« Cher David, Je pensais que tu étais mon ami avant d'être mon superviseur, mais je devais me tromper.
Qu'est-ce que tu croyais quand je suis arrivée ici, que je resterais éternellement seule et célibataire ?
Que je ne me lierais avec personne ? Que je ne ferais jamais aucun choix personnel ?
J'ai tout abandonné pour venir ici alors que personne n'était disposé à le faire. Tu devrais me remercier au lieu de m'accuser de négliger ma mission.
Soyons clairs : je ne vais pas oublier ce que je suis venue faire juste parce que j'ai choisi les Altruistes et que je me marie. Je mérite d'avoir une vie à moi. Une vie que j'aurai choisie, pas celle que toi et le Bureau, vous aurez choisie pour moi. Tu devrais savoir tout cela ; tu devrais être capable de comprendre ce qui m'attire dans cette vie, après tout ce que j'ai vécu et subi.
Sincèrement, je ne crois pas que le fait que j'aie choisi les Altruistes au lieu des Érudits te gêne tant que cela, au fond. Je crois plutôt que tu es jaloux. Et si tu veux que je continue à te tenir au courant, j'attends tes excuses pour avoir douté de moi. Dans le cas contraire, je ne t'adresserai plus mes messages, et il ne sera plus question que je quitte la ville pour venir vous voir. À toi de décider.
Natalie »
Il fallait s'y attendre ... David était prévisible. Même si je savais qu'il y avait un risque qu'il m'en veuille, j'espèrerai quand même qu'il serait compréhensible.
Après être rentrée avec Andrew du quartier des sans-factions, je me suis empressée d'écrire un message à David, afin de lui faire parvenir l'heureuse nouvelle de mon futur mariage, et l'inviter.
Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, à rêver d'Andrew, et de son sourire craquant, la réponse de David m'attendait. J'ai été surprise car je n'avais pas eu de réponse pour les messages d'avant. J'ai été assez déçue de sa réponse. Il me reprochait d'être allée chez les Altruistes. Il ne m'a même pas félicité pour mon mariage, et m'a dit qu'il ne voulait pas assister à mon mariage, avec Andrew.
« J'avais d'autres projets pour toi. J'avais fait une liste de jeunes hommes qui te correspondaient parfaitement. J'avais fait des tests avec leur sang et ils étaient parfaitement compatibles avec toi. Vos enfants auraient été parfaits. Des enfants génétiquement purs. »
Cette phrase est celle qui m'a le plus mise en colère. Je n'avais aucune envie de me marier avec quelqu'un du Bureau, encore moins avec une personne que je ne connais pas. Il croyait quoi ? Que j'allais me marier avec quelqu'un qui va parfaitement avec moi, niveau sanguin. Il me connaît mal ...
Un peu remontée, je décide de répondre :
« Cher David, J'ai reçu ta lettre. Je comprends que tu ne souhaites plus réceptionner ces messages et je respecterai ta décision, mais tu me manqueras.
Je te souhaite tout le bonheur possible
Natalie »
David a de la chance, j'ai été assez gentille ... j'aurais pu être beaucoup moins sympa.
J'essaie de me calmer. Je ne vais pas le mettre en colère, le jour de mon mariage...
Je n'arrive pas à me rendre compte... aujourd'hui, j'épouse l'homme de ma vie... je suis sur un petit nuage !
Andrew s'est arrangé pour que l'on se marie à la mairie le plus tôt possible, afin d'éviter les problèmes quant à l'enfant que je porte. Le seul créneau disponible était aujourd'hui. A vrai dire, je m'en fiche que se soit aujourd'hui, ou demain. J'épouserai Andrew tous les jours s'il le fallait.
Je me lève, et regarde attentivement la pièce dans laquelle je me trouve, celle qui m'a servit de chambre. Ce soir, je serais dans une autre chambre, un peu plus grande, que je partagerai avec Andrew. Elisabeth a accepté de nous prêter une chambre double, en attendant que nous trouvions un appartement ou une maison.
Soudain, quelqu'un frappe à la porte, et l'ouvre.
– Toujours pas habillée ? Tu te marie bientôt...
Elisabeth entre dans la pièce, suivie de Stacy.
– On va te faire toute belle ! dit Stacy, en tenant des pinces à cheveux. Tu vas en profiter, car c'est le seul jour où tu pourras te faire belle, comme le veux les traditions des Altruistes. Alors c'est parti !
Elles me font assoir sur mon lit, et se mette à me coiffer, m'enfonçant des pinces à droite à gauche.
– Et voilà ! dit Elisabeth, un bon quart d'heure après. Maintenant, c'est au tour de la robe.
La robe en question est blanche, simple avec quelques dentelles. Je suis époustouflée.
– Mais ... je ... je n'avais pas prévu de robe...
– Toi non, mais nous si... , dit Stacy. Tu crois quand même pas que tu allais te marier dans robe de mariée...
– Mais je n'ai pas d'argent pour une telle merveille...
– Pas besoin d'argent. Je l'ai faite en prenant des bouts de tissus que j'ai trouvé à la lingerie. Elle n'est pas parfaite mais bon... ça fera l'affaire !
– Tu rigole j'espère, je lui dit en me levant. Elle est splendide !
– Merci beaucoup. Je voulais qu'elle soit à la hauteur. Allez, on t'aide à la mettre. Il ne manquerait plus que tu sois en retard le jour de ton mariage...
Lorsque j'enfile la robe, je pousse un soupir de ravissement. Le tissu est léger et doux, et la robe s'adapte parfaitement à mes formes. Et je m'aperçoit qu'elle cache l'arrondît de mon ventre.
Après quelques retouches dans ma coiffure, Elisabeth sort de la pièce.
J'en profite pour jeter un coup d'œil à Stacy, qui me sourit.
– Je suis au courant, dit elle en regardant mon ventre. Ne t'inquiète pas... je ne dirai rien.
– Merci beaucoup, vraiment...
A ce moment là, Elisabeth revient, portant un grand miroir.
– Profites en ... car tu n'auras pas beaucoup l'occasion de te regarder dans un miroir, me dit-elle,
Elle tient le miroir devant moi.
Le miroir me renvoie l'image d'une jeune fille un peu pâle. La robe et la coiffure me mettent en valeur, et j'avoue que j'ai du mal à me reconnaître.
Soudain une sonnerie retentit.
– C'est l'heure d'y aller ! déclare Elisabeth. Tu es prête ?
J'acquiesce d'un hochement de la tête, et nous sortons de la pièce. Nous descendons les escaliers, et croisons quelques personnes qui me souhaitent tout le bonheur possible, et certains qui m'applaudissent. Je réponds d'un simple signe de tête, la boule au ventre. Tout semble tellement parfait, que cela paraît louche...
– J'ai commandé une voiture, déclare Elisabeth. La mairie est loin et pas question que tu te balades dans la rue ou prennes le tram dans cette tenue. Monte !
Une sorte de taxi attend devant la cafétéria.
Lorsque je monte à bord du véhicule, le chauffeur me dit bonjour, puis :
– C'est le grand jour n'est ce pas ?
Le voyage est assez court. Pendant que la voiture roule, Elisabeth me déclare qu'elle ne s'attendait pas à ce que je me marie aussi vite, et surtout avec Andrew.
– J'avais quelques prétendants qui auraient pu te correspondre... mais bon...
Non mais j'hallucine... c'est quoi ces manies de vouloir absolument me caser avec des gens qui seraient parfaits pour moi ou qui me correspondent... je fais ce que je veux ...
Je décide de regarder par la fenêtre, tandis que Stacy me demande :
– Vous vous étiez déjà rencontré avant avec Andrew ?
– Heu... nous nous connaissions au lycée. J'avais cours de littérature avec lui. C'était mon voisin, j'explique vaguement.
Pas la peine que tout le monde en sache plus. C'est notre secret avec Andrew.
Une fois arrivé devant la mairie, aidée de Stacy et d'Elisabeth, je sors du véhicule, remercie le chauffeur et suit Elisabeth. Après avoir monté des escaliers et traversé d'immenses salles, nous arrivons dans une petite salle, dans laquelle se trouve un bureau avec deux chaises devant, et d'autres chaises tout autour. Une femme est déjà présente, toute de bleu vêtue, ainsi qu'un homme, que je devine comme le maire.
– Voilà la mariée ! Avec quelques minutes de retard... mais bon, le marié n'étant pas encore arrivé...
Je me raidis. La ponctualité est une grande qualité chez Andrew, et vu la hâte qu'il avait de m'épouser, c'est bizarre qu'il ne soit pas encore là.
Je m'assoie sur la chaise qui m'est réservée, un peu tendue et stressée.
C'est alors que je sens une main sur mon épaule. Je me relève, croyant qu'Andrew vient enfin d'arriver mais ce n'est que la femme habillée en bleu.
Un peu déçue, je me rassois, en contemplant la femme. Elle le dit quelque chose ... je l'ai déjà vu quelque part...
Soudain je me souviens. Je l'ai vu le jour de la cérémonie du choix, souriant à son fils, et essayant de calmer son mari.
– Vous ne seriez pas... je commence
– La mère d'Andrew ? me coupe la femme. Oui c'est bien moi. Il fallait un représentant parental. Alors je suis venue. Je n'allais pas manquer le mariage de mon fils, pour rien au monde. Bien sûr je me suis gardé de mettre au courant mon mari. Je crois que c'est Elisabeth qui jouera le rôle de représentant légal, comme l'aurait fait vos parents. Je suis vraiment désolée pour vous qu'ils ne soient pas là aujourd'hui, mais je suis sûre qu'ils auraient été fiers de vous voir vous marier.
Je ne suis pas si sûre que mes parents auraient été fiers. Ils ne s'occupaient jamais de moi, et ils s'en moqueraient avec qui je me marie, du moment que je parte de chez eux et les laisse tranquille. En revanche, j'aurais bien aimé que Nadine et Béatrice soient présentes... c'est grâce à elles si je suis là aujourd'hui, et je ne les remercierai jamais assez.
Un bruit de porte nous fait sursauter, et une jeune fille rentre, vêtue d'une robe rose. Vu sa ressemblance avec la mère d'Andrew, je devine que c'est la soeur d'Andrew. C'est en quelque sorte une version féminine d'Andrew. Le frère et la sœur se ressemblent beaucoup.
– Je suis allée voir dans sa chambre, et à son bureau, mais il n'y était pas, déclare la fille. Je n.ai aucune idée de l'endroit où il pourrait être. Pourtant, ce n'est pas dans ces habitudes d'être en retard...
Je me raidis, mais la mère d'Andrew pose une main sur mon bras, en me disant :
– Ne vous inquiétez pas. Andrew vous aime comme un fou... il vous épousera, soyez sans crainte !
– Natalie ! Je suis ravie de faire ta connaissance ! Andrew m'a tellement parlé de toi... il m'a dit que tu étais très jolie, et gentille. Je vois qu'il ne s'est pas trompé. J'ai la meilleure belle-sœur. Je crois qu'il ne pouvait pas mieux choisir ! Ah oui, désolée, je ne me suis pas présentée. Je suis Lucy, la soeur d'Andrew.
– Ravie de faire ta connaissance. Il m'a aussi parlé un peu de toi.
Je regarde vers la porte de la pièce.
– Il va finir par arriver, ne t'inquiète pas.
C'est alors que nous entendons des pas pressés dans le couloir, qui se rapprochent de nous.
– Tu vois ! me dit Lucy. Il est tellement impatient qu'il court presque.
La porte s'ouvre d'un coup. Mon cœur bat la chamade. Il vient d'arriver. Nous allons pouvoir nous marier !
– Enfin ! dit Lucy. J'ai cru que tu allais la faire attendre... ça te ressemble p... Papa ?
Je fixe l'homme qui vient d'entrer dans la pièce. C'est bien l'homme que j'avais vu le jour de la Cérémonie du Choix, avec ce même regard noir.
– Je crois que vous allez devoir me donner quelques explications, dit-il d'un ton furieux, les yeux jettant des éclairs.