J'avais réussi à mettre la main sur une petite bassine d'eau fraîche dans la chambre, certainement celle utilisée par Leith juste avant. J'en profitai pour enlever les vêtements moites qui me collaient à la peau et les lavai énergiquement. J'avais déjà repéré une vieille robe de chambre dans l'un des placards et m'en servirai pour dormir cette nuit en attendant que mes vêtements soient secs. Après un brin de toilette, l'odeur de la transpiration avait disparu et je me sentais déjà beaucoup mieux.
La chambre était minuscule, à peine dix mètres carrés, et j'osai à peine regarder le matelas sur lequel j'allais dormir. Dire qu'il s'agissait d'un lit deux places me semblait être un euphémisme. La grande fenêtre, juste au dessus du lit, était grande ouverture pour laisser entrer l'air frais de la nuit. La lune formait un croissant étrange au-dessus de ma tête, et les étoiles parsemaient la nuit noire de milliers de petites lumières. J'inspirai une grande bouffée d'air frais, et pensai aussitôt à ma mère. Faisait-il beau à Ogden ? Regardait-elle la même chose que moi ?
Je me glissai dans le lit et me mis en position fœtale. Mes cheveux encore mouillés me donnaient la tremblote, mais je ne m'en plaignais pas après les journées de marche sous le soleil de plomb. Et puis, il n'y avait aucune couverture utilisable dans cette maison abandonnée. Mes paupières se fermaient doucement. La fatigue accumulée de cette journée me plongea dans un sommeil profond.
Une douleur aiguë à la cuisse me réveilla. Avec tout ce stress, j'avais complètement oublié de désinfecté ma plaie. Je ne pouvais pas cicatriser aussi bien qu'Angie, mais mon côté surnaturel m'avait très certainement épargné bien pire. Je grimaçai lorsque je posai le pied par terre. La chambre était complètement dans le noir, mais je remarquai néanmoins une petite lumière rougeâtre près des rideaux. Leith était assis sur le rebord de la fenêtre, adossé contre le mur et fumai calmement sa cigarette.
— Tu devrais rester allongée, me conseilla-t-il comme si il savait déjà que je le regardai.
J'obéis, mais la douleur ne disparut pas pour autant. Entendre Leith tirait sur sa cigarette me donna d'autant plus sommeil, mais impossible de dormir avec une jambe pareille.
Leith fit apparaître dans sa main une lumière bleue qui éclaira faiblement la chambre. Elle dansait sur sa paume, presque en vie et produisait un son très satisfaisant, proche d'un crépitement.
— On dirait des bébés éclairs, murmurai-je à moitié endormie.
Mes paupières se fermèrent pendant quelques secondes. Je me sentais si bien sur ce lit avec cette brise fraîche qui caressait mon visage. J'ouvris brusquement les yeux, lorsqu'un liquide froid coula sur ma plaie m'arrachant un gémissement.
— Cette peste ne t'a pas loupé, s'excusa Leith en examinant ma cuisse.
— C'est du désinfectant ? demandai-je en désignant la petite fiole.
Les picotements de ma jambe me donnaient envie de sauter sur place.
— De la tequila, mais ça fera le job pour cette nuit.
La douleur se calma rapidement. C'était étrangement apaisant de voir le coton que tenait en main Leith faire des petits cercles sur ma cuisse.
— L'épreuve n'est pas trop pénible pour toi ? me questionna-t-il. Tu ne regrettes pas d'être venue ?
Je réfléchis un long moment à sa question. Honnêtement, je m'attendais à une série de challenges beaucoup plus éprouvants psychologiquement et physiquement. Mais jusqu'à maintenant, nous avions gérés toutes les difficultés rencontrées avec plutôt d'aisance.
— Je ne regrette pas mon choix, lui répondis-je.
— Tu t'attendais à pire, c'est ça ?
— Le fait qu'on soit en équipe est plus rassurant. Je ne pense pas que j'aurais tenu le même discours si j'étais tombé sur d'autres participants.
— C'est clair que les descendants ont davantage d'expérience dans le domaine, mais il y a d'autres surnaturels qui sont tout aussi bons.
Mes yeux faillirent sortir de leurs orbites.
— Leith Cassano qui admet que d'autres personnes sont fortes ? C'est une première.
— Ils se débrouillent, disons, mais ils ne feront jamais le poids contre moi. Je suis quand même exceptionnel, non ?
— Et très prétentieux.
— Il le faut bien. Je n'ai jamais compris la manie humaine de toujours devoir se rabaisser. L'humilité, ce n'est pas de notre monde.
— Je l'ai remarqué très vite chez vous...
Un silence agréable s'installa entre nous durant lequel Leith passa une bande froide sur ma cuisse. Ses gestes méticuleux et doux me rappelaient ceux d'un enfant qui approchait pour la première fois un nourrisson.
— Dis, comment est-ce que tu sais pour tes origines de Berserk ?
Leith arqua un sourcil.
— Je veux dire que... tu n'as pas connu ta mère.
— Tu oublies qu'il y a la source des brumes à Diafosa.
