familières, mais je ne pourrais pas te dire où nous sommes exactement.
Je réfléchis longuement en me remémorant le peu de voyage que ma mère et moi avions fait. Il ne faisait pas assez chaud pour être en Espagne ni assez froid pour être en Pologne. Je me souvins alors d'une discussion avec Leith où il me contait sa rencontre avec Sophie, sa gouvernante.
— La France ?
— Pas mal pour une campagnarde.
— Phœnix est beaucoup plus grand et moderne que ton vieux bled, le contredis-je avec un pincement au cœur en repensant à mon ancienne ville.
Y retourner serait comme regarder de vieilles photos de mon père et ma famille attachée à une chaise sans pouvoir m'y échapper. Pourtant, j'étais certaine que ma mère avait fait le bon choix désormais. Enfin, peu importait que notre déménagement ait été provoqué par je-ne-sais qui afin de servir les plans des Protecteurs. Ma mère vivait heureuse dans notre petit coin et avait reconstruit sa vie, et moi aussi.
— Nous sommes dans le sud de la France, j'y allais régulièrement avec Sophie. Cet endroit n'est pas répertorié sur les cartes puisqu'il s'agit d'un territoire propre à sa famille. J'en ai hérité lorsqu'elle est décédée.
— Tu as donc demandé à Rhett de créer un portail pour y aller à ta guise ?
Il hocha la tête en remontant les manches de son pull.
— Il faut bien que cet imbécile me soit utile.
Je fixai ses veines qui formaient un relief sur sa peau dorée avant de me demander si Leith possédait des tatouages. Pour l'avoir déjà vu torse nu, je n'avais jamais remarqué la moindre trace d'encre, mais qu'en était-il de ...
— Qu'est-ce que tu fous là ? l'interrompis-je d'une voix basse.
J'avais beau essayer de me concentrer sur un sujet plus ou moins normal, je n'arrivais pas à détacher mes yeux de son pull qui était désormais par terre et de ses mains qui déboutonnaient son jean.
— On va se baigner, me répondit-il simplement désormais en caleçon.
Au moins, j'avais ma réponse. Aucun tatouage.
— Je n'ai pas pris mon maillot de bain, et franchement tu es sûr que c'est une bonne idée avant l'épreuve ?
— Je n'ai pas de maillot de bain non plus comme tu peux le constater, me fit-il remarquer avec son regard de renard qui laissait entendre milles-et-un sous-entendus. Ce n'est pas simplement une baignade, les eaux des fées sont connues pour leur vertu médicinale. Tu verras comme tu te sentiras bien après.
— Non, je ne me mettrais pas en sous-vêtement pour me baigner.
Je m'assis en tailleur sur l'herbe fraîche pour bien lui faire comprendre que je ne bougerai pas d'un centimètre.
— D'accord, reste-là si tu veux. Tu feras gaffe aux lucioles, après un certain temps elles deviennent agressives.
— Comment ça agressives ?
— C'est une espèce de luciole qu'on ne trouve qu'en Europe, elles adorent les corps chauds pour y pondre leurs œufs. Sean a failli perdre ses ...
— C'est bon, je viens, mais je reste habillée, le coupai-je aussitôt en veillant à esquiver les lucioles.
Le sourire taquin de Leith ne l'avait pas quitté. J'ignorais s'il disait la vérité ou non, mais mieux valait ne prendre aucun risque.
— Tu sais que j'ai déjà vu tout ce qu'il y avait à voir au moins ? Oh, et si tu pensais que j'avais tout oublié parce que ça faisait des mois, tu te trompes.
Leith parlait évidemment de mon séjour dans la grotte des brumes où j'avais pu rencontrer Kallisté pour la première fois. Je regrettai presque de m'en être sortie vivante lorsque je m'étais réveillée complètement nue avec Leith le psychopathe de l'époque qui me tétanisait sur place.
