- Je voulais savoir, comment ont-ils su que Nadine était divergente ? me demande la mère de Nadine. Et qui sont les divergents ? Les dirigeants de la ville disent que ce sont des gens dangereux et qu'il faut à tout prix les éliminer. Mais personnellement, je ne pense pas que les divergents soient si dangereux, que Nadine soit un danger.
Nous avons fini le délicieux repas préparé par la mère de Nadine. Celle-ci, m'a posé quelques questions à propos de mon enfance et de la vie au Bureau.
- Vous avez raison, je réponds. Ce ne sont pas des gens dangereux, c'est juste qu'ils ne pensent pas comme les autres. Moi-même, je suis divergente.
- Ah bon ? Je ne savais pas, confie Nadine.
- C'est pour cela que je suis ici. Je souhaite sauver les gens qui sont comme moi et qui n'ont rien demandé à personne.
- Ce que je ne comprends pas, reprend la mère de Nadine, c'est pourquoi ma fille est divergente alors que je ne le suis pas ?
- Eh bien, d'après le Bureau, certains enfants de natifs des Altruistes sont divergents. Vous étiez Altruiste ?
- En effet. Et par contre, mon mari était natif des Audacieux.
- Et bien, c'est assez courant.
- Si ça se trouve, Tori est divergente elle aussi, dit Nadine. Son père était Altruiste et sa mère Audacieuse.
- Peut-être, je dis en réfléchissant.
Il faudra que je vérifie ce que vient de m'avouer Nadine. Cela me donne une première piste dans la recherche des divergents.
- Je leur demanderai, déclare Nadine.
- Surtout pas, je réponds à Nadine. Il ne faut pas que tu les mêles à cette histoire. Je m'en occuperai quand j'aurai le temps. Mais très important, tu ne dois parler de divergence à personne. Tu fais comme si tu ne savais pas ce que c'est. C'est très important.
- Il est bientôt l'heure, dit la mère de Nadine. Tori va venir te chercher ici pour aller s'entraîner, ajoute-elle à mon intention. Tu verras, elle est très gentille. Elle est au courant que tu remplaces Nadine. Nous avons dû lui dire sachant que c'est la meilleure amie de Nadine. Mais tu n'as rien à craindre : elle ne dira rien à personne.
Une sonnette retentit.
- La voilà ! dit Nadine. Comme elle ne peut pas monter, tu vas devoir descendre pour la rejoindre. On se retrouve tout à l'heure ! Tori te ramènera pour éviter que tu te perdes.
- D'accord.
- Ah oui, j'oubliais.
Nadine prend une sorte de pendentif qui est posé sur la commode.
- Mets-le.
- Pourquoi ?
- C'est un pendentif d'identification. Tous les natifs des Audacieux en ont, jusqu'à la Cérémonie du Choix. Après, ils peuvent le retirer. Mais en attendant, tu dois porter le mien.
- À quoi cela sert-il ?
- C'est un peu comme ta carte d'identité. À tout moment, on peut te demander de montrer ton pendentif. Et si tu ne l'as pas, tu dois aller t'expliquer avec le juge, et te faire interroger. Crois-moi. Je l'ai déjà fait une fois, et cela m'a servi d'exemple.
Je passe le pendentif autour de mon cou et le mets sous mon tee-shirt.
- Parfait !
- Fais attention à toi, me recommande la mère de Nadine. Essaie de ne pas être trop curieuse et d'observer les lieux. Fais-le discrètement pour ne pas éveiller les soupçons.
- C'est compris. À tout à l'heure, et merci pour tout !
- T'inquiète, me répond Nadine en me faisant un clin d'œil. Bon courage !
Je sors de l'appartement et vais vers l'ascenseur. J'appuie sur le bouton. Aussitôt les portes s'ouvrent et j'entre dans la cabine. Je dessine le chiffre zéro sur le cadran. Deux secondes après, les portes s'ouvrent sur le rez-de-chaussée de l'immeuble.
Je sors du bâtiment. Je regarde tout autour de moi, et j'aperçois une fille un peu plus loin qui regarde dans ma direction.
Je la vois courir vers moi. Je recule un peu désemparée mais elle me saute dans les bras.
- Nadine ! Tu m'a trop manqué !
- Mais ... je ...
- Ne t'inquiète pas, me chuchote-elle. Je sais que tu t'appelle Natalie et que tu as pris la place de Nadine. Je faisais juste ça pour les caméras. Comme je n'ai pas vu Nadine depuis un mois, puisqu'elle était confinée et censée être malade, et que c'est ma meilleure amie, il faut des retrouvailles dignes de ce nom, ajoute-t-elle avec un clin d'œil.
Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je vais bien m'entendre avec cette fille.
- Ah oui au fait, je ne me suis pas présentée. Je pense que tu dois déjà le savoir : je m'appelle Tori. Tori Wu. Je suis la meilleure amie de Nadine. Viens, nous allons parler en chemin. Il ne faut pas perdre de temps d'entraînement.
- Tu habites ici ?
- Non. J'habite un peu plus loin, avec mon petit frère qui a un an de moins que moi.
- Avec ton frère ? Et tes parents ... ?
- Sont chez les Érudits. Je suis native de cette faction. J'ai été transféré l'année dernière, lors de la cérémonie du Choix, et mon frère m'a rejointe cette année.
- Alors tu es une native des Érudits ?
- Oui. Ma mère était Audacieuse et mon père Altruiste. Ils sont tous deux partis chez les Érudits et c'est là qu'ils se sont rencontrés.
- Comment es-tu devenue amie avec Nadine alors ? Elle a deux ans de moins que toi.
- Quand je suis arrivée ici, je ne connaissais personne. J'étais la seule Érudite à être transférée chez les Audacieux. Je me suis perdue dans un couloir et Nadine est venue à mon secours. Et après cela, on est devenue amie. Elle m'a beaucoup aidé à m'entraîner et c'est comme cela que j'ai pu passer les tests et devenir Audacieuse. C'est comme ma petite sœur. On s'entend très bien.
- Si tu as réussi à passer le test, ça veut dire que tu travailles ici maintenant, je l'interroge.
- Oui. Je travaille dans le magasin de tatouage.
Je m'arrête et la regarde.
- Tu travailles dans un magasin de tatouage ?
- Oui, pourquoi ?
- J'ai un petit service à te demander.
Je relève ma manche et lui montre le tatouage code-barre.
- Est-ce-qu'éventuellement tu pourrais m'arranger ça ? je demande. Me faire un tatouage par dessus ? Ce n'est pas très joli et je n'en ai plus besoin.
- Ça servait à quoi ?
- Ouvrir les portes. Mais ici, c'est par empreinte digitale.
- Eh bien, je verrai ce que je peux faire. Tiens, ça me donne une idée : si tu t'entraîne et progresses vite, je te ferai ton tatouage.
- Marché conclu, je dis en lui tendant la main.
Tori la serre avec un sourire.
Avec Tori, je me suis entraînée pendant deux heures. Elle m'a fait toute sorte d'exercices, et elle m'a même demandé de la frapper.
- Quoi ? Te frapper ? Jamais je ne pourrais, j'avais répondu.
- Et pourtant, tu dois le faire. Chez les Audacieux, il n'y a aucune pitié. Tu devras te battre contre d'autres pendant les entraînements, et même contre tes amis. C'est chacun pour soi. Tu apprendras à ne pas avoir de pitié quand tu sauras que ta vie est en jeu.
- Comment cela ?
- Eh bien, à la fin de chaque entraînement, il y aura un classement, du meilleur au moins bon. Tu as intérêt à être dans les premiers. Parce que si tu te retrouves avec les derniers, tu risques d'avoir des ennuis.
- Je ne vais jamais y arriver... je ne suis pas une native.
- C'est pour cela qu'il faut que tu t'entraînes. Maintenant, frappes-moi !
- Mais ...
- Tu le veux ton tatouage ?
Ce dernier mot m'avait stimulé et j'avais frappé Tori sur le ventre. Malheureusement, je n'avais pas eu le temps de reculer et je m'étais pris le poing de Tori dans la cuisse.
- Vas-y Natalie ! Ne te laisse pas faire !
J'avais riposté avec un coup de pied dans la jambe et une seconde après, je m'étais retrouvé par terre.
- Il faut que tu essaies de toucher les points sensibles. Tu es rapide, tu peux gagner. Il faut juste que tu places tes coups au bon moment. Et un autre conseil, essaies d'attaquer en première. Tu seras en meilleure position.
- Ok.
- On réessaie.
Je m'étais remise debout et nous avions recommencé à nous battre.
- Voilà ! C'était très bien ! avait déclaré Tori au bout de deux heures. Ce sera tout pour aujourd'hui. Nous essayerons de venir ici assez souvent pour que tu puisses progresser. Je pense sincèrement que tu peux y arriver. Tu as plein de qualités. Il faut juste que tu t'en serves au bon moment.
Nous sommes en route pour rentrer chez Nadine. Tori m'explique deux-trois techniques, qui pourraient m'être utiles.