J'avais totalement oublié l'existence de cette maudite source où je m'étais noyée.
— Certes, mais d'après ce que j'ai compris on ne peut pas la consulter autant de fois qu'on le veut.
— J'y allais souvent à une époque, mais ce n'est jamais bon de s'entretenir avec ses ancêtres trop souvent. Même si on y apprend beaucoup de choses, on peut y rester prisonnier.
— Tu as donc rencontré ta mère là-bas ?
— Pas ma mère, mais un Berserk qui avait existé il y a plusieurs décennies. C'est lui qui m'a tout expliqué sur nos origines, mais aussi le lien avec les Dragons. Ça m'a fait un choc au départ d'apprendre que je n'étais pas seulement le descendant de Zeus.
— J'imagine ... j'ai ressenti la même chose lorsque j'ai rencontré mon ancêtre.
Leith se renfrogna sur le lit.
— Je savais à l'époque tu me cachais quelque chose.
Je me remémorais cette fameuse nuit où Leith m'avait secouru dans la source. Je plaquai mes mains sur mon visage, embarrassée. Cet abruti m'avait vu nue comme un verre.
— Tu oublieras avec le temps, me rassura-t-il avec un sourire arrogant. Je ne te promets pas que ce soit mon cas par contre.
— Roh la ferme.
— J'ignore pourquoi je n'ai pas compris plus vite à ton sujet. C'était pourtant évident que tu étais une Dragonne, je le sentais au plus profond de moi. Mais j'étais si obnubilé par mon plan que je n'ai rien vu venir.
— Arrivera pourtant un jour où les surnaturels seront au courant pour nos espèces. Ce n'est qu'une question de temps avant que le conseil ne s'en rende compte. C'est peut-être même le cas au moment où nous parlons.
— C'est possible, me répondit Leith en croisant les bras sur son torse. Mais le conseil ne pourra rien faire si les descendants prennent partie. Il nous est impossible de s'allier avec eux, pas après tout ce qu'ils ont essayé de faire pour nous nuire. Sans oublier qu'ils pactisent déjà avec Gwenn.
— Tu n'as jamais songé un seul instant à ta vie si il n'y avait pas les descendants ?
— Je te l'ai déjà dit, les descendants sont ma famille. Je suis dur avec eux parce qu'on m'a appris que le respect et la peur étaient les meilleures façons de garder les gens de son côté. Si je devais perdre les descendants, je serais complètement perdu.
— Il n'y a pas que la peur et le respect, Leith. Si les descendants te portent suffisamment d'amour, ils ne te trahiront jamais.
Il éclata de rire en se tenant le ventre.
— Non, c'est faux. La plupart des gens ne sont pas comme ça. L'amour est une faiblesse, c'est pour ça qu'il faut être suffisamment puissant pour protéger les siens.
Je me surpris moi-même de poser cette question :
— Dans ce cas, pourquoi est-ce que tu m'aimes ?
Leith perdit aussitôt son sourire.
— C'est une question piège ? Tu t'attends à une longue liste des qualités qui font de toi une personne exceptionnelle ?
— Pas du tout, m'offusquai-je en fixant ses yeux bleus. Je trouve ça juste étonnant pour quelqu'un qui considère que l'amour est inutile.
— Je n'ai pas dit que l'amour était inutile, me rectifia-t-il aussitôt en s'asseyant à mes côtés. L'amour est une faiblesse, c'est un fait. Regarde, je ne suis plus le président de Diafosa aujourd'hui parce que j'ai fait mon choix. J'ai été faible, mais je ne le regrette absolument pas et si je devais refaire la même chose, crois-moi que je n'hésitais pas une seule seconde. Tu n'imagines pas la douleur que j'ai pu ressentir lorsque tu as été « enlevée » par les Protecteurs.
La lumière provenant des éclairs bleus dans sa main se fit plus intense.
— Je sais très bien que si on veut me faire du mal, tu seras forcément une proie de choix. Et c'est seulement dans ce but que je veux devenir puissant, pour qu'il ne t'arrive rien.
Leith n'avait à aucun moment mis sur le tapis notre lien, à mon grand étonnement.
— Alors il n'est plus question de destin ?
— Si je réponds à cette question, tu vas encore me faire la moral.
— Je t'avoue que je suis bien trop fatiguée pour te reprocher quoi que ce soit, lui répondis-je en baillant.
— Je vais attendre que tu sois plus ... disponible pour ce genre de choses.
Mes paupières devenaient lourdes. Il émanait une chaleur agréable du corps de Leith, une chaleur réconfortante et sécurisante qui me berçait comme un bébé. J'allais lui demander ce qu'il entendait par « disponible », mais je venais déjà d'oublier ce qu'il venait de dire. Je m'endormis à poings fermés.
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Hello, je fonds de chaleur help 🥲
Je ne sais pas pour vous, mais là où je vis il fait 40° 💀
J'espère que le chapitre vous aura plu, comme d'hab laissez-moi vos avis ou des corrections potentielles 😚
À jeudi ! 🖤