— Oui, et si tu pouvais éviter de me rappeler ce moment gênant, ça serait super.
— Allez, allons-y on a pas de temps à perdre. Je t'assure que tu vas adorer.
Leith scrutait l'herbe d'un œil expert en tâtonnant parfois la terre avec sa main. Ses abdominaux brillaient sous la lumière du soleil, mais ce n'était rien à côté de ses fesses qui ... Oh mon dieu, Ambre, arrête ça de suite.
— J-je peux t'aider ? lui demandai-je pour penser à autre chose.
— Je cherche la trappe, elle doit être par ici.
Aussitôt dit aussitôt fait, Leith agrippa une poignée qu'il ouvrit avec facilité. Le trou était suffisamment grand pour qu'on s'y glisse dedans, mais sa profondeur m'inquiétait. Je ne pouvais rien y voir là-dedans mis à la part la mousse qui avait envahi les rebords du socle.
— La source est juste en dessous, tu atterriras directement dans l'eau mais il faudra que tu continues un peu avant de pouvoir retrouver la surface.
— Attends, quoi ? Tu veux que je plonge là-dedans alors que je ne suis même pas sûre de pouvoir respirer ?
— C'est un tunnel, mais la sortie n'est pas loin. Fais-toi confiance, Ambre, ce n'est pas un peu d'eau qui va te faire peur quand même.
— Bien sûr que si ! Et puis tu peux parler toi, tu as l'habitude.
— La première fois que ma gouvernante m'a emmené ici, elle ne m'avait même pas prévenu. J'ai du plonger la tête la première sans même imaginer que je serai la tête sous l'eau.
Plutôt barbare cette Sophie, mais Leith avait beau dire ce qu'il voulait, je n'étais toujours pas rassurée.
— Je serai juste devant en cas de problème, ajouta-t-il en commençant déjà à s'engouffrer dans le minuscule trou.
Leith ne me lâcha pas des yeux pour me prouver qu'il ne m'arriverait rien tant qu'il serait là. J'avouais avoir une confiance presque aveugle en lui ces derniers temps, chose plutôt drôle lorsque je comparais nos débuts. Il y a quelques mois en arrière, jamais je ne l'aurais suivi ici et il m'aurait très certainement noyée au moment où je vous parle.
L'ancien président prit une profonde inspiration avant de se laisser glisser dans les ténèbres. Après plusieurs millisecondes, un splash me parvint depuis la trappe couverte d'herbe. À mon tour d'y aller, désormais. Petit problème, si jamais j'y allais dans cette tenue, je ne disposerai pas des mêmes chances de gagner que pour les autres participants. D'accord, nous pourrions nous changer, mais les organisateurs avaient été très clairs, notre tenue devait rester la même pour l'épreuve pour respecter l'équité entre les participants et surtout éviter que l'un d'entre eux ne se balade avec un objet interdit ou que-sais-je encore.
Je décidai donc à contre cœur de retirer mon t-shirt ainsi que mon treillis qui laissait des marques rougeâtres sur mon ventre tant il était serré.
— Calme-toi, Ambre, imagine que tu es en maillot de bain, murmurai-je en m'avançant vers le trou visqueux.
Toute recroquevillée dans cet espace exigu, je craignais de lâcher le bord de la trappe pour me laisser tomber. Je remarquai finalement mes mains tremblantes et mon manque de souffle sans véritable surprise. Oui, se lâcher ainsi dans le vide sans avoir la moindre idée de ce qui vous attendait — mise à part une potentielle noyade — n'aidait pas. Je pris finalement une grande inspiration, exactement comme l'avait fait Leith, et lâchai tout d'un seul coup.