Lorsque nous arrivons devant l'immeuble, Tori me déclare :
- Tu es vraiment une fille géniale ! Je suis contente de t'avoir rencontrée.
- Moi aussi, je dis.
- On se revoit demain ?
- Je ne sais pas. Je dois aller visiter la ville avec la mère de Nadine.
- Ok. Préviens-moi si tu es disponible pour se ré-entraîner.
- Pas de problème !
Tori me sert contre elle.
- Je te connais à peine, mais je te considère déjà comme ma petite soeur.
Cela me touche beaucoup.
- Tu as quel âge ?
- Dix-sept ans, bientôt dix-huit.
- J'ai aussi dix-sept ans. Je t'expliquerai plus tard.
- Ok !
- À bientôt Natalie !
Tori me fais un signe de la main puis part en courant.
Je la regarde s'éloigner, puis reprenant mes esprits, j'entre dans l'immeuble, après avoir scanné mon visage.
Une fois rentrée, je raconte mon entraînement à Nadine et à sa mère.
- Vous avez raison, Tori est vraiment gentille. En plus, elle a le même âge que moi.
- Ah oui c'est vrai. Je n'y avais pas pensé, avoue Nadine. Je savais que tu avais deux ans de plus que moi, mais je n'avais pas fait le rapprochement avec Tori.
- Allez les filles, il va être l'heure d'aller se coucher, annonce la mère de Nadine, après avoir fini de dîner. Demain, une grosse journée nous attend. Nous irons faire un tour en ville et j'en profiterai pour te faire une petite visite. Et n'hésites pas si tu as besoin de quoi que ce soit Natalie. Ah oui ! Et très important : il faut que tu m'appelle « maman ». Je sais que ça va te faire bizarre et que tu ne me connais pas trop, mais cela est nécessaire pour ton intégration ici.
- Oui je comprends tout à fait. Bonne nuit ... maman.
Ce mot résonne à mes oreilles. Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas prononcé ce mot. Je me rends compte que je n'ai jamais réellement appelé ma mère « Maman ». Comme elle n'était presque jamais là, je n'avais pas d'occasion de lui parler. Et sinon, c'était elle qui me parlait pour me donner des ordres.
La mère de Nadine me sourit et me fait signe de suivre sa fille.
- Je vais te montrer ta chambre, me dit Nadine. Enfin, c'est la mienne. Tu dormiras dans mon lit, et je dormirai par terre.
- Je refuse !
- Tu n'auras pas le choix, me sourit Nadine. Je pars dans deux jours.
Elle me conduit dans le couloir et ouvre la deuxième porte à droite.
La chambre de Nadine est dans les tons gris / noirs. Les murs sont gris foncés et le mobilier est noir. Un lit se trouve devant la fenêtre. Juste à côté de la porte, il y a une armoire et à droite, un bureau et une chaise.
Il y a un coffre au bout du lit, noir lui aussi. Et en face du lit, est accroché une sorte de panneau en liège, gris cette fois.
- Je m'en sers pour lancer des couteaux, m'explique Nadine qui a dû remarquer mon air surpris. Il faut s'entraîner régulièrement.
Elle s'avance vers l'armoire et sort un tee-shirts noir et un bas gris.
- Tiens, me dit-elle en me tendant les vêtements. C'est ton pyjama. Ma mère est allée en chercher un neuf tout à l'heure. Elle t'a aussi pris quelques chemisiers, une veste et deux paires de chaussures. Comme ça tu seras équipée. Ah oui, elle t'a aussi pris un uniforme pour le lycée. Je ne suis jamais allée au lycée, car ma mère me faisait l'école à la maison. Mais toi, tu vas y aller.
Je me mets à bailler. Cette longue journée m'a épuisée.
- Au lit ! m'ordonne Nadine. Demain tu auras une journée sportive. Il faut que tu sois en forme.
J'enfile le pyjama que m'a donné Nadine et après m'être lavé les dents et laver le visage, je m'allonge sur le lit.
Nadine se couche sur le matelas que sa mère a installé pour elle.
- Bonne nuit Natalie ! me dit-elle.
- Bonne nuit Nadine, je réponds. Et merci pour tout !
- Il n'y a pas de quoi !
Au bout d'une dizaine de minutes, j'entends la respiration lente de Nadine : elle s'est endormie.
Je la regarde. Je la connais depuis à peine quelques heures, et pourtant, je la considère déjà comme ma sœur. Pareil pour Tori. Quant à la mère de Nadine, elle est un peu comme ma mère, comme la mère que je n'ai jamais eu. Pour la première fois de ma vie, j'ai une famille, et des amis.