Je lâchai échapper un cri de surprise lorsque l'espèce de toboggan me fit me cogner à droite puis à gauche à la parois glissante. Mais pas le temps de m'en inquiéter car j'atterris avec fracas dans une eau chaude. Ok, pas de panique, Leith m'avait bien dit d'aller tout droit. Je nageai le plus vite possible en suivant ce qui me semblait être une espèce de chemin sous-marin. La panique commença à doubler mon rythme cardiaque lorsque je ne vis aucune trace de crevasse ou de surface pour reprendre mon souffle. Et merde, il m'avait pourtant dit d'aller tout droit ! Des bulles m'échappèrent lorsque j'ouvris la bouche, mais je fus aussitôt sortie de l'eau par un bras puissant.
— Waouh, tu es tellement passée comme une flèche que tu n'as même pas vu où j'étais.
Leith m'avait ramené juste à temps, aussi n'avais-je pas bu la tasse à mon grand soulagement.
— Je n'ai pas pensé à regarder les côtés.
Je me relevai en essorant mes cheveux qui formaient désormais des noeuds dans mon dos. Les lieux ne m'enchantaient guère, car il y faisait extrêmement froid par rapport à la chaleur qui se dégageait de la source.
— Suis-moi, tu vas finir par tomber malade si on ne retourne pas dans l'eau.
Leith partit en direction des grottes qui ne formaient qu'un tas de pierres et de crasses. Aucune plante, ni lumière, ni la moindre créature ne peuplait les lieux. Je commençai à regretter les plaines et même ces lucioles pondeuses d'œufs avant de tomber sur un mur végétal aux multiples couleurs. Des fleurs rouges, jaunes, bleues, jaunes, blanches ... il y en avait pour tous les goûts. Si Hélène avait été présente, elle serait certainement en train de suffoquer d'admiration en ce moment.
Leith en revanche ne s'émerveilla pas pour si peu. Il dégagea les lianes qui barraient son chemin et s'engouffra dans le mur qui n'était finalement qu'un vulgaire rideau.
— Wow, c'est minuscule.
La source demeurait bien plus petite que celle de Diafosa, mais surtout moins agréable à regarder certainement parce qu'il n'y avait pas une vue splendide sur la lune cette fois. Pour autant, un sentiment étrange de calme et de sérénités s'empara aussitôt de mon esprit lorsque je posai les yeux sur cette eau trouble.
— L'eau est blanche, on dirait du lait.
— Apparemment elle est mélangée à des vers en poudre.
— Super...
Je ne perdis pas plus de temps et plongeai la tête la première dans le bassin, non pas parce que je me les gelai mais plutôt parce que rester en sous-vêtements devant Leith était suffisamment gênant comme ça.
L'eau brûlait ma peau au point que je veuille d'abord en sortie, mais après quelques secondes toutes les courbatures de ces derniers jours disparurent comme enchantement.
— C'est impossible...
— Tu vois ? Il faut toujours me croire sur parole, ricana Leith avant de me rejoindre.
Lorsque le descendant de Zeus remonta à la surface j'éclatai de rire en remarquant ses cheveux tout aplatis. Leith était loin de ressembler au parfait gentleman en costume, aujourd'hui il avait un regard pétillant de joie et ça le rendait beaucoup plus attirant qu'à Diafosa. J'étais même certaine que si il se montrait sous ce jour aux étudiants, ils l'appréciaient d'autant plus. La loyauté ne se gagnait pas par la peur, et il me restait encore bien du chemin pour le lui faire comprendre.
— Je pensais que les vers en poudre t'inciteraient à rester sur la terre ferme.
— Je n'ai pas peur des insectes.
— Pas même des araignées ?
— Je ne suis pas fan, mais je trouve que c'est de la discrimination de ne pas les aimer sous prétexte qu'elles sont ... différentes, disons.
— Mouais, leurs pattes m'ont toujours dégoûté si tu veux mon avis.
___
Hello !
Je suis obligée de terminer le chapitre ici sinon ça fait trop long et il n'y a pas la suite de toute façon 😂😂😂
J'espère que ça vous aura plu, hâte que vous découvriez la suite 😏😏😏😏